1er février 2023


Edito de l’évêque> « Choisis la vie »

Notre vie commune en société a sans cesse besoin de s’ajuster en tenant compte de la diversité des attentes et des approches de ses membres. Reviennent ainsi régulièrement des questions sur lesquelles il faut essayer de clarifier nos réponses, et nous savons bien que cela devient de plus en plus complexe dans une société où les points de référence sont multiples.

La première ministre Élisabeth Borne a annoncé fin août 2022 le lancement d’une «  consultation  » sur la fin de vie. Le CCNE a publié un avis sur la fin de vie (Avis n°139) ouvrant la voie à une éventuelle législation de l’euthanasie et du suicide assisté. Cela, en envisageant les situations pour lesquelles la souffrance est insupportable. Il précise cependant qu’il faut développer les soins palliatifs « avant toute réforme ! ». Une convention citoyenne a été constituée. Installée le 9 décembre dernier. Elle doit livrer ses conclusions le 19 mars prochain, en réponse aux trois questions que leur a adressé la première ministre, Élisabeth Borne :
« Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »
« Quelle organisation et quels moyens mettre en œuvre pour une application pleine et entière de la loi Claeys-Leonetti de 2016 ? »
Quelles situations de fin de vie nécessiteraient une adaptation du cadre actuel ? »

Cette convention, constituée de 150 personnes tirées au sort s’est engagée dans un travail de discernement et a commencé à formuler des propositions. Les médias nous permettent peu à peu d’en prendre connaissance.

Mais la réflexion n’est pas réservée aux membres de cette convention qui a pour mission d’éclairer les parlementaires. En bien des lieux, des échanges et des temps de réflexion s’organisent. Plusieurs se sont tenus ou doivent se tenir dans le département :

  • A Avignon le 30 janvier, débat à l’initiative de la municipalité pour « s’informer et échanger sur la fin de vie ».
  • A Cadenet, à l’initiative de la paroisse, conférence par le docteur Souletie, praticien à la clinique Sainte-Elisabeth à Marseille, spécialisée en soins palliatifs, le samedi 4 février à 15h.
  • Pour le diocèse, à l’initiative de la pastorale de la santé, le 10 Février à 20h30 à l’Enclos Saint-Jean, table ronde : « Fin vie : Quels enjeux pour la société ? » (avec un juriste, une personne investie dans les soins palliatifs, un médecin gériatre et moi-même.) Le diocèse invite à une journée de jeûne et de prière pour le respect de la vie humaine ce jour 10 février 2023.

Les évêques de France ont proposé une lettre pastorale « Ô mort, où est ta victoire ? » Il peut être important de la lire personnellement et/ou d’en faire l’occasion d’un partage à plusieurs.

Et tout cela n’est pas exhaustif. Nous avons là autant d’occasions offertes pour ne pas passer à côté de cette question importante et de la réfléchir à frais nouveaux.

En effet, bien des éléments sont à prendre en compte et doivent nourrir notre réflexion. Je n’en reprends ici que quelques-uns :
Qui est en situation de choisir ? La personne ? L’entourage ? Le médecin ?
Comment chaque personne peut-elle se situer devant ce choix ? Et faut-il le rendre possible ?
Que peut provoquer le fait de décider de demander la mort pour des membres de l’entourage ?
La profession médicale, elle, souligne la contradiction entre le soulagement apporté par les soins, ce qui est sa mission, et la proposition de donner la mort.
Plus largement, vouloir développer en même temps les soins palliatifs et l’aide active à mourir viendrait faire peser sur chacun le choix de mourir et de vivre.

Quelle société voulons-nous ? Une société de désirs individuels qui s’imposent à tous.
Une société de fraternité ? Et comment appeler fraternel le geste qui donne la mort à son frère qui la demanderait ?

Bien plus largement que les croyants des grandes traditions religieuses, nous sommes héritiers de la longue tradition éthique issue du « tu ne tueras » pas. Pouvons-nous relativiser cela ?

La foi en Dieu nous apporte de précieuses lumières. Elle nous révèle un Dieu qui fait alliance et veut la vie pour chacun. Nous le confessons comme Père, et nous recevons tout être humain comme un frère. La construction de la fraternité passe par cette alliance. Il en est ainsi de celle qui se noue entre le patient et le soignant. Cet autre fragilisé est mon frère, ma sœur à accompagner. Et cela, nous le savons, peut faire surgir en nous bien des ressources d’humanité.

Nous ne sommes pas des individus, mais des êtres de relation. Et la fraternité est la construction d’une relation, d’un avenir. Aussi court soit-il. Donner la mort ou faire que la personne meure devient alors rupture de cette relation.

Plutôt que de décider d’anticiper la mort, attachons-nous à déployer le soin autant qu’il est possible.
Prenons soin des personnes, mais aussi de l’hôpital, de l’EHPAD, et prenons conscience de l’urgence de développer une culture palliative.

« Je mets devant toi la vie ou la mort… Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance. » Dt 30,19

+ François Fonlupt
Archevêque d’Avignon

Portrait> Pentecôte pour notre couple

De quoi s’agit-il ? Ce sont des week-ends de retraite pour couples, organisés par la Communion Priscille et Aquila, dont Nathalène Duthoit et son mari font partie.

« Priscille et Aquila, couple ami et missionnaire de Saint Paul, est aujourd’hui une communion de couples missionnaires, des couples qui veulent annoncer et témoigner de tout ce que le Seigneur a fait dans leur vie : combien le Seigneur nous aime, combien le Seigneur est venu sauver notre amour, sauver notre relation conjugale quand elle était abîmée, comment Il est venu guérir nos vies grâce à la prière, grâce à l’Esprit Saint, grâce aussi aux frères et sœurs qui prient pour nous. »

Le week-end s’articule ainsi : un couple donne un temps d’enseignement basé sur la Parole de Dieu (45 minutes), ensuite, un prêtre expose le Saint Sacrement et il y a un temps d’adoration et de prière (1/2h) ; ensuite il y a des temps de couples (1h) pour que les couples puissent se retrouver ensemble, prier et relire ce qu’ils ont reçu.
Les retraitants sont en silence pendant tout le week-end, mais les époux ont le droit de se retrouver et de parler entre eux.

« Il y a aussi beaucoup de louange pour nous ouvrir le cœur et nous connecter au Seigneur en chantant ! Il y a un fil rouge avec une pédagogie du week-end : on s’occupe de notre personne, de notre mariage, on va de la naissance jusqu’à l’avenir pour que chaque couple se laisse porter par l’Esprit Saint, car chaque couple est unique avec son histoire passée, mais aussi avec le projet que Dieu est en train de lui révéler ; c’est donc un temps pour se mettre à l’écoute de ce projet de Dieu pour nous. »

Il n’y a pas d’âge particulier requis : des jeunes s’y retrouvent mais aussi des couples qui ont 40 ou 50 ans de mariage et qui viennent encore demander la Grâce du Seigneur.

"Ces week-ends sont là pour les remettre dans les mains du Seigneur car c’est Lui qui aide, qui guérit. Et à chaque week-end, on est toujours bouleversés de voir tous les miracles que Dieu fait :

des miracles physiques, mais surtout des réconciliations, des guérisons, des choses qui n’étaient pas ajustées qui altèrent la communion conjugale, des relectures, et le Seigneur vient purifier, nettoyer, raccommoder, redonner un nouveau regard sur notre couple.
Comme c’est le Seigneur qui nous donne sa joie, on est toujours surpris par le côté festif : au début on est tous un peu figés car on ne se connaît pas et puis, au fur et à mesure, le Seigneur nous entraîne dans sa joie profonde. C’est aussi un week-end où on réserve beaucoup de surprises à nos retraitants.
Le week-end se clôture par une prise de paroles des retraitants qui, s’ils le désirent, peuvent partager une grâce que le Seigneur a fait pour eux pendant cette retraite. Et c’est toujours bouleversant, on a les larmes aux yeux de voir la puissance de la prière des couples, et comment le Seigneur est venu exaucer leur foi et même au-delà !

Le mariage aujourd’hui, c’est difficile, et la société ne nous aide pas du tout à garder notre mariage pur : durant ces week-ends, le Seigneur vient nous redire qu’Il s’est engagé avec nous dans le sacrement du mariage qu’on s’est donné il y a 10, 20 ou 50 ans !"

Pour connaître le prochain week-end Cénacle pour notre couple, il faut consulter le site de la Communion Priscille et Aquila : https://www.communion-priscille-aquila.com/Week-end-Cenacle-pour-notre-couple.html

Résumé d’un entretien avec Martine Racine pour l’émission « Pourquoi le Taire » sur RCF Vaucluse

par Sylvie Testud

Le livre du mois> L’amour vrai…au seuil de l’autre, de Martin Steffens 

Voila un livre incandescent, dans la droite ligne des précédents ouvrages de l’auteur. On y découvre que le mal - jamais bien éloigné du bien - n’est pas son contraire, mais son singe, sa caricature.

« Le mal c’est l’impatience du bien » dit Tertullien ;

c’est l’impatience d’un bien qui va nous être donné, mais que nous arrachons au lieu d’attendre de le recevoir, comme Adam et Eve au jardin d’Eden.

C’est ainsi que cet amour vrai, cet amour-agapé, l’aspiration la plus profonde inscrite au fond de notre coeur, va être singé et, de ce fait, défiguré de multiple façons, en particulier par cette caricature grimaçante qu’est la pornographie, qui prend au piège ce désir infini de l’infini.

Elle est en effet l’image fausse d’un désir vrai : celui d’être « tout à tous », celui qu’avait celle qui avait « beaucoup aimé », Marie Madeleine, la pécheresse convertie.

La pornographie c’est prendre l’autre pour se l’approprier, dans l’immédiateté de son désir alors que

l’amour vrai, c’est recevoir en soi sans réduire à soi,

c’est brûler d’un désir qui renonce par amour à consumer l’autre, c’est patienter au seuil de l’être aimé, comme on l’est quand on est en prière .

La pornographie, c’est la joie de scandaliser l’innocence, c’est « une machine à faire tomber les anges du ciel, et un ange qui chute c’est proprement luciférien » .

Dieu s’est alors fait l’un de ces petits, pour nous redonner cette innocence.
Dieu s’est fait offrande pour nous apprendre par sa passion la patience de La Croix.
Dieu s’est fait nourriture pour nous et, en se laissant manger, il nous touche là où le péché nous a blessé.

Enseignement catholique > « Education Affective Relationnelle et Sexuelle » dans nos écoles

Par Mme Daniella Weddle, référente EARS dans la DDEC

Depuis le mois de septembre, un programme de formation EARS (Education Affective Relationnelle et Sexuelle) a été mis en place par la Direction diocésaine. Ce programme offre aux Chefs d’établissement qui le souhaitent la possibilité de faire appel à des intervenants envoyés en mission par le diocèse, pour proposer un parcours de formation intégrale en cohérence avec le caractère propre de nos établissements. De nombreux établissements ont fait appel cette année à l’équipe EARS de la DDEC, qui grandira les années à venir.

Les intervenants dans ce parcours sont issus du Parcours de formation EARS que la Province d’Aix-Marseille propose depuis quelques années. Cette formation, demandée par les évêques, vise à constituer un vivier de formateurs au service des diocèses, dans l’Enseignement catholique, dans les aumôneries... Trois stagiaires ont été envoyés cette année en Formation : un Chef d’établissement, une Adjointe en pastorale scolaire, envoyés par la DDEC, et une jeune femme, envoyée par le Service diocésain des jeunes du diocèse. Ils rejoindront notre équipe l’année prochaine.

Depuis septembre, nous avons proposé un parcours au service des établissements (voir le programme ici). Nous n’avons pas été étonnés de la forte demande. Nous n’avons pas cessé d’intervenir partout dans le diocèse. De nombreux établissements proposent déjà des activités dans ce domaine. D’autres commencent à mettre en place des parcours EARS, notamment dans les écoles. Quand aujourd’hui les enfants sont de plus en plus précoces et les parents se sentent de plus en plus démunis pour aborder ces questions avec leurs enfants, ces préoccupations génèrent des questions : les adultes ne sont pas toujours à l’aise dans ce domaine. C’est pourquoi il est pertinent de faire appel à des intervenants extérieurs qui, connaissant la structure de l’Enseignement catholique, travaillent en collaboration avec les Chefs d’établissement et dans le respect du rôle des enseignants.

Dans la mise en œuvre de notre parcours, les parents sont informés en détail de la visée développée ; ils peuvent ainsi adhérer au principe même de l’éducation affective, relationnelle et sexuelle. Ils sont en ce domaine les premiers éducateurs et nous cherchons à les associer chaque année davantage. En même temps, l’école a une responsabilité importante pour confirmer ce que les enfants reçoivent en famille , ou, parfois, pour aider des parents démunis. Notre proposition de formation EARS vient soutenir les établissements qui le souhaitent pour se donner des moyens réguliers de formation et des lieux d’écoute pour les jeunes et les parents.

Aborder l’éducation affective, relationnelle et sexuelle dans nos établissements relève de notre mission. Le projet spécifique de l’Enseignement catholique attaché à la formation intégrale de la personne humaine, réfère l’éducation affective, relationnelle et sexuelle à la vision chrétienne de l’anthropologie et l’inscrit dans une éducation plus large à la relation, qui concerne tout le parcours scolaire.

Au sens propre, l’affectivité est ce qui « affecte› , ce qui touche , et ainsi, ce qui révèle aussi la vulnérabilité. La sexualité atteint chacun dans sa dimension intime, car ce qui touche le corps, touche la personne dans son être. Elle est donc en lien étroit avec l’affectivité et ne peut être réduite à la génitalité. La dimension affective engage la totalité de la personne : une personne appelée à se construire par la relation, à se connaître et à répondre d’elle-même et de l’autre. Il s’agit d’accompagner une personne en croissance, dont le développement psychoaffectif connaît de fortes évolutions au cours de la scolarité. Cet accompagnement vise à inscrire ce développement dans la construction d’un vivre-ensemble harmonieux et requiert un sens juste de la dignité humaine de l’enfant, de l’adolescent et du jeune, ainsi qu’une compréhension exacte de la liberté et la responsabilité.

Cette préoccupation s’inscrit aussi dans l’obligation qui est faite par l’Éducation nationale aux établissements associés à l’État par contrat de dispenser une éducation à la sexualité et de travailler à la prévention. Les textes demandent d’aller au-delà des connaissances biologiques pour développer des approches psychologiques, sociales et éthiques.

En tant qu’Enseignement catholique, nous avons une spécificité qui doit se manifester dans la manière d’aborder ces questions fondamentales dans l’acte d’éducation. Cette spécificité relève de notre caractère propre et d’une vision de la personne humaine qui nous est propre. Cette anthropologie considère le jeune et l’enfant dans toutes ses dimensions, comme un être doté d’un corps, d’une âme et d’un esprit. Elle ne néglige pas la dimension transcendante de chacun.

La formation EARS ne peut, de notre point de vue, se limiter à des initiatives ponctuelles à l’âge de la puberté ou parce qu’un événement de la vie de l’école appelle une intervention. L’éducation affective, relationnelle et sexuelle s’inscrit dans le projet de l’établissement pour que la communauté éducative dans son ensemble la prenne en charge. Un projet éducatif a pour ambition de faire de l’école un lieu qui va au-delà de la transmission des connaissances. Il s’agit de favoriser l’épanouissement de chacun, de former les enfants et les jeunes à se situer dans leur vie affective, relationnelle et sexuelle pour qu’adultes, ils soient prêts à assumer leurs responsabilités, tant sur le plan social que familial.

Daniella Weddle, Référente EARS 

Il y a 100 ans dans le diocèse> Autrefois dans le diocèse d’Avignon, en février, 1923-1973

Commission diocésaine du Denier du Clergé 1923-1973

Le trésorier de l’œuvre du Denier du Clergé, présentant les comptes aux membres de la Commission diocésaine du Denier du Clergé pour l’année 1922, n’a « que des constations heureuses à faire et des éloges à donner ».

En effet, les comptes révèlent un excédent de recettes qui permet de couvrir les dépenses pour l’allocation des curés, vicaires, aumôniers et membres de l’administration diocésaine. Aussi, déclare-t-il « nous avons pu de nouveau en cette fin d’exercice, envoyer à la Caisse centrale interdiocésaine de Paris, la somme de 3000 fr, et à la caisse des Séminaires diocésains, la somme de 7000 fr. »

« 46 (paroisses) ont largement dépassé la contribution qui leur est demandée », «  62 autres ont atteint la somme qui leur est demandée », « 23 se rapprochent du chiffre de leur contribution » et d’ajouter « ce serait méconnaître leur générosité et le zèle de leurs pasteurs, de croire qu’elles ne chercheront pas là à s’inscrire, dès cette année, parmi les heureuses paroisses que nous venons de nommer ». Le trésorier note toutefois que « quatre paroisses seulement doivent être notées comme n’ayant pas fait l’effort nécessaire pour s’acquitter de leur obligation ». Quoiqu’il en soit, conclue-t-il, « c’est une constatation réconfortante, qui permet d’envisager l’avenir sans aucune crainte. Avec la grâce de Dieu, sur laquelle nous fondons nos espérances, cette prospérité ne subira pas de déclin ».

Jusqu’à la Loi de séparation des Églises et de l’État, dans le cadre du Concordat qui avait signé entre la France et le Saint-Siège, l’État français s’engageait à pourvoir à la subsistance du clergé, en contrepartie, le Saint-Siège avait renoncé à réclamer la restitution des biens ecclésiastiques qui avaient été confisqués par la Révolution française. Les biens en question était les lieux de culte en premier lieu, mais aussi les logements et habitations (évêchés, séminaires, couvents, presbytères…), en outre, d’autres biens permettant de produire des bénéfices et revenus (notamment des terres exploitables) étaient concernés. Ces bénéfices et revenus permettaient d’une part d’assurer un traitement pour le clergé, mais aussi l’entretien des édifices.

Avec la Loi de Séparation des Églises et de l’État, si les lieux de culte furent « affectés au culte », l’Église a dû trouver les moyens de subvenir aux besoins de la mission, notamment la rétribution du clergé. Par le régime légal français de l’affectation, les lieux de culte qui étaient propriété des Conseils de Fabrique avant la séparation des Églises et de l’État, tout en demeurant propriétés publiques (cathédrales de l’État ; églises et chapelles des communes), sont attribués à l’Église catholique pour en faire une utilisation exclusive et gratuite. Peu à peu, à partir de 1905, l’Église catholique s’est organisée afin que les fidèles contribuent à la subsistance du clergé et les besoins de la mission par le Denier du Clergé, devenu par la suite Denier du Culte, et plus récemment Denier de l’Église.

En février 1973, Mgr Polge écrivait à cet égard dans le Bulletin Religieux du Diocèse d’Avignon (n°3-4 février 1973, p.48) « notre Église est justement fière de sa liberté. Ce sont les chrétiens qui la font vivre matériellement ». Toutefois, en regrettant le chiffre dérisoire pour l’année 1969, il se félicitait d’une augmentation importante en 1972, « due à l’effort de certaines paroisses et de chrétiens plus nombreux acceptant de verser 1% de leurs revenus pour l’Église diocésaine », tout en insistant sur le fait qu’il ne peut « se résoudre à voir l’Église vivre de la générosité de quelques-uns, toujours les mêmes ». Il concluait en exhortant les fidèles « là aussi se joue le sort de l’Église et sa liberté. Là aussi se renouvelle son visage. L’Église devient « notre » Église. Celle que nous portons ensemble, que nous faisons vivre et grandir, que nous voulons comme un véritable signe de communion fraternelle ».

L’Esprit de la Loi Chrétienne, mandement de Carême de Mgr Latty, février 1923

L’Archevêque d’Avignon souhaite encourager les fidèles - prêtres, consacrés et laïcs - en ce temps favorable qui permet de se convertir «  vers la lumière et la justice de Dieu », important et essentiel pour tout chrétien, parce que « d’un Carême à l’autre on finit par arriver à la Pâque éternelle ». Il souhaite rappeler « les formes solennelles et pressantes dont Jésus-Christ s’est servi pour frapper les esprits et les tenir dans un perpétuel éveil ».

Mgr Latty veut évoquer l’esprit de la Loi évangélique, établie par Notre Seigneur lorsqu’il déclara « Je ne suis pas venu abolir la Loi et les Prophètes, mais bien les accomplir et les perfectionner », et cela par la Loi de charité.

Elle s’enracine dans la justice, qui ne consiste pas seulement « à ne point léser nos semblables », mais « l’ensemble des vertus qui rendent l’homme juste devant Dieu et agréable à ses yeux ». Comme Notre Seigneur interpellant les pharisiens, il dénonce une justice qui ne serait qu’orgueilleuse – se justifiant elle-même – extérieure et matérielle, superficielle et mondaine, même sous couvert de religion.

Il exhortait les fidèles à aller au-delà même de la justice du monde. « O enfants du Père céleste, héritiers de son royaume ! Soyez parfaits : estote perfecti... Votre perfection doit être semblable à celle de Dieu. Elle doit être tout intérieure, sans cesse grandir, se développer et tendre vers son modèle… Voilà le vrai chrétien, le vrai juste. Il croit toujours n’avoir rien fait car, s’il croit être suffisamment juste, il ne l’est point du tout. Il faut donc toujours avancer, sortir continuellement de son état, tendre à un état meilleur, vers la beauté absolue de Dieu ».

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste

Patrimoine> Avignon : Vous appelez ça une façade ? C’est un décor de théâtre !

La Place du Palais des Papes est le lieu mythique où se précipite tout touriste ou festivalier arrivant à Avignon. Cet ensemble monumental fut au moyen-âge encombré de maisons, d’une rue et même d’une paroisse. Les Papes exproprièrent tout cela et en firent en 1403 la Place de prestige de leur pouvoir, où se déroulait par exemple l’entrée solennelle du Vice-Légat dans sa ville, précédé de ses chevau-légers et de ses gardes Suisses (gravure de1774) :

Vous voyez au nord, le Petit Palais des évêques, à l’est, la cathédrale des Doms et le Palais des Papes, siège de l’administration du Vice-Légat jusqu’à la Révolution, au sud un palais qui deviendra la Banque de France jusqu’au début de ce siècle et à l’ouest, un très curieux bâtiment, l’Hôtel des Monnaies :

Sa façade se partage en trois bandeaux nettement séparés par des corniches. Le rez-de-chaussée souligné de sévères et solennels bossages s’ouvre sur une haute porte encadrée de quatre fenêtres. Les deux bandeaux supérieurs sont aveugles pour céder la place à de monumentales sculptures. À droite et à gauche, deux têtes de lion serrent dans leur gueule des guirlandes de fruits sur lesquelles se tiennent d’un côté un aigle et de l’autre un dragon. Parmi les fruits, je devine des coucourbes, des artichauts, des grenades, des raisins… À vous de compléter.

dragon

Au centre, une inscription en latin très lisible nous renseigne sur le constructeur, son patronage et son intention :

Cette inscription est un vrai choc des cultures avec notre époque : elle est caractéristique d’un temps révolu, imprégné de culture antique. Par exemple, Paul V est qualifié de Pontife, titre de la Rome antique toujours employé aujourd’hui pour les Papes. Mais les adjectifs suivants susciteraient actuellement l’hilarité : Optimus Maximus... le plus Grand et le Meilleur... Qui pourrait aujourd’hui se les attribuer ? Ensuite, le texte fait allusion aux trois magistrats romains chargés de frapper la monnaie : « auro argento aere flando feriundo. » Qui en a entendu parler en 2023 ? Pour les amateurs - il y en a - c’est là le vrai plaisir : rencontrer un monde si différent, si loin de nous... Contentons-nous de donner une traduction en simple français courant compatible avec notre culture : « Paul V Pontife fit édifier ce monument pour y battre monnaie d’or d’argent et de bronze et pour décorer et orner la ville administrée par Jean-François de Bagni archevêque de Patras et vice-légat d’Avignon en l’année 1619 »

Le Pape Paul V qui régna de 1605 à 1621 appartenait à la célèbre famille romaine des Borghèse, dont les armes étaient un dragon et une aigle (oiseau uniquement féminin quand il s’agit de blason...) ce qui explique l’encadrement… du reste, le bandeau supérieur porte ses armes : l’aigle et le dragon sous la tiare.

En fait, on n’y battit jamais monnaie… le bâtiment servit de caserne aux cinquante Chevau-Légers du Légat, à l’uniforme écarlate et argent, qui portaient épée et mousquet et dont les chevaux, nous dit le Règlement : « seront de la taille de 4 pieds 7 pouces mesurés depuis le dessous du fer jusqu’au garrot, à la naissance du crin. Ils seront choisis d’un poil noir, châtain ou bai obscur, avec tous leurs crins. Nous défendons très expressément tout cheval d’un poil différent à ceux-ci, afin de conserver dans la troupe le plus d’uniformité qu’il sera possible. » Vous pouvez les apercevoir sur la première gravure.

Si l’on se décentre pour regarder de biai cette façade quasi aveugle comme dans la photo ci-dessous, on s’aperçoit clairement qu’il s’agit d’un simple mur plaqué sur un bâtiment. Sa fonction n’est pas de permettre à un habitant de pouvoir ouvrir ses fenêtres pour profiter du beau temps ou du spectacle de la ville. Sa fonction c’est d’offrir la beauté de son décor au spectateur extérieur. C’est un simple décor, destiné à être vu face à soi comme au théâtre ou à l’opéra :

Entre la dynamique irrégulière du Palais des Papes et la si régulière, un peu guindée et un rien trop lourde façade de l’Hôtel des Monnaies, le contraste est saisissant... Pour en savoir plus, je monte dans le carrosse du Vice-Légat et je m’assieds sans façon à côté de lui. Et alors je comprends tout ! C’est évident ! le Vice-Légat a voulu orner sa ville à cet endroit précis d’une architecture à la mode pour l’avoir devant les yeux chaque fois qu’il franchissait la porte de son Palais. Joseph Girard, dans « Évocation du Vieil Avignon » la qualifie de « la plus italienne des façades d’Avignon » : le Vice-Légat assis dans son carrosse avait à chaque sortie, l’espace d’un instant, un aperçu du classicisme de Rome devant les yeux. Ce qui, je suppose, devait offrir un peu de consolation à cet exilé qui attendait impatiemment à Avignon la barrette de cardinal qui lui permettrait de rentrer enfin dans sa terre natale...

En ce mois de janvier, le soleil brille, il fait froid, mais le mistral est absent ; allez donc faire un tour Place du Palais des Papes. Placez-vous dos à la porte comme si vous en sortiez et contemplez l’Hôtel des Monnaies avec les yeux de ce Vice Légat du XVIIe siècle : dépaysement garanti, vous verrez, c’est magique !

François-Marie Legœuil