Aimez vos ennemis !

24 février 2024

Aimez vos ennemis !

 

«  Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent  » exhorte notre Seigneur (cf. Mt 5, 43-48). Assurément, ce n’est pas, a priori, une disposition spontanée ou naturelle, et nous pourrions en rester là en nous disant - jusqu’à nous en convaincre - que ce n’est pas pour nous et que nous ne pourrons y arriver.

Au sens large, les ennemis sont ceux qui ne sont pas nos amis, qui peuvent nous vouloir du mal, et le faire ; ou simplement ne pas nous vouloir du bien et le manifester par leur attitude. Les ennemis sont parfois objectivement identifiables, mais il peut aussi arriver que nous déclarions comme des tels des personnes pour lesquelles de premier abord, en apparence et superficiellement, nous n’avons pas de sympathie, sans toutefois vraiment les connaître. Dans tous ces cas, il peut nous être déjà difficile de prier à leur intention, parce que cela ne vient pas spontanément, notre cœur n’y incline pas. Mais lorsque ces ennemis deviennent nos persécuteurs par leurs pensées, leurs paroles, leurs actions, les sentiments de notre cœur sont ceux de la justice, de la peine, voire de la vengeance, mais rarement de prier pour eux.

Or, Notre Seigneur nous rappelle notre devoir de prière à leur intention. Certes, la prière est un acte d’amour, mais elle ne peut se réduire à un acte de sympathie, ou de sensibilité. Dans cet acte d’amour, déjà, nous sommes vainqueurs du mal. En effet, en priant, nous unissons notre cœur au Cœur de Dieu. En priant, nous aimons Dieu et nous recevons de Lui son Amour. En priant, notre cœur peut alors aimer avec l’Amour même de Dieu, par la puissance de l’Esprit-Saint. En priant, par la puissance de cet amour, ce qui n’était pas possible à notre cœur blessé, le devient, par la puissance de la grâce de Dieu, capable de transfigurer toute chose.

Aimer ne se limite pas à un être un acte d’affection pour ceux pour qui l’on a de la sympathie «  si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous  ? » interroge le Seigneur ! L’amour peut revêtir bien des formes, et se manifester de bien des manières «  L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » (cf. 1 Cor. 13, 4-7), il se fait patience, dévouement, bienveillance, générosité, humilité, modestie, tempérance, piété, compassion, tendresse, pardon…

Par la prière, en s’adaptant aux personnes, aux situations, aux besoins et nécessités du moment, l’amour se fait serviteur et artisan de paix ; il nous permet de surmonter et de vaincre les épreuves et le mal.

Nous faisons parfois l’expérience du fait que la prière est un combat : nous n’avons pas envie de prier, nous pensons n’avoir pas le temps, parce qu’autres priorités semblent s’imposer, nous perdons patience parce que le temps est long et que notre esprit vagabonde. Oui la prière est aussi un combat contre nous-mêmes, nos sensations et sentiments du moment, nos états d’âmes, nos préoccupations. Certes, le chemin est parfois difficile, sans les ennemis qui viennent encombrer le chemin, et pour autant, nous ne nous sommes pas trompés de chemin ! C’est vrai aussi de notre prière pour nos ennemis.

Quand bien même ces ennemis existent objectivement vraiment, qu’ils nous manifestent leur inimitié, voire nous persécutent et nous font du mal, cela ne justifierait pas de ne pas prier pour eux, au contraire. En effet, si face au mal, nous ne savons réagir que par le mal, alors nous sommes encore victimes et plus encore complices de ce mal. Si nous voyons le mal, que nous constatons ce qu’il manque au cœur de nos ennemis, et que nous ne le demandons pas pour lui, par la prière, nous faisons le mal à notre tour, nous manquons à notre devoir de charité.

«  Ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal  » redisons-nous chaque jour dans la prière des enfants de Dieu. Puisse cette demande être authentique ! La tentation peut être celle de nous laisse conduire par le mal, par la vengeance, par l’inimitié. Et nous devons être réaliste et modeste face à cela, reconnaître que nous risquons de tomber dans ce travers. Il ne s’agit pas de justifier notre vengeance, de justifier le mal ou de rendre sympathique notre ennemi, mais tout en reconnaissant la réalité de cela, de nous libérer de son emprise.

 

Abbé Bruno Gerthoux, curé