Homélie du Père Doumas

29 mars 2022

Jésus monte sur la montagne. Elle n’est pas autrement désignée. En fait, elle évoque le Sinaï, le mont de l’alliance que Dieu propose à son peuple. Jésus ne monte pas seul. Il est accompagné de Pierre, Jacques et Jean, les trois disciples qui seront avec lui dans le jardin de Gethsémani, où il sera arrêté.

Au sommet de la montagne, Jésus prie. La prière de Jésus est intense. Il vit une intimité parfaite avec son Père. Ordinairement son visage était lumineux : la présence divine transparaissait. Mais, ce jour-là, ce fut exceptionnel. L’évangile précise : « l’aspect de son visage devint autre et son vêtement d’une blancheur éblouissante ». Cependant, un autre événement se produit : Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus. Ils sont dans la gloire, mais ils parlent de son « départ », c’est-à-dire de sa Passion, qui le conduira au Père. Moïse représente la Loi, Elie les prophètes. Cependant, ils ont eu, tous deux, un « départ » singulier. Nul n’a jamais su où se trouve la tombe de Moïse et Elie est enlevé sur un char de feu devant son disciple Elisée.

L’évangile ne nous dit pas les détails de l’échange entre Jésus, Moïse et Elie. Il décrit le comportement des disciples. Ceux-ci étaient accablés de sommeil - comme ils le seront à Gethsémani. Cependant ils restent éveillés et voient la gloire de Jésus et les « deux hommes à ses côtés ». On ne sait pas combien a duré cette vision, mais lorsqu’elle s’interrompt, que Moïse et Elie s’éloignent, Pierre prend la parole.

Saisi par ce qu’il voit, Pierre dit à Jésus : « Faisons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie ». Pourquoi des tentes ? Sans doute pour un séjour temporaire, mais qui peut se prolonger. Manifestement Pierre désire que cela se prolonge. Cependant l’évangile note : « Il ne savait pas ce qu’il disait ». C’était, de fait, du n’importe quoi, quelque chose de totalement inopportun, en particulier le fait de mettre une égalité entre Jésus et Moïse et Elie, alors que tout le texte dit la singularité de Jésus.

En effet, tout de suite : « Pierre n’avait pas fini de parler », survient une nuée, qui « les couvre de son ombre ». La nuée et l’ombre de la nuée sont des motifs très traditionnels des théophanies, des manifestations divines, dans l’Ancien Testament. Très traditionnelle aussi la mention ; « Ils furent saisis de frayeur ». Mais vient alors le décisif : la parole divine. En effet, de la nuée une voix se fait entendre. Le message est clair : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ».

L’essentiel est l’identité de Jésus : il est le Fils. Le Fils unique. Il est bien précisé : « il n’y avait plus que Jésus, seul ». Mais un ordre est associé à cette révélation : « Ecoutez-le ! » Cela s’achève ainsi, Luc n’éprouve même pas le besoin de préciser que Jésus et les disciples descendent de la montagne. Simplement il insiste sur le fait qu’ils n’en parlèrent à personne – sous-entendu jusqu’au moment où Jésus est ressuscité.

Je viens de commenter ce texte dans le détail, mais que peut-il signifier pour nous ? Quelle est sa signification, sa portée ?

Même à propos d’un personnage exceptionnel, on ne se pose pas la question : « Mais qui est-il donc ? » On peut s’étonner du génie de Napoléon, mais Napoléon est Napoléon et c’est tout. Pour Mahomet, c’est pareil. Quand on a dit : « Il est le Prophète », on ne va pas plus loin. Il n’y a pas la question : « Mais qui est-il donc ? » En fait, frères et soeurs, le « qui est-il donc ? » est la question christologique par excellence. Dès le début de l’évangile, les paroles et le comportement de Jésus étonnent tellement que les gens disent non seulement : « Nous n’avons jamais ni vu ni entendu des choses pareilles », mais ils s’interrogent : « Qui est-il donc ? »

Le christianisme est tout entier la réponse à la question de l’identité de Jésus. Nous disons : « Il est le Christ. Il est le Fils de Dieu ». Et ce texte de la « transfiguration » en est une expression majeure. L’important dans ce récit n’est, en effet, ni Moïse et Elie, ni la gloire de Jésus, ni la nuée, encore moins la gaffe de Pierre, mais la révélation : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi ».

Mais, frères et sœurs, si cette révélation est capitale, la suite, le commandement : « écoutez-le ! » est décisif. Oui, un chrétien, c’est quelqu’un qui a reçu la révélation qui dit l’identité de Jésus et qui « l’écoute ». C’est-à-dire qui met en œuvre sa parole.

Marion et Tom, vous allez recevoir le baptême dans la messe de Pâques. Vous allez le recevoir parce que vous l’avez demandé et que vous y avez été préparés. Mais, tout prend sens par votre adhésion à l’identité de Jésus et par le choix que vous faites de l’écouter. Ensemble nous confessons la foi de l’Eglise !