Edito du père Doumas du 10 octobre

11 octobre 2021

Le constat est accablant pour l’Eglise. Il ne s’agit pas de quelques brebis galeuses, qu’il faudrait dénoncer et expulser. C’est l’Eglise elle-même qui est en question. Et c’est bien l’Eglise qu’il faut questionner. Aucune question ne doit être interdite. Et tous les membres du Peuple de Dieu ont à prendre la parole. Il faudra surmonter la sidération et la consternation. Il faudra aller au fond des choses. Oser les questions radicales. Car c’est bien le système de fonctionnement de l’Eglise qui est en question. S’il y a la pédophilie, il y a, en effet, beaucoup d’autres questions. Beaucoup ! Nous ne savons bien, nous à Avignon, qui avons subi un monseigneur Cattenoz pendant dix-huit ans. Personnellement je n’hésite pas à mettre en question le système clérical qui est en place et dont la clé de voute est le célibat sacerdotal. On dit : le célibat n’a rien à voir avec la pédophilie. En fait si, et très directement. Bien sûr on ne devient pas pédophile parce qu’on est prêtre célibataire, mais le célibat est une protection, une couverture, pour les pédophiles qui s’infiltrent dans l’Eglise. Un prêtre ne devient pas pédophile parce qu’il est prêtre, mais un pédophile peut devenir prêtre. Loin d’être le garant d’un engagement plénier, d’une consécration de vie, le célibat joue un rôle pervers pour les pervers. Par ailleurs, et c’est décisif, le célibat ecclésiastique, fondé sur une méfiance de la sexualité, fabrique une caste, un ensemble clos de personnes : toutes masculines. Certes, la vie consacrée, qui implique le renoncement au mariage, a son plein sens, mais il s’agit alors d’un choix religieux, d’un choix personnel. Cela ne doit pas affecter l’organisation même de l’Eglise. En fait, le célibat sacerdotal est le verrou qui bloque tout. Il faut faire sauter ce carcan et l’Eglise respirera librement.

 

On doit cesser d’imposer l’engagement au célibat au moment de l’ordination. Si par la suite, le prêtre, ordonné célibataire, a un projet matrimonial solide et vrai, qu’il le vive. On discutera, alors, de la forme de son ministère. Sans doute le vivra-t-il différemment en étant marié qu’en étant célibataire, mais il vivra, très authentiquement son sacerdoce. Qui peut en douter ? Et l’on évitera tous les drames qui sont vécus aujourd’hui quand un prêtre se marie, car cela l’affecte lui et la personne avec laquelle il vit et leurs enfants, mais aussi toute sa famille, en particulier ses parents, et aussi, bien sûr, la communauté chrétienne, ses collègues prêtres et l’évêque. Il faut en finir avec cela ! Ce serait déjà une très bonne chose cependant, pour moi, le décisif n’est pas là. Un clergé célibataire est, en effet, la matrice du cléricalisme. Des clercs célibataires se constituent inévitablement en une caste, un groupe fermé. Et qui a été formé dans un cadre fermé, très clos, même si on vante des ouvertures. En fait, aujourd’hui la tendance est à la fermeture, au repli. Quand on voit le profil de beaucoup de jeunes prêtres d’aujourd’hui, on se dit que le pire est à venir. La seule chose qui me rend un peu d’optimisme, c’est que, nécessairement, l’Eglise de demain sera une Eglise pauvre. La pauvreté sera un bien meilleur mode de sélection que le célibat ! En tant qu’enseignant en patristique (les Pères de l’Eglise), je connais bien l’histoire de l’Eglise. Elle a traversé de très graves crises, mais jamais comme aujourd’hui elle ne s’est trouvé devant la nécessité d’une remise en question sur elle-même. Si elle veut assurer sa survie, elle n’y échappera pas !