Homélie du Père Doumas

6 juillet 2022

Homélie du samedi 2 juillet 2022

Aujourd’hui, être croyant cela fait ringard. Il y a même des secteurs d’opinion qui énoncent comme évidente l’idée que la religion appartiendrait au passé. Et, certes, dans un pays comme le nôtre, ou plus largement en Occident, l’affaiblissement des croyances religieuses est manifeste. On pourrait donner des chiffres et faire de la sociologie religieuse. Mais, dans cette homélie, je voudrais ressaisir le débat. Je vous invite, donc, à une réflexion au-delà de nos conditionnements culturels ou sociaux. Je voudrais pénétrer vers le profond des choses.

En vérité, il est naïf de penser que l’histoire religieuse de l’humanité s’achève. Car, la religion est une très vieille histoire, qui a connu beaucoup de transformations et qui, au long des millénaires, a su se réinventer. Et, nous sommes, très certainement, à un de ces moments où des remaniements s’organisent en profondeur et bouleversent aussi bien les représentations religieuses que les comportements religieux.

Par ailleurs, il y a un paradoxe dans le discours dominant d’aujourd’hui. D’une part, nous avons appris combien énormes, fantastiquement démesurés par rapport à la vie d’un individu, sont l’espace et le temps. On parle en milliards d’années pour le système solaire et en millions d’années pour l’histoire de la vie. Cela conduit à relativiser les grandes traditions historiques : qu’est-ce que deux mille ans de christianisme par rapport à cette immense histoire ? Mais, à l’inverse, notre génération est narcissique. Elle se croit la génération décisive de l’histoire. Elle prétend que la moindre de ses innovations est une « révolution » ! C’est ainsi que, soi-disant, il y a des révolutions tous les jours. Et dans tous les domaines : la musique, le sport, la médecine, l’informatique ou le commerce mondial ! Ainsi notre génération qualifie tout ce qui est ancien de dépassé et, en même temps, transforme immédiatement en vieux ce qu’elle ne cesse de produire de neuf !

Il convient de dépasser cette contradiction et de comprendre que l’histoire des hommes s’inscrit dans une longue durée. Il est très caractéristique, de ce point de vue, que d’une manière générale les médias parlent du XXI° siècle et l’Eglise du troisième millénaire. Entre la société médiatique et l’Eglise, la perception du temps n’est pas la même. En l’an 4000, nous serons, nous XXI° siècle, le Moyen Age ! Et le pape s’appellera Jean-Paul XVIII ou Benoît XXXIV.

Nous avons à nous inscrire dans cette longue histoire, cette très longue histoire, où Dieu est venu vers l’homme et où l’homme a cherché Dieu.

Forcément, de Dieu vers l’homme et de l’homme vers Dieu, ça a été tâtonnant, et ça le demeure. Pas facile pour Dieu d’apprivoiser l’homme. Nous sommes tellement tête en l’air ! Mais, au cours des siècles et des millénaires, des liens se sont noués. La Bible parle d’Alliance. Jésus est la Nouvelle Alliance, l’alliance décisive entre Dieu et l’homme. Nous, nous qui sommes au seuil du troisième millénaire, nous sommes partie prenante de ce dynamisme de l’Alliance - « nouvelle et éternelle ».

Nous sommes à la fois héritiers d’une longue histoire, et en même temps transmetteurs, « passeurs », pour un très long avenir. Des milliers de générations nous ont précédés, des milliers d’autres nous suivront. Nous sommes un maillon de la chaîne, de la très longue chaîne humaine qui fait le fil de l’histoire des hommes. Il suffit qu’un maillon casse pour que la chaîne soit cassée. Nous avons reçu, nous avons à transmettre.

Oui, je voudrais aviver en vous la conscience de cela : Dieu chemine avec les hommes - depuis des millénaires ! Et, après des générations et des générations, nous sommes, nous-mêmes, sur ce chemin. A nous de jouer notre rôle. Par lui-même il n’est pas exceptionnel. Il est celui d’une génération, d’une seule : la nôtre ! Mais elle est irremplaçable. Aucune génération ne pourra accomplir à notre place ce que nous avons à accomplir.

Qu’avons-nous, donc à accomplir ? Je le redis : nous avons à accueillir ce Dieu qui vient vers l’homme et lui propose son alliance. A nous d’en faire l’expérience, intérieure et communautaire. Et à nous de transmettre cette expérience. D’autres le feront ensuite : ceux auxquels nous aurons transmis …