Homélie du Père Doumas

24 janvier 2022

 

Quand Jésus vient à Nazareth et va à la synagogue le jour du sabbat, il se conforme aux règles du rituel juif. Il se lève pour faire la lecture et on lui donne le livre, il l’ouvre et lit. Puis, il referme le livre, le remet au servant et s’assoie pour le commentaire.

Jésus est donc assis et tous les yeux sont fixés sur lui. D’un côté on le connaît bien. Il est le fils du charpentier et Marie, sa mère, même si elle vit discrètement, est une figure du village. Cependant, on a appris qu’il avait commencé à circuler dans toute la Galilée et sa prédication étonnait. Dès le début de l’évangile de Marc, on dit que son enseignement frappait les foules. C’était un enseignement nouveau et donné avec autorité. Le ton, et aussi le contenu, était très différent de l’enseignement des scribes.

On peut penser qu’il y a eu un temps de silence assez long. Jésus s’est assis et il a les yeux clos. Il est concentré sur lui-même. En fait, il est tout entier dans la relation avec son Père. Puis, il ouvre les yeux et prend le temps de regarder ceux qui le regardent. Il discerne la curiosité et comprend que leur attitude peut devenir hostile. Ce qui se passera effectivement. Il ne commente pas le texte. Ce qu’ordinairement on faisait. On entrait dans les détails et on développait toute une casuistique, très légaliste. Ceci est-il obligatoire ? Cela est-il interdit ? Jésus se contente d’une phrase : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. »

Il s’adresse très directement à ses auditeurs. Il leur dit « l’Ecriture que vous venez d’entendre. » Et, sans aucun doute, le ton est très ferme et le regard direct. Car, de fait, ce qu’il dit relève de la révélation. Il révèle que ce texte d’Isaïe parle de lui : « l’Esprit du Seigneur est sur moi … Le Seigneur m’a consacré par l’onction … Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle … » Jésus se présente donc comme l’envoyé de Dieu et pas n’importe quel envoyé. Il est « consacré par l’onction ».

Dans la Bible les rois étaient consacrés. On a en mémoire l’onction de David à Bethléem

Les prêtres du Temple de Jérusalem, eux aussi, recevaient une onction d’huile. Ils étaient ainsi consacrés pour le culte. Cependant, on ne voit pas, dans la Bible, que les prophètes reçoivent une onction. Sans doute peut-on parler d’une onction prophétique, mais elle est toute spirituelle. Pour les prophètes, il n’y a pas le rituel de l’huile comme pour les rois et les prêtres.

Il n’y a, donc, pas eu de rituel d’huile pour Jésus. C’est l’onction prophétique qu’il a reçue. Et c’est bien une fonction de prophète qu’il assume : « Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur ». Cette « Bonne Nouvelle », que Jesus « porte », n’est pas définie de manière générale, mais illustrée par des choses très concrètes : annoncer aux captifs leur libération, annoncer aux aveugles qu’ils retrouveront la vue …

Jésus est le prophète de la Bonne Nouvelle, de l’évangile. Mais, il est, essentiellement, un « consacré ». L’Esprit du Seigneur est sur lui. Ce ne sont pas telle ou telle de ses paroles, tel ou tel se ses comportements qui sont signes de la Bonne Nouvelle, mais toutes ses paroles et chacun de ses comportements. En fait, sa personne même est signe de Dieu. Mais, nous aussi, nous sommes faits ainsi.

Au baptême, immédiatement après le geste d’eau et la parole trinitaire, est faite une onction sur le front, et le prêtre dit : « Tu es prêtre, prophète et roi ». Et c’est cette onction qui est « confirmée » par l’évêque lorsqu’il confirme le baptême.

Dans une autre occasion, je développerai les titres de prêtre et de roi, que nous avons reçus à notre baptême. Mais, aujourd’hui, à cause de l’évangile que nous avons lu, j’insiste sur le fait que, tous, nous sommes prophètes.

Le prophète, c’est celui qui parle au nom de Dieu et annonce la Bonne Nouvelle. Il le fait sans forfanterie, mais avec assurance, sans s’imposer mais sans quant à soi. Oui, frères et soeurs, nous avons à assumer la fonction prophétique, nous avons à dire, autour de nous, que Dieu a soin des hommes et qu’ils peuvent l’écouter et vivre de lui.

Les hommes n’ont pas été jetés dans le monde, mais semés, déposés avec amour sur le sol de cette terre pour grandir et porter fruit. La vérité de l’homme est qu’il est un être spirituel et négliger cette réalité, qui est essentielle, est préjudiciable. Sans doute tout le monde n’a pas la vocation d’être François d’Assise ou Thérèse d’Avila. Mais, ce n’est pas parce qu’on n’est pas Mozart qu’il nous est interdit d’être initié à la musique. Chacun est capable d’accueillir Dieu dans sa vie. Mais pour que cela se réalise, il faut y être éveillé. C’est notre rôle prophétique : éveiller nos frères les hommes à leur vocation spirituelle. Si nous ne le faisons pas, nous renions notre foi. Un chrétien n’est ni un chien qui aboie au moindre passant, ni une carpe qui se tait, mais il dit l’évangile par son comportement et par ses paroles. Son comportement, mais aussi, ses paroles ! Amen.