Homélie du Père Doumas

29 novembre 2021

Nous sommes à la fin du mois de Novembre, et déjà Noël s’annonce dans les magasins. Que dis-je ? S’annonce ! Noël s’affiche et s’étale avec tout son clinquant de consommation artificielle. Ainsi, à cause de la pression des marchands, nous sommes devenus des consommateurs, non seulement gavés, mais prématurément gavés. Il y a là un indice gravement négatif d’une société qui perd ses repères. En effet, lorsque le calendrier se dérègle, c’est le sens même du temps qui se perd. Or, respecter le temps est indispensable à la qualité de nos vies, à leur harmonie, à leur équilibre. Rien de solide et de vrai ne se réalise sans semence, germination, croissance, éclosion et épanouissement. Respecter la vie, c’est d’abord respecter le rythme de la vie.

On pourrait croire que le respect de la vie va de soi. Mais, non ! Respecter la vie, cela s’apprend. Pour que la vie soit respectée, il faut éduquer à la vie. Pour tous les éducateurs, parents et catéchistes, il y a là une tâche irremplaçable.

La liturgie et la catéchèse sont des lieux exceptionnels d’éducation au rythme de la vie. En effet, l’année liturgique a une très forte cohérence et un rythme puissant et plein de sens. Certes, l’année civile fête les anniversaires des grands événements de notre histoire : le 8 mai, le 14 Juillet, le 11 Novembre. Mais ce ne sont que de simples commémorations. La fin de la Première Guerre mondiale aurait pu intervenir au printemps ou en plein été, et pas au mois de novembre ! Mais, Jésus est ressuscité à Pâques, fête du printemps, à la saison où la nature elle-même revit. Ca ne pouvait pas ne pas être à Pâques ! De même, lorsqu’on a choisi de fêter sa naissance, dont par ailleurs on ignore la date, on n’a pas choisi au hasard. On a choisi le solstice d’hiver, le moment où, de nouveau, le soleil remonte sur l’horizon : Jésus est le vrai soleil, la lumière de Dieu.

Parce qu’elle a le sens du temps qui se construit, l’Eglise a su développer toute une pédagogie de la préparation et de la célébration. Pâques, cela se prépare ! Durant les quarante jours du Carême, on élimine le vieux levain pour le pain nouveau de la Pâque. Et, plus encore, Pâques se célèbre. En réalité, Pâques est une fête qui dure cinquante jours. Car, Pâques et Pentecôte forment une unité de temps où tout est à la joie du renouveau de la vie. Il en va de même pour la naissance de Jésus. Il y a Noël, le temps des bergers, et l’Epiphanie, le temps des mages. Les deux fêtes sont distinctes. Elles ne se télescopent pas. Il y a l’une et puis, un plus tard, l’autre. Deux fêtes pour un même mystère, qui a besoin des intervalles du temps pour être authentiquement célébré.

Noël, comme Pâques, a son temps de préparation. On appelle « Avent » le temps de préparation à Noël. « Avent », cela veut dire : « Venue ». C’est le temps où l’on est dans l’attente de Celui qui vient.

Pour Marie : Aucune autre expérience humaine que celle de la femme enceinte ne peut mieux dire le sens de l’Avent. La femme enceinte est à la fois patiente et impatiente, joyeuse et souffrante, pleine d’espérance et, parfois, pénétrée d’angoisse. Elle sait le sens du temps. Ce bébé qui l’alourdit chaque jour un peu plus lui dit que le temps se respecte, s’éduque et qu’il est comme la matrice suprême par laquelle toute vie s’accouche.

Frères et sœurs, respectons le rythme de la vie. Eduquons les enfants à la patience de l’attente, à la durée des préparatifs. Donnons-leur de comprendre que respecter la marche du temps est indispensable à la vérité de la fête. Que l’immédiat ne produit que le superficiel. Donnons-leur le sens de la profondeur des choses par l’éducation à la patience, à l’attente, à la préparation. Car, Noël ne sera une fête que si l’on s’y prépare, que si, pas à pas, on chemine vers la crèche en ayant au cœur cette joie secrète de savoir que la joie éclatera au moment opportun, au moment choisi par Dieu entre tous. Lorsque les anges proclameront : « Gloire à Dieu, Paix aux hommes ! », alors, oui, ! nous laisserons éclater notre joie.