Homélie du Père Doumas

2 février 2022

Homélie du samedi 29 janvier 2022

 

Les évangélistes rapportent que le séjour de Jésus à Nazareth a été difficile. Chacun le fait à sa manière. Chacun a ses insistances. Luc dramatise les choses en parlant de cette tentative de meurtre : jeter Jésus du haut d’une falaise. Mais, donc, il y a une certitude : le contact entre Jésus et les habitants de Nazareth n’a pas été facile.

Ce n’était pas parce que les gens de Nazareth étaient particuliers. Au contraire, ils étaient comme tout le monde. Jésus avait vécu depuis son enfance parmi eux, ils le connaissaient bien et, du coup, ils ont eu de la difficulté à voir en lui un autre que celui qu’ils avaient toujours connu. Pour eux, il était « le fils du charpentier ». Son père était Joseph, sa mère Marie et lui Jésus. Et d’ailleurs on l’appellera « Jésus de Nazareth ». C’est le nom que Pilate inscrira au sommet de la croix.

Nous sommes, inévitablement, des gens de Nazareth. Nous connaissons Jésus depuis longtemps. Nous savons bien des choses sur lui. Et, spontanément, nous pensons que nous n’avons plus grand-chose à apprendre à son sujet.

C’est ainsi, frères et sœurs, que la foi se sclérose. A vrai dire, en tant que croyants, nous craignons moins l’AVC ou l’arrêt cardiaque que l’arthrite. Nos jointures se bloquent et nous devenons raides. Notre foi doit rester souple et vivante, jeune et dynamique, ouverte !

Au fond notre monde, qui n’est pas favorable à la foi, ne nous reproche pas de croire à des vérités qu’il rejette ou qu’il ignore. On nous reproche bien plutôt notre âge. On nous accuse de vieillesse. Pour beaucoup de nos contemporains, le christianisme est épuisé, il est devenu stérile. Plus encore il vieillit mal. Les signes en sont nombreux !

En fait, il n’y a rien de pire pour la bonne nouvelle que de n’être plus nouvelle. Une bonne nouvelle qui perd sa nouveauté est comme le sel qui perd sa saveur. Si l’évangile n’est plus nouveau, il n’est plus que répétition. On tombe dans le baratin !

On va dire : deux mille ans, c’est long. Oui, à l’échelle d’une génération, c’est long. Mais, la naïveté de toute génération est de se croire la génération décisive de l’histoire. Combien ont voulu faire une révolution qui, comme celles de la terre ou de la lune, n’ont consisté qu’à revenir au point de départ. Parfois en pire. On pense à Staline le tsar marxiste. Ou à Hitler et son nazisme éternel. Aujourd’hui, plus gentiment, on parle, sinon tous les jours, du moins tous les mois, de « révolutions » techniques.

Certes, je ne nie pas qu’il y a eu des événements majeurs dans notre histoire. A cause de la Révolution française, on parle, à juste titre, d’Ancien Régime. Mais, la révolution de Jésus - car, c’en fut une ! - dure encore. Et elle est très loin d’avoir produit tous ses effets.

Le christianisme est né dans une société esclavagiste. Très tôt, dans l’Eglise, qui venait de naitre, on a mis en question la distinction homme libre/esclave. Sans doute cela se vivait sur le plan spirituel. Mais, dans ces affirmations il y avait une force explosive, porteuse de mises en question sociales très radicales. Dès le haut Moyen Age, on est passé de l’esclavage au servage et puis le servage a disparu. Tous sont, alors, devenus des hommes libres.

Dans le paganisme du temps de Jésus, comme dans le judaïsme, il y avait une forte inégalité entre l’homme et la femme. Là aussi, très tôt, les chrétiens ont mis cela en question. Déjà le comportement de Jésus l’atteste. Les premiers témoins de sa résurrection, qui donne son assise à la foi chrétienne, ont été des femmes et l’on n’a jamais gommé cet événement capital. Et c’est ainsi que dans nos célébrations de mariage nous ne parlons plus du chef de famille !

Je rappelle cela très sommairement, pour dire que le christianisme recèle, encore aujourd’hui, des forces de renouvellement insoupçonnées et de très grande portée. Je pense, spontanément, à l’affirmation de la fraternité universelle. Le Pape François dit : « Fratelli tutti ! » Il y a là une bombe ! Sans doute une bombe à retardement. Cela ne va pas se faire d’un coup. Mais, ou bien l’humanité sera fraternelle, ou bien elle ira à sa perte.

Mais s’il en est ainsi, si le christianisme demeure une force neuve, alors, frères et sœurs, ne soyons pas frileux ou mesquins. Plantons là nos peurs et nos inerties, marchons à la suite de Jésus, car sa marche n’en est, encore, qu’à ses commencements. Il est Celui qui nous met en mouvement et nous porte vers l’avant, vers l’avenir.

Cet avenir sera fait de luttes et de combats. Jésus n’a rien du gentil organisateur du Club Med ! Mais, il nous donne force et assurance, en lui notre foi et notre charité, sans cesse, se renouvellent et rajeunissent. Oui, frères et sœurs, l’évangile est une Bonne nouvelle, qui est bonne, et qui est nouvelle ! Amen !