Homélie du Père Doumas

28 avril 2022

Homélie du dimanche 24 avril 2022

Thomas

Dès le soir de Pâque, à Jérusalem, Jésus se montre vivant aux disciples. L’évangéliste donne des détails : « les portes étaient verrouillées », Jésus dit : « La paix soit avec vous ! ». Et Jean précise : « il leur montra ses mains et son côté ».

On ne s’étonne pas de la réaction des disciples : « Ils furent remplis de joie en voyant le Seigneur ». Mais Jésus redit : « La Paix soit avec vous » et il ajoute : « De même que le Père m’a envoyé, moi, aussi, je vous envoie. » Et il souffle sur eux en leur disant : « Recevez l’Esprit Saint ». A la différence de Luc, Jean ne rédige des Actes des Apôtres, et c’est ainsi que dans son évangile Pentecôte : le don de l’Esprit Saint qui envoie en mission est intégré à l’apparition du Ressuscité le soir de Pâques.

Il faudrait commenter tout cela en détail, mais si important que soit ce récit du soir de Pâques on est irrésistiblement entrainé à donner toute son attention à l’épisode du dimanche suivant, qui concerne Thomas. Le texte est bien connu, cependant je voudrais le lire de près avec vous.

Il est dit deux choses à propos de Thomas. Il est l’un des Douze, comme Pierre ou Judas. Mais il est dit aussi qu’il a un frère jumeau, dont le nom n’est pas donné. Mais, ce nom n’est pas difficile à trouver. Il s’appelle Régis. Ou peut-être Hubert. Et pourquoi pas Liliane, Roseline ou Emilie ? Car nous sommes tous et chacun le jumeau, ou la jumelle, de Thomas !

Tout naturellement les autres disciples disent à Thomas, qui était absent du groupe le soir de Pâques, qu’ils ont vu le Seigneur. Sans doute ont-ils insisté et affirmé avec force que c’était vrai. Mais, Thomas est un jumeau têtu. Son objection va crescendo. Il commence par dire : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous », puis il insiste : « si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous ». Il ne s’agit plus seulement de voir, mais de mettre le doigt ! et, à la troisième affirmation, il renforce encore son exigence : « Si je ne mets pas la main - ce n’est plus le doigt, mais la main ! dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Thomas est déterminé, il se promet à lui-même, mais aussi aux autres qu’il fera tout cela. Sinon … Sinon, non ! Il ne croira pas.

Huit jours plus tard, c’est donc un dimanche, le premier jour de la semaine qui s’appelait le « jour du soleil », les anglais disent encore sun-day, mais cela deviendra dans les langues du sud de l’Europe le « jour du Seigneur » … huit jours plus tard, donc, les disciples sont à nouveau réunis. Jean précise cette fois « dans la maison », un lieu familier, bien connu de tous et où on se rassemble souvent.

Thomas est là, « avec eux » dit l’évangéliste. Et comme le soir de Pâques, les portes sont verrouillées, mais Jésus se tient « au milieu d’eux » et il salue les disciples. Une nouvelle fois il leur dit « La paix soit avec vous ! » Mais tout de suite il s’adresse à Thomas : « Avance ton doigt ici et vois mes mains, avance ta main et mets la dans mon côté. » Thomas n’a pas eu le temps d’exécuter son petit scénario de vérification. Jésus, plus têtu que lui, anticipe et lui donne l’ordre de réaliser son projet. Au foot, ça s’appelle : « prendre à contre-pied ! » Et, du coup, Thomas ne fait aucun geste. Immédiatement il s’adresse à Jésus en lui disant : « Mon Seigneur et mon Dieu ». En fait, c’est la parole de Jésus qui a retourné Thomas ! Une parole qui a retourné le discours prétentieux, et soi-disant volontaire, du jumeau en faisant de Thomas non plus un incrédule, mais un croyant. Car Jésus a ajouté : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! » La phrase finale est une béatitude, la seule de l’évangile de Jean, mais qui, pour Jean, résume toutes les autres : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Le jumeau ou la jumelle de Thomas n’ont pas vu, mais ils peuvent être croyants. Ou plutôt ils sont appelés à être croyants. Et la foi est source, plus encore que de bonheur, source de béatitude.

La finale de l’évangile explicite le sens de cette béatitude : « L’évangile a été « écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. » « Avoir la vie en son nom », c’est partager sa vie, celle du ressuscité, celle du Fils du Père, celle du Père, car le Père a tout donné au Fils. Frères et sœurs ne soyons pas incrédules, ne jouons pas aux rationalistes, ne soyons pas non plus de ceux qui ricanent et se moquent, laissons nos cœurs exprimer ce qui monte du plus profonde de nous, le désir de vivre, le désir d’avoir la vie, la vie qui déborde la vie, la vie dont Dieu vit et qu’il communique par Jésus et en Jésus, le Fils !

Pour conclure, j’ajoute une proposition que vous êtes parfaitement libres de ne pas choisir. Au moment de la communion, lorsqu’on vous montrera l’hostie en disant le « Corps du Christ » au lieu de répondre « Amen », je vous propose de répondre : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »