Décès du Père Morel : « C’était un Monsieur »

9 septembre 2008

18 décembre 1930 - 9 septembre 2008

Le Père Morel a été ordonné prêtre le 29 juin 1954 à Avignon.

Il a tenu les fonctions suivantes dans notre diocèse :

 Professeur au petit séminaire et maître de chapelle (1954)
 Aumônier des étudiants (1964)
 Vicaire à Saint Ruf (1966)
 Responsable de Bollène (1975)
 Vicaire épiscopal pour la zone d’Orange (1979)
 Membre de l’équipe de Valréas (1981)
 Aumônier diocésain de l’ACGF (1983)
 Curé d’Orange (1984)
 Curé de Vedène (1990)
 Curé de Sorgues (1997)
 Auxiliaire du secteur inter-paroissial de Sorgues, en résidence à Vedène (2003)

Ses obsèques ont été célébrées jeudi 11 septembre, à Sorgues.

Voici l’homélie prononcée par le Père Lucien Aurard :

L’abbé Morel ! Le père Morel ! Pierre Morel !

Pour les gens de ma génération, et surtout pour ceux qui sont passés par le Petit Séminaire, il sème en profondeur dans nos vies. J’aurais envie de dire « je », mais il est évident que je peux dire « nous » tellement ce que j’ai vécu aec Pierre Morel et ce que j’ai reçu de lui, nous sommes nombreux à l’avoir vécu et à l’avoir reçu. L’abbé Morel, le père Morel est quelqu’un que nous avons profondément aimé et profondément respecté. Et qu’il est dur de devoir, déjà, parler au passé !

Nous l’avons profondément aimé et profondément respecté parce qu’il était un homme de grande dimension. Plus les années passaient, plus il me semblait prendre de la grandeur, de la noblesse, de la beauté.
Nous l’avons connu, il avait 25 ans, pas encore 25 ans. Et il avait déjà une grande autorité. Ce n’était pas un homme autoritaire. Un homme autoritaire est quelqu’un qui écrase. Un homme d’autorité est quelqu’un qui tient la place qui est la sienne. Nous sommes sûrement plusieurs à nous rappeler, à la rentrée 1955, une des premières montées au dortoir. Nous étions en rang dans la cour et le supérieur de l’époque, le père Rigaud, est venu superviser cette montée au dortoir. L’abbé Morel est parti immédiatement en lui disant : « Puisque vous y êtes, je n’ai rien à faire là ». On n’a jamais plus vu le supérieur venir contrôler le jeune abbé.

Un homme d’autorité est quelqu’un que l’on respecte parce qu’il aide à vivre et fait grandir. Je vous prie de m’excuser si je dis « je » un instant, mais je sais qu’il est au départ de tout ce que je sais en musique et de tout ce que j’ai pu faire après. Il m’a mis les mains sur le clavier. J’ai commencé par accompagner les complies. Il était à côté de moi, il me guidait et me remplaçait dès qu’il y avait une défaillance.
Il m’a fait découvrir l’orgue. Je me souviens encore de l’écoute expliquée de la Passacaille en Ut mineur de Bach. Ma première leçon d’analyse musicale. C’est lui aussi qui m’a donné mes premières leçons d’harmonie. Ce fut pour moi merveilleux.
Un homme d’autorité est quelqu’un qui est libre dans son corps et dans sa tête, et qui peut rire et faire rire de lui. Nous gardons tous de lui cette belle démarche, - car c’était une belle démarche- de cet homme à la jambe raide. Les plus joueurs, les plus comédiens parmi nous s’amusaient même à l’imiter. Non pas pour se moquer. Impensable. Pour l’imiter. Cet homme était un modèle pour nous. C’était un homme que l’on aimait.

Un homme d’autorité est un homme intelligent. Le père Morel était d’une intelligence subtile, raffinée tout autant que redoutable. Qui ne se souvient de cet épisode qui remonte à l’époque de Saint Ruf ? Une dame voulait le persuader que les anges avaient des ailes. Elle en avait vus plusieurs en songe. Il lui demanda la faveur de lui ramener une plume d’ange à la prochaine apparition. Et ses réparties cinglantes ! Il valait mieux ne pas se manquer avec lui. Cela nous le savions tous. Pierre Morel était quelqu’un qui n’acceptait pas d’entendre n’importe quoi et encore moins de cautionner n’importe quoi.

Pierre Morel était un Monsieur. Et par chance, pour nous et pour l’Eglise diocésaine, il était prêtre.
Il était dans la mouvance et dans la dynamique d’une époque. A Valréas, beaucoup de jeunes ont pris le chemin du séminaire. Un certain nombre a continué jusqu’au sacerdoce. Pierre Morel a été de ceux-là. Il a été prêtre très jeune. Il a su mener les combats qu’il fallait pour inscrire sa vie de prêtre dans la fidélité, l’obéissance et le service de l’Eglise. Il faisait pourtant partie de ceux qui ne craignaient pas de poser les vraies questions. C’est d’ailleurs, très certainement, une des raisons de la grande place qu’il a eue parmi nous. Il va beaucoup nous manquer, nous qui sommes sa moisson, le champ qu’il a cultivé. Mais, cet après-midi, il nous faut bénir le Seigneur et lui rendre grâce de nous avoir donné Pierre Morel, le père Morel. Nous pouvons aussi demander au Seigneur qu’il continue à jeter en nous le grain de sa Parole. Peut-être que, chez nous aussi, elle trouvera un bout de terre accueillante, une parcelle de foi, juste assez pour s’y enraciner et porter du fruit.

Pierre, tu étais pour moi, pour beaucoup d’entre nous, une belle figure d’homme et de prêtre. Merci.

Lucien Aurard