Homélie du Père Tellis : Jeudi Saint

14 avril 2022

JEUDI SAINT

JEAN 13 : 1-15

 

Un par un, Jésus s’agenouille par terre devant chaque disciple. Un par un, l’eau de son amour coule sur les pieds de chaque disciple. Personne n’est laissé de côté. Judas. Pierre. Tous sont lavés. Tous sont aimés.

La liturgie de ce soir nous offre un choix comme aucune autre liturgie de l’année liturgique. Ce choix concerne la vulnérabilité, l’intimité et l’amour. À certains égards, c’est plus difficile, plus réel, plus corporel que beaucoup d’entre nous ne sont à l’aise. La plupart du temps, il est assez facile de venir à l’église. On chante, on prie, on communie, puis on va déjeuner en famille et entre amis. Nous pouvons trop facilement oublier le défi, le risque, la vulnérabilité et l’intimité de manger le corps et le sang d’une autre personne, Jésus-Christ.

Ce soir c’est différent. Il y aura du corps et du sang mais il y aura aussi des pieds. Peut-être que ce soir, cependant, n’est pas aussi différent que nous le pensons. Le risque, la vulnérabilité et l’intimité de manger son corps et son sang sont identiques au risque, à la vulnérabilité et à l’intimité de se laver les pieds : un amour humble et généreux.

Ce soir, Jésus offre sa vie dans le pain, le vin et le lavage. Par son exemple et son commandement, nous devons enlever les chaussures et les chaussettes d’un autre, recevoir ses pieds, sa vie, entre nos mains et nous laver. Nous devons enlever nos chaussures et nos chaussettes, placer nos pieds, notre vie, entre les mains d’un autre et être lavés. C’est la voie du Christ, la voie de l’amour. C’est un choix non seulement pour ce soir mais chaque jour et chaque nuit, non seulement dans la liturgie mais dans le monde. Nous nous découvrons les pieds les uns aux autres et à l’eau de l’amour de Jésus. Des pieds étranges et familiers, des pieds jeunes et vieux, des pieds sains et blessés, des pieds jolis et attrayants, des pieds laids et déformés, des pieds qui ont donné des coups de pied et blessé un autre, et des pieds qui ont été piétinés et blessés par un autre. Jésus les reçut et les lava tous. Jésus a mis devant nous un exemple d’amour. Il a balayé les anciens modes de domination et de hiérarchie. Il les a remplacées par la communion et l’amour. Il n’y a pas de pieds exclus de l’amour. Il n’y a pas de pieds indignes d’être lavés. Même les pieds de Judas ont été lavés.

 

Ce soir n’est pas simplement un choix de se laver les pieds, mais un choix d’aimer ou de ne pas aimer. Jésus a choisi d’aimer. Pas certains, mais tous. C’est le choix qui s’offre à nous. Nous ne pouvons pas choisir de n’aimer que ceux que nous aimons, que nous jugeons méritants, pour qui nous avons de bons sentiments, ceux qui nous ressemblent, pensent ou agissent comme nous. C’est pour tout ou rien ? Si nous n’aimons pas tout le monde, nous n’aimons personne. L’amour, pour Jésus, n’est pas affaire de sentiments et d’émotions mais d’un choix. Dans l’enseignement de Jésus, si vous avez des pieds, vous êtes lavé, peu importe où ces pieds ont été ou où ils vont. C’est l’exemple et le commandement qu’il donne à ses disciples et à nous.

Ce soir, nous nous aimons comme il nous a aimés. Nous nous laissons laver dans un amour qui restera même après que l’eau aura séché.

C’est notre nuit pour dépouiller l’autel de notre vie et nous nettoyer. Cette nuit nous demande d’être vulnérables, brutalement honnêtes avec nous-mêmes, et de faire une confession. Ce n’est pas un aveu de culpabilité mais un aveu de votre valeur, de votre dignité et de la beauté originelle de votre création.

 

Peu importe qui vous êtes, ce que vous avez fait ou non, ce qui s’est passé ou non dans votre vie, ce que vous croyez ou ne croyez pas, vous avez une part avec Jésus. Le bassin de son amour pour toi ne tarit jamais. Ce n’était pas le cas pour Pierre. Ce n’était pas le cas pour Judas. Et ce ne sera pas pour vous. Partout dans le monde, ce pays, cette ville, votre vie et la mienne, les pieds sont lavés de mille manières différentes. Ne quittons plus jamais cette nuit.

Ne reculons pas cette fois, pas cette nuit. C’est notre nuit.

C’est notre nuit pour prendre notre part avec Jésus.

C’est notre nuit pour apporter tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons.

C’est notre nuit pour manger et boire en souvenir.

C’est notre nuit pour tout mettre sur la table.

C’est notre nuit pour se nettoyer.

C’est notre nuit pour mettre à nu l’autel de notre vie.

C’est notre nuit pour laisser la guérison commencer.

C’est notre nuit.