Décès du Père Maurice Vallier

28 octobre 2014

1920-2014

Le Père Maurice Vallier est décédé le 21 octobre 2014.
Ses funérailles ont été célébrées le 24 octobre 2014 en l’Eglise Saint-Ruf d’Avignon.

Homélie du Père Pierre Tressol


Maurice Vallier a été ordonné prêtre en 1945, il est rentré au Prado en 52. Je l’ai connu en 57 lorsqu’il était curé de Sorgues, le séminariste que j’étais alors, était impressionné par le dynamisme de cette équipe de quatre prêtres, dont il était le responsable. Il m’a été donné de la rejoindre en tant que jeune prêtre en 67. A l’époque, c’était « l’équipe du Prado de Sorgues », elle restera avec cette appellation jusqu’en 75. On s’y efforçait de vivre l’idéal du Père Chevrier dans son « véritable disciple », à savoir  : la vie d’équipe, l’étude d’évangile, le souci des pauvres, et l’attention à la vie. Après cette date, le spécifique de la démarche a été réfléchi tous les mois, entre Pradosiens sur un secteur plus élargi. Le Père Vallier en est resté un élément fidèle, jusqu’à deux ans après son entrée à Béthanie, la maison de retraite.

C’est en pensant à ce que nous avons vécu ensemble, grâce à la famille du Prado, et la fin de son passage sur cette terre, que j’ai choisi l’évangile que nous venons d’entendre (Jn 12, 24-28). Il faut que le grain de blé meure pour porter beaucoup de fruits. Avec cette affirmation de Jésus, je voudrais retenir ces deux idées pour soutenir notre méditation.


I - Les quatre piliers du Prado
 
L’équipe du Prado, de Sorgues, n’était pas composée que de Pradosiens, elle en vivait l’esprit grâce à Maurice, le responsable, avec un ou deux autres, sur quatre selon les périodes, mais tous étaient d’accord de vivre les exigences. Pendant mon grand séminaire, entre 60 et 65, elle a représenté pour moi l’idéal du prêtre que je souhaitais devenir. Elle était ma référence, et je rêvais de faire partie de cette équipe, une fois prêtre, sans pour autant, m’engager officiellement dans la spiritualité, démarche que je ne ferais qu’en 71. Ce qui m’attirait, était bien sûr, l’aspect économique, mais il y avait surtout le fait de pouvoir accueillir, partager, discerner, se soutenir, se remplacer, durer dans une même perspective…C’était l’expérience concrète du Christ présent, lorsqu’on est deux ou trois réunis en son nom, il est au milieu de nous.

La deuxième qualité du Prado que nous avons essayé de vivre ensemble, c’était l’étude d’évangile. « Connaître Jésus Christ, c’est tout » dit le Père chevrier. Garder le souci d’intérioriser Celui qui vient nous sauver en sauvant le monde, le Verbe fait chair, notre Modèle et notre guide, afin que le charisme ne devienne : ni un idéologie, ni une idolâtrie. En plus du travail que nous pouvions faire individuellement, sur ce sujet, nous partagions l’évangile du dimanche.

La troisième Grâce, que le véritable disciple nous inspirait : était l’attention des plus pauvres. C’est devant l’enfant Jésus de la crèche, qu’Antoine Chevrier s’est converti à Noël 1856. Il répétait souvent que c’était ce jour-là que le Prado était né. Au jugement dernier, le Christ nous dira que ce que nous avons fait aux plus petits, c’est à lui que nous l’avons fait, d’où l’importance de ne pas en faire des assistés, mais de les respecter et les faire grandir. Pour le Prado, le plus pauvre n’est pas seulement le démuni, c’est aussi l’ignorant et le pécheur. Autrement dit, ce n’est pas au détriment de l’une ou l’autre catégorie de la société, c’est bien pour tous les hommes, et pour tout l’homme nous dira le pape Paul VI ! Etre le levain dans la pâte, afin qu’elle se lève entièrement. Il est vrai que la pauvreté, permet aussi d’être désencombré pour voir l’essentiel ! C’était bien la perspective que Maurice a voulu vivre en rentrant au Prado, dès le début de son ministère.

Le dernier fondement du Prado, et non le moindre, était l’attention à la vie. Le moyen que beaucoup prenaient pour s’aider, était le cahier d’aumônier, qui a eu ses heures de gloire dans l’Action Catholique. Elle permet : d’écouter, de préciser, de se rappeler, de relier, de relire dans la Foi les valeurs vécues, et surtout de revivre l’expérience de Dieu, qu’ont fait les croyants de la Bible, et enfin d’intercéder dans la prière et l’Eucharistie : la vie de ceux que nous avions accompagnés.

 
II - La dernière ligne droite
 
Lorsque Maurice a décidé de rentrer à Béthanie en 2003, il se sentait diminué. Il y rejoignait Michel Bérard et Marcel Hugue, deux autres Pradosiens, il a essayé encore quelques temps à venir à nos rencontres mensuelles du Prado, mais sa difficulté d’entendre et de participer aux réunions, ont fini par l’en dissuader. C’est alors qu’il a vécu d’une autre manière, sa vie de Pradosien, avec les difficultés de l’âge et de la maladie : signes avant-coureurs de la mort du grain de blé. Suivre le Christ, c’est aussi le suivre dans sa passion et sa mort. Mais le grain de blé ne meurt pas complètement, puisque le germe qu’il porte deviendra la plante avec beaucoup de fruits. L’Amour que Jésus nous invite à vivre n’est pas dans l’ordre de l’efficacité, mais de la fécondité. C’est le chemin que Maurice a voulu suivre avec Robert son frère, lorsqu’ils sont rentrés sur les pas d’Antoine Chevrier.
 


Comme les disciples d’Emmaüs, nous rêvons souvent du Messie, Fils de David conquérant, qui chassera l’envahisseur, et les Puissants du pays, rétablira l’ordre et la justice, protègera la veuve et l’orphelin. Et c’est la mort scandaleuse de l’Innocent humilié, une malédiction, qui deviendra une bénédiction, à la lumière de l’écriture, puisqu’elle s’avère être le triomphe de l’Amour et la Vie, sur la mort et le péché. Il en est de même pour la pauvreté, et les valeurs, que propose de vivre la famille du Prado, cela peut manquer d’attrait et paraître bien banal, comme l’enfouissement d’un grain de blé qu’on enterre, mais il porte en lui la fécondité de la moisson éternelle, dans la Gloire du Père. C’était la foi et l’espérance du Pradosien qu’a essayé d’être Maurice, Amen !