Homélie du Père Doumas

11 novembre 2021

Se souvenir des guerres est un devoir. Il y a un devoir de mémoire. Il nous faut revenir sur les événements, en comprendre l’enchaînement. Se dire : comment en est-on arrivé là ?

De ce point de vue la Première guerre mondiale est exemplaire. Quand le processus s’engage, quand les réactions des uns et des autres enclenchent l’inéluctable, nul n’imagine la catastrophe qui arrive. Nul n’imagine les millions de morts, les souffrances atroces, la longueur du conflit. On part à la guerre la fleur au fusil. Et ce sera l’épouvante.

Du point de vue français, cette guerre qui débouche sur la victoire, a pris un caractère glorieux. On pense aux grands chefs qu’ont été Clémenceau ou Foch. Mais, pour la première fois, dans toutes les villes de France et dans chaque village : ici, à Courthézon, on construit des « monuments aux morts ». Et chaque 11 novembre on va commémorer bien plus les morts que la victoire. Et c’est ainsi qu’à l’arc de triomphe, qui donc dit le triomphe des armées françaises, on dépose un soldat inconnu. En fait, le souvenir des souffrances l’emporte sur le sentiment d’avoir gagné.

Mais, aujourd’hui, de cette guerre nous ne pouvons pas avoir un simple souvenir français. Notre mémoire doit être européenne. Et dès lors nous comprenons que cette guerre a été une guerre civile. Ce sont des nations sœurs qui se sont dévorées.

Du point de vue géopolitique l’Europe d’avant 1914 est dominante dans le monde. Avec la guerre de 1914-1918 surgissent les Américains et la Russie devenue soviétique. Dès lors se mettent en place les grandes rivalités qui vont déchirer le monde. Mais le pire est que la paix est un échec. L’Allemagne cède à la propagande nazie et la guerre est dès lors inévitable. Car, les démocraties se révèlent incapables de réagir. Là est la grande leçon. La réconciliation des nations est un impératif majeur et la résistance des démocraties au totalitarisme en est le moyen indispensable.

La démocratie a ses défauts, par défaut et par excès. Mais, dès que le pouvoir échappe au contrôle des citoyens il entre dans la logique de la tyrannie. C’est une pente irrésistible. Et cela commence par les limites mises aux contre-pouvoirs que sont la justice et la presse. En fait, le pouvoir s’appuie sur la corruption. Avant d’être tyrannique, le pouvoir engendre la corruption. Le premier contrôle du pouvoir est celui-là, qu’il n’engendre pas un système maffieux.

Je prends un exemple : l’Algérie. Elle a eu le malheur d’accéder à l’indépendance du fait d’un pouvoir politique sans contrôle qui a engendré un système de prébendes. Le pétrole est la rente du FLN. Et, c’est tragique ! Soixante ans plus tard malgré les tentatives populaires, très courageuses, de mise en cause de cette main mise maffieuse ce sont toujours les mêmes qui tirent profit du pouvoir.

La lutte en faveur de la paix passe directement par la lutte pour la démocratie et cela exige une grande vigilance. Il nous faut de la lucidité et de la détermination. Même en France ! Certes, nous ne sommes pas dans un processus à la polonaise, la France n’est pas non plus la Hongrie. Mais que ces pays soient des pays européens, qui ont su échapper à la tyrannie soviétique, doit nous alerter. Car, il y a un commencement à tout et quand on laisse s’amorcer des processus de renoncement à la démocratie elle est immédiatement en danger. Et, avec elle, la paix. A la vigilance citoyenne ajoutons, nous chrétiens, la prière pour la paix. C’est un devoir devant Dieu et devant nos frères les hommes. Amen !