Homélie du Père Doumas

8 septembre 2021

Homélie du dimanche 5 septembre 2021.

 

Dans ce récit de miracle, l’évangile décrit le détail des gestes de Jésus, qui, par ailleurs, a pris soin de se mettre à l’écart. On avait supplié Jésus de poser la main sur le sourd-muet, mais lui met ses doigts dans ses oreilles et lui touche la langue avec sa salive. De plus il souffle sur lui en lui disant « Ouvre-toi ». Des gestes, donc, et une parole. Cela est très concret. La maladie affecte le corps et avec son corps Jésus guérit le malade. C’est une belle confirmation que le Verbe s’est fait chair

Cependant, la parole dite est essentielle et elle n’est pas quelconque : « Ouvre-toi ». L’évangile prend soin de nous la donner dans la langue même de Jésus : « Effata ! » C’est à cela que nous sommes invités de méditer.

Nous nous enfermons sur nous-mêmes. Il nous arrive même de nous barricader. Non seulement de fermer la porte, mais de construire un mur. Ce n’est pas par simple besoin de sécurité, mais par peur.

Frères et sœurs, il importe d’être lucides devant les dangers - et cela existe, les dangers ! Mais jamais il n’est bon d’être dans la peur. La peur fausse le regard, elle déforme la réalité et du coup elle provoque les mauvaises réactions. Face au danger, ce n’est pas la peur qui est bonne conseillère, mais le courage.

On peut ajouter que d’une manière générale le manque d’ouverture engendre la mesquinerie, rend stériles nos gestes et nos paroles. Cela dégénère en critiques inutiles et injustes. Dans une communauté, cela peut avoir des effets désastreux.

Tout n’est pas parfait entre nous et aucun de nous n’est parfait et donc toujours il y a à corriger, mais si la correction fraternelle est évangélique la critique permanente et le dénigrement systématique en est le contraire. La bienveillance et la miséricorde sont essentielles à la vie chrétienne, à la vie communautaire.

Mais le « ouvre-toi » de Jésus s’adresse à un sourd muet, à quelqu’un qui n’entend pas et qui ne parle pas. Cela nous invite à nous interroger sur nos refus d’écoute. Car, vous le savez bien, il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Le premier que nous avons à écouter, c’est le Seigneur lui-même. Et, d’abord, dans la prière ! Prier, c’est, d’abord, écouter, faire silence en son cœur pour que le Seigneur nous parle. Le prêtre Eli a dit au jeune Samuel : « Tu diras : Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. Mais, nous nous disons très facilement : « Tais-toi, Seigneur, ton serviteur parle ».

Notre prière ne peut pas être d’abord un flot de paroles. Certes, il est bon d’avoir beaucoup de choses à dire au Seigneur. Il y a nos demandes, nombreuses et pressantes. Et il est prêt à écouter. Toujours prêt. Mais il est le Seigneur ! Et la priorité, c’est lui. Ecoutons-le et puis, après avoir écouté, formulons nos demandes.

Mais s’il faut ouvrir nos oreilles pour l’écouter, il faut aussi guérir nos paroles. Si grands soient nos besoins, si vives soient nos attentes, il est juste et bon de d’abord rendre grâce, d’avant tout glorifier le Seigneur pour ce qu’il est et pour ses œuvres.

Pendant l’été j’ai invité mon voisin, musulman très religieux, qui cherche en permanence à réaliser la volonté divine. Nous avons beaucoup parlé de la manière dont il vit sa foi. Pour lui, Dieu a créé l’homme pour que l’homme adore Dieu et sa prière est essentiellement glorification de Dieu. Nous, chrétiens, nous ne disons pas les choses ainsi. Pour nous Dieu a créé l’homme pour que l’homme vive de la vie même de Dieu. Ce qui est incompréhensible pour un musulman ! Mais il y a, souvent, chez les chrétiens une dérive. Ils en arrivent à faire de Dieu leur serviteur, celui qui doit leur obéir et satisfaire leurs désirs et non pas celui que, d’abord, on glorifie parce qu’il est le Seigneur.

Frères et sœurs, nous allons célébrer l’eucharistie, cela veut dire que nous allons rendre grâce, remercier Dieu parce qu’il est Dieu et pour tout ce qu’il a fait pour nous. Nous allons ouvrir la bouche, cesser d’être muets, pour que nos langues, que Jésus touche de sa salive, chantent sa gloire. Mais, d’abord, ouvrons nos oreilles pour l’écouter ! Amen !