Homélie du Père Doumas

18 janvier 2022

Homélie du 16 janvier 2022

Toujours les fiancés posent la question : « Monsieur le curé, pourra-t-on faire des photos pendant la célébration ? » On répond : « Oui, bien sûr ! » Mais, j’ajoute : « A condition de ne pas faire comme les japonais devant la tour Eiffel : cliclicclic ! » Car trop de photos tuent la photo ! Et nuisent à la célébration. Mais, ce matin, je vous propose de faire la photo des noces de Cana.

Sur la photo, il y a, bien sûr, les invités, sans doute nombreux - puisqu’il manque du vin. Parmi les invités : il y a Marie, il y a Jésus et les disciples de Jésus. Sont-ils au complet ? Sont-ils Douze ? L’évangéliste ne le précise pas, mais on peut le penser. En tout cas, il y a « le maître du repas », celui qui goûte le vin. Lui, il n’est pas un simple invité et il doit être en bonne position sur la photo. Il y a, aussi, les serviteurs. Ils ne sont pas devant, plutôt derrière, ou sur les côtés, mais il n’y a pas de raison de les écarter : ils font un travail impeccable ! Et puis bien sûr il y a le marié. On ne nous dit pas son nom. Mais, il est impensable qu’il ne soit pas sur la photo. Cependant, la mariée est introuvable ! Vous pouvez chercher dans tous les recoins du texte, lire et relire tous les versets : il n’y a pas de mariée. Pourtant elle doit bien se trouver quelque part. Il n’y a pas de mariage sans un marié et une mariée. Essayons, cependant, de trouver la mariée ! En fait, il faut rembobiner le film et repartir à zéro !

Dans notre enquête, la première phrase éclairante est celle du maître du repas au marié, quand il lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier, et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais, toi, tu as gardé le bon vin pour la fin. » Or, l’évangéliste note à ce propos : « Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l’eau. »

Frères et sœurs, les serviteurs, c’est nous ! Et donc nous sommes parfaitement à même de savoir, non seulement d’où vient l’eau changée en vin, mais qui est réellement le marié … En fait, le marié, c’est, nécessairement, celui qui fournit le vin ! Et, donc, le marié de Cana, c’est Jésus. Mais, si Jésus est le marié, le texte que nous avons si souvent entendu, va changer de sens. En particulier, la phrase, si énigmatique qu’elle paraît énigmatique pour Marie elle-même, la phrase où Jésus répond à sa mère : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »

On est surpris par cette objection de Jésus et, semble-t-il, le ton peu amène du fils pour sa mère. Mais, où donc Jésus, dans l’évangile, s’adresse-t-il à sa mère en lui disant « femme » ? Il y a un seul autre passage : quand il va mourir et qu’elle est au pied de la croix avec le disciple et qu’il lui dit : « Femme, voici ton fils ! » Nous commençons à comprendre … Cette phrase : « Mon heure n’est pas encore venue » prend son sens par rapport à la mort de Jésus.

Dans l’évangile de Jean l’heure de Jésus est l’heure de la Passion. Dans l’introduction solennelle du récit de la Passion, il est dit : « Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue, l’heure de passer de ce monde au Père … » (13, 1). Et, donc, Jésus ne rabroue pas Marie. C’est tout autre chose. Il donne, dès le début du texte, avant même d’agir, le sens de ce qui va se passer dans ce mariage. Ce qui va se passer n’est pas autre chose que le « signe » de sa mort. N’oublions pas la conclusion du récit : « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit ». Les noces de Cana sont le signe, l’annonce de la mort de Jésus, mais puisque l’eau est changé en vin elles annoncent, aussi, sa résurrection.

Il y a un autre détail, très révélateur. Et qui indique, lui aussi, qu’au-delà de l’événement de Cana, qui a concerné un marié anonyme et une mariée inconnue, que cet événement de Cana annonce la Passion salvifique. En effet, Jésus ne choisit pas n’importe quel récipient pour que les serviteurs y versent de l’eau. Il choisit des cuves qui servent pour les ablutions rituelles des Juifs. Elles ne contiendront, au départ, que de l’eau. C’est le signe de l’impuissance de ces ablutions. C’est seulement parce que Jésus transforme l’eau en vin que ces cuves d’ablutions annoncent le salut.

Mais combien y a-t-il de cuves ? Six ! Et comment les serviteurs les remplissent : « jusqu’au bord ! » Autrement dit on est au bord du chiffre sept, au bord de l’accomplissement. Et c’est bien le constat du maître du repas : « Tout le monde sert le bon vin en premier, mais toi tu as gardé le bon pour la fin ».

Ces détails du texte confirment que Jésus est le marié authentique de ce repas, où il annonce son « heure », qui est sa passion. Mais dès lors il n’y a plus à chercher la mariée dans le texte de Cana. Car, la mariée de Jésus, c’est l’Eglise et l’Eglise est née bien après les noces à Cana en Galilée, l’Eglise est née de son côté, au Golgotha, comme Eve est née d’Adam au jardin de la Genèse. Et cela, c’est aussi saint Jean qui le dit : « Un des soldats, d’un coup de lance, le frappa au côté et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau ». Il est le seul des évangélistes à le dire !

Frères et sœurs, ne soyons pas surpris de cette l’image du Christ Epoux et de l’Eglise Epouse ! Par là nous est donné le sens même de l’incarnation. Dieu a pris chair d’homme pour accomplir les noces de Dieu et de l’humanité, pour que l’homme participe pleinement à la vie et à la joie amoureuse de Dieu pour l’homme. Amen.