Homélie du Père Doumas

15 décembre 2021

J’aborde un thème de l’Avent, la patience et son contraire l’impatience. Et je vous invite à méditer.

Je tiens de mon père, et de ma mère, d’être d’un naturel impatient. Comme on dit volontiers en Provence, je suis « soupe au lait ». D’un coup, ça monte et ça déborde. Et cela est très préjudiciable dans la vie pastorale ! Vaincre cette impatience qui m’habite est un de mes efforts les plus constants.

Pour vaincre l’impatience il faut apprendre à se connaître et repérer les circonstances qui favorisent les paroles et les gestes d’impatience. Et, littéralement, prévenir. Car, l’impatience se contrôle très difficilement au moment même de l’impatience. Seule la prévoyance est efficace dans la maîtrise de l’impatience.

Sur le tableau de bord de nos vies, il y a des « voyants » d’alerte. Ils sont tantôt verts, tantôt rouges. Ils annoncent la bonne disposition et la mauvaise. Soyons très attentifs au voyant de l’impatience. Dès qu’il est rouge, prenons les moyens de la désescalade et prévenons l’explosion inutile et injuste, qui, souvent, fait des dégâts totalement disproportionnés à leurs causes.

Il y a cette impatience-là, ces réactions immédiates et incontrôlées. Les vaincre, c’est exercer la vertu de patience. Mais, frères et sœurs, il y a, aussi, la patience concernant Dieu. C’est ainsi que, par exemple, l’apôtre Jacques invite à la patience. Il déclare : « Frères, en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience ». La patience dont il parle est en référence à la « venue du Seigneur ». L’idée est que le Seigneur vient, mais qu’il tarde à être là. Et, ainsi, l’apôtre invite à la « patience ».

En fait, nous, après vingt siècles de christianisme, nous avons perdu de vue que les chrétiens sont dans l’attente de la venue du Seigneur, dans l’impatience de sa venue. Avant d’être patients, nous avons à être impatients ! Car, si la patience est bonne l’impatience est juste. C’est avec ferveur, avec ardeur que nous devons être dans l’attente du Seigneur. Les chrétiens sont des hommes de désir ! Pas d’un petit désir, tout plat, mesquin, à courte vue. Ou de ces désirs compulsifs qui nous font acheter et acheter et acheter. Mais les chrétiens sont habités de ce désir intérieur qui désire le Vivant, qui-donne-vie !

Il y a une impatience de l’espérance. Plus j’espère, plus je suis impatient. Plus grande est mon espérance, plus vive est mon impatience. Dieu est mon désir ! Vous connaissez la réponse de la petite Thérèse d’Avila, qui quitte la maison familiale et part très loin, vers le danger, et qui, lorsqu’on la retrouve, déclare : « Je veux voir Dieu ».

Mais, dans cette expérience spirituelle de l’impatience, du désir de Dieu, il y a la découverte de la « lenteur » de Dieu. Une hymne du bréviaire, très belle, commence ainsi : « Ta Pâque est lente aux yeux de chair … » A cette « lenteur » de Dieu correspond la « patience » de l’homme.

Je crois qu’une des causes fortes de l’incroyance d’aujourd’hui est là : Dieu est « lent » et notre monde est dans la frénésie de l’impatience. Nous sommes tous devenus des adolescents, qui veulent tout et tout de suite ! Nous sommes invités à cette conversion du désir. Car, mon impatience doit se faire patiente. Je dois cesser d’accuser Dieu de lenteur, de distraction ou d’absence. Je dois vivre de la certitude qu’il vient, qu’il est en train d’accomplir son œuvre, mais que moi qui ne vois pas, qui n’entends pas, je ne vois pas, je n’entends pas parce que je suis petit et trop faible pour discerner qu’il vient et que déjà il est là.

En fait, la vertu spirituelle de patience s’accomplit dans l’action de grâces du « déjà-là ». Je suis impatient que Dieu accomplisse son œuvre, je suis dans l’attente ardente de la venue de son Règne, mais cette attente n’est pas vide, comme si le Seigneur qui vient était un Dieu absent. Je suis, déjà, dans l’action de grâces pour toutes les œuvres accomplies et qui annoncent l’Accomplissement.

Frères et sœurs, dans cette Eucharistie, rendons grâces pour l’œuvre accomplie et, ainsi, vivifions notre désir de la Venue du Seigneur !