Homélie du Père Doumas

28 février 2022

La parabole de la paille et de la poutre est bien connue de nous tous. Personnellement, je me dis que déjà une paille dans un œil c’est énorme, mais une poutre ! C’est vraiment impossible. D’autre part, pourquoi parler d’un seul œil ? On en a deux ! En fait, c’est le genre littéraire qui veut ces exagérations et ces paradoxes. Et le sens n’échappe pas. Avant de critiquer son frère, il convient de se critiquer soi-même. Je ne peux pas prétendre guérir les autres si je suis moi-même malade.

On pourrait développer cela longuement, mais je voudrais insister sur ce qui est à la base même de l’enseignement de Jésus. Il dit : « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère ? » Et c’est ainsi qu’il parle de « fraternité ».

Ce sont les chrétiens qui ont créé le terme latin de « fraternitas ». Dans l’Antiquité, les communautés chrétiennes s’appelaient « fraternités ». On dirait aujourd’hui la « fraternité » de Courthézon pour désigner la paroisse de Courthézon.

Cette fraternité n’est pas seulement horizontale. La fraternité de la République française, associée à la liberté et à l’égalité, est une belle chose. Mais, la République ne nous désigne pas de père ! Et, en fait, pour qu’il y ait fraternité véritable il faut que les frères aient le même père. C’est ce que nous avons. Nous avons Dieu pour Père. Mais, nous avons Dieu pour Père parce que nous avons Jésus, le Fils unique de Dieu, pour frère. Là est l’essentiel de la fraternité chrétienne. C’est par Jésus, qui s’est fait notre frère, que nous sommes tous frères.

Vivre en chrétiens, c’est vivre le Christ, c’est être en communion avec le Christ. Mais cela ne se vit pas individuellement, chacun de son côté. Cela se vit en Eglise. Cela se réalise par et dans la communion des saints.

Je m’arrête un instant sur cette expression « la communion des saints ». Les saints dont il s’agit incluent, bien sûr, ceux que nous appelons les saints : saint François d’Assise ou sainte Thérèse d’Avila. Mais, en fait, les saints, dans le Nouveau Testament, désignent tous les membres de la communauté chrétienne. De même que nous sommes tous frères les uns des autres parce que le Christ est notre frère, de même nous sommes tous « saints » à cause de la sainteté de Dieu, inscrite en nous par notre baptême.

Le Nouveau Testament a multiplié les termes pour désigner la communauté chrétienne et c’est un vocabulaire très « inclusif ». Ainsi, nous parlons du « corps du Christ ». Il est la tête et, tous et chacun, nous sommes les membres. C’est la tête qui donne vie et mouvement à chacun des membres. Mais, inversement, ce que vit chaque membre a de l’effet pour tout le corps.

On pourrait, ainsi, parler de « solidarité ». Le terme a aujourd’hui un usage très large. Mais, le Nouveau Testament parle de la « charité ». La charité, c’est Dieu qui aime les hommes - les Pères de l’Eglise parlaient de la « philanthropie divine ». Mais, cet amour de Dieu pour les hommes est, aussi, amour des hommes pour Dieu et amour des hommes pour les hommes.

Le français a un vocabulaire très pauvre pour parler de l’amour. En anglais on distingue « I love » et « I like ». L’amour du conjoint et l’amour du chocolat, ou le whisky, ce n’est pas la même chose ! Dans le grec de l’Antiquité, et s’est passé dans le christianisme, on distingue éros et agapé. Il y aussi « philia ». Trois termes pour dire l’amour ! Eros, c’est le désir, en particulier le désir sexuel. Philia, c’est l’amour d’amitié. Et agapé désigne l’amour qui se donne, qui aime en vérité.

Frères et sœurs, nous sommes frères et sœurs ! Ce n’est pas une simple métaphore, seulement une manière de parler. C’est une vérité ! Il faut même dire une vérité de foi, c’est-à-dire une vérité à vivre.

Nos contemporains valorisent la spontanéité. Si ce n’est pas spontané, ce n’est pas vrai. L’effort serait ainsi hypocrite. Si je fais effort pour l’autre cela voudrait dire qu’en fait je ne l’aime pas. Car si je l’aimais j’agirais pour lui sans même avoir besoin de le vouloir. Il y a là une véritable perversion de la pensée. La même que celle qui met en opposition l’amour et le devoir. Car en fait l’amour oblige et en honorant le droit de l’autre, je fais mon devoir et c’est ainsi que je l’aime. Celui qui prétend aimer une personne en disant je ne fais jamais d’effort pour elle ou pour lui est un menteur. Car, justement, c’est l’effort qui prouve l’amour.

 

Samedi prochain nous avons l’assemblée synodale. Cela commence à 15h et s’achève avec la messe de 18h. Pour tous, cela va représenter un effort. Spontanément on ferait autre chose. Mais, si nous nous disons frères, si notre communauté est une authentique communauté chrétienne, une véritable « fraternité », chacun fera l’effort d’être là et de participer.

 

« Synode », cela veut dire « marcher ensemble ». Oui, frères et sœurs, marchons ensemble, en Eglise, en « fraternité » parce que nous sommes tous frères en Jésus, notre frère !