Homélie du Père Doumas

3 juin 2022

Homélie du dimanche 29 mai 2022. 7e dimanche de Pâques

Jésus prie pour l’unité de ses disciples. Sa prière est instante et insistante. Nous devons nous interroger sur ce que signifie l’unité.

Quand on parle de « l’unité des chrétiens », on pense aux grandes divisons que sont l’Eglise catholique, l’orthodoxie et le protestantisme et l’on évoque le mouvement œcuménique. De fait, il y a cette réalité : le christianisme est divisé et s’il y a, souvent, des relations fraternelles entre nous, il reste que les divisions sont là, profondes, irrécusables. Et, à vue humaine, insurmontables.

Je ne veux pas entrer dans le détail. Disons simplement que les divisions entre catholiques et orthodoxes sont particulièrement scandaleuses parce qu’elles sont, pour l’essentiel, des questions de pouvoirs ecclésiastiques. On en a une illustration particulièrement signifiante avec l’attitude du patriarche de Moscou, qui soutient la guerre russe contre l’Ukraine.

Avec les protestants, c’est différent. D’abord il y a une grande diversité. La différence est grande entre luthériens et évangéliques ! Et il y a pullulement des organisations évangéliques. Mais, surtout, il y a, entre les Eglises, des divergences doctrinales de grande importance. Souvent on met en avant la Vierge Marie. Les catholiques seraient pour et les protestants contre. C’est caricatural ! Et il y a bien plus grave. En particulier l’Eucharistie et les ordinations.

Il ne faut pas minimiser ou relativiser ces divergences. En œcuménisme, plus encore qu’ailleurs, le déni est le mauvais choix. Le dialogue consiste, justement, à bien dire les différences. Pour respecter une personne ou un groupe de personnes, l’exigence n’est pas de nier ce qui distingue ou de dire : « C’est pas grave ». Car le dialogue s’enrichit des convictions de chacun.

Il y a, donc, ces différences assumées, inscrites dans l’histoire, que sont les grandes divisions ecclésiales. Mais, aujourd’hui, ce qui personnellement m’interpelle bien plus, ce sont les divisions internes de l’Eglise catholique.

On voit bien que beaucoup souhaitent une réforme de l’Eglise en profondeur. En particulier, on veut un changement du discours sur les questions sexuelles. Pour beaucoup, en effet, le discours hiérarchique sur la contraception, sur la fécondation, sur l’avortement, sur l’homosexualité … est disqualifié. On est d’accord sur l’importance des valeurs comme la fidélité ou le respect de la vie, mais on sent l’urgence d’un changement de ton et de propos. A l’inverse, on voit se renforcer un courant conservateur, qui veut absolument préserver l’identité de l’Eglise. Non seulement on veut que rien ne change, mais on prône un retour au passé. La nostalgie de la chrétienté demeure !

Je vous dis ma position. Je ne cherche pas à jeter de l’huile sur le feu, mais je ne veux pas non plus céder à la pression de ceux qui, en fait de défense de la foi, sont dans des logiques de pouvoir et d’exclusion, qui sont au rebours de l’évangile. En fait, toujours, de tout temps, ce débat a été crucial au sein de l’Eglise. On peut dire qu’aujourd’hui il prend une allure particulière, mais il n’est pas nouveau !

Pour moi, l’événement de référence est l’accueil des païens dans l’Eglise. Tous les apôtres étaient juifs et le christianisme est né juif. On allait prier au Temple et on observait, parfois assidûment, les prescriptions de la loi juive. Et pourtant quand des païens ont adhéré à la prédication des Apôtres on ne leur a pas imposé la circoncision et la pratique de la Loi. Certes, il y a eu débat, et le débat a été vif, mais on a tranché. Très clairement. On n’a pas cédé aux pressions conservatrices et le christianisme a pris son envol.

Au fond le grand modèle est la vie elle-même. Pour une part essentielle, la vie consiste à conserver, à transmettre le même : un fils ressemble à son père ! Et, aujourd’hui, on veut préserver la vie, menacée par les méfaits des hommes. Mais la vie est, en même temps que conservatrice, créatrice. S’il y a biodiversité, c’est parce que le vivant s’est toujours enrichi de nouveauté. Et l’histoire le dit, ceux qui ne se sont pas adaptés ont disparu. Alors, oui, frères et sœurs, travaillons à l’unité de l’Eglise, mais sans céder sur l’essentiel, qui est l’évangile. Et n’hésitons pas à appeler à une réforme de l’Eglise. On peut même le dire en latin : « Semper reformanda ». Toujours l’Eglise est à réformer.

J’ajoute un mot sur notre communauté paroissiale de Courthézon. Je ne dis pas que nous vivons une unité parfaite. Tout le monde ne pense pas la même chose sur tout. Et heureusement ! Et, il y a des incompréhensions, des médisances, parfois de graves manques à la bienveillance. Mais, je ne perçois pas de lignes de fracture graves, des conflits rédhibitoires. Ceci dit, il nous faut progresser dans l’accueil les uns des autres, dans la rencontre et le dialogue, et, j’insiste particulièrement, dans la prière communautaire. Amen.