L’Eglise, signe et instrument du Salut

4 mars 2023

Pour scruter le mystère de l’Église, il convient de méditer d’abord son origine dans le dessein de la Très Sainte Trinité et sa réalisation progressive dans l’histoire.

La mission de l’Église trouve son origine dans le dessein né dans le cœur du Père qui « a décidé d’élever les hommes à la communion de sa vie divine », par son Fils, car « Tous ceux qui croient au Christ, le Père a voulu les appeler à former la sainte Église ». Cette famille de Dieu a été « préfigurée dès l’origine du monde ; elle a été merveilleusement préparée dans l’histoire du peuple d’Israël et dans l’Ancienne Alliance ; elle a été instituée enfin en ces temps qui sont les derniers ; elle est manifestée grâce à l’effusion de l’Esprit Saint et, au terme des siècles, elle sera consommée dans la gloire » (LG 2).

C’est le Christ qui institue l’Église, en effet « Le Seigneur Jésus posa le commencement de son Église en prêchant l’heureuse nouvelle, l’avènement du Règne de Dieu promis dans les Écritures depuis des siècles » (LG 5). Le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre par l’Église qui « est le Règne du Christ déjà mystérieusement présent » (LG 3) et « Ce Royaume brille aux yeux des hommes dans la parole, les œuvres et la présence du Christ " (LG 5).

Afin de poursuivre ce qu’il avait commencé, pour prendre soin du « petit troupeau » dont il est le pasteur (cf. Mt 10, 16 ; 26, 31 ; Jn 10, 1-21), le Seigneur a doté sa communauté d’une structure, avant tout par le choix des Douze avec Pierre comme leur chef (cf. Mc 3, 14-15), représentant les douze tribus d’Israël (cf. Mt 19, 28 ; Lc 22, 30), pierres d’assise de la nouvelle Jérusalem (cf. Ap 21, 12-14). Les Douze (cf. Mc 6, 7) et les autres disciples (cf. Lc 10, 1-2) participent à la mission du Christ.

L’Église est née principalement du don total du Christ pour notre salut, anticipé dans l’institution de l’Eucharistie et réalisé sur la Croix, « car c’est du côté du Christ endormi sur la Croix qu’est né l’admirable sacrement de l’Église toute entière » (SC 5). De même qu’Eve a été formée du côté d’Adam endormi, ainsi l’Église est née du cœur transpercé du Christ mort sur la Croix (cf. S. Ambroise, Luc. 2, 85-89 : PL 15, 1583-1586).

L’Église est manifestée par l’Esprit Saint, « une fois achevée l’œuvre que le Père avait chargé son Fils d’accomplir sur la terre, le jour de Pentecôte, l’Esprit Saint fut envoyé pour sanctifier l’Église en permanence » (LG 4). C’est alors que « l’Église se manifesta publiquement devant la multitude et que commença la diffusion de l’Évangile avec la prédication » (AG 4) « et fidèlement appliquée à garder ses préceptes de charité, d’humilité et d’abnégation, reçoit mission d’annoncer le Royaume du Christ et de Dieu et de l’instaurer dans toutes les nations ; elle constitue de ce royaume le germe et le commencement sur terre » (LG 5).

Jusqu’au jour de « consommation (…) dans la gloire céleste » (LG 48), « l’Église avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu » (S. Augustin, civ. 18, 51 ; cf. LG 8). Alors seulement, « tous les justes depuis Adam, depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu se trouveront rassemblés dans l’Église universelle auprès du Père » (LG 2).

Cela nous permet de mieux comprendre le mystère de l’Église, qui est dans l’histoire, mais la transcende en même temps. C’est uniquement « avec les yeux de la foi » (Catech. R. 1, 10, 20) que l’on peut voir en sa réalité visible en même temps une réalité spirituelle, porteuse de vie divine.

Elle est à la fois visible et spirituelle, société dotée d’organes hiérarchiques et Corps Mystique du Christ, assemblée visible et communauté spirituelle, Eglise terrestre, et Eglise parée de dons célestes… Ces dimensions constituent ensemble « une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin » (LG 8) : « Il appartient en propre à l’Église d’être à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités invisibles, fervente dans l’action et occupée à la contemplation, présente dans le monde et pourtant étrangère. Mais de telle sorte qu’en elle ce qui est humain est ordonné et soumis au divin ; ce qui est visible, à l’invisible ; ce qui relève de l’action, à la contemplation ; et ce qui est présent, à la cité future que nous recherchons » (SC 2).

Elle est un mystère de l’union des hommes avec Dieu, ce que S. Paul appelle « grand mystère » (Ep 5, 32). Parce qu’elle est unie au Christ comme à son Époux (cf. Ep 5, 25-27), l’Église devient elle-même à son tour mystère (cf. Ep 3, 9-11). Dans l’Église cette communion des hommes avec Dieu par « la charité qui ne passe jamais » (1 Co 13, 8) est la fin qui commande tout ce qui en elle est moyen sacramentel lié à ce monde qui passe (cf. LG 48). « Sa structure est complètement ordonnée à la sainteté des membres du Christ. Et la sainteté s’apprécie en fonction du ‘grand mystère’ dans lequel l’Épouse répond par le don de l’amour au don de l’Époux » (MD 27). Marie nous précède tous dans la sainteté qui est le mystère de l’Église comme « l’Épouse sans tâche ni ride » (Ep 5, 27). C’est pourquoi « la dimension mariale de l’Église précède sa dimension pétrinienne » (MD 27).

Elle est encore reconnue comme le sacrement universel du Salut, c’est-à-dire qu’elle rend visible ce qui est invisible, et par suite, le met à la portée des hommes et le leur transmet. Or, « Il n’y a pas d’autre mystère que le Christ », (S. Augustin, ep. 187, 11, 34 : PL 33, 845). L’œuvre salvifique de son humanité sainte et sanctifiante est le sacrement du salut qui se manifeste et agit dans les sacrements de l’Église. L’Église contient donc et communique, en particulier par les sept sacrements, la grâce invisible qu’elle signifie. « L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1). Parce que la communion entre les hommes s’enracine dans l’union avec Dieu, l’Église est aussi le sacrement de l’unité du genre humain. Elle anticipe, elle permet, elle manifeste et elle annonce cette union à Dieu.

Comme sacrement, l’Église est instrument du Christ. « Entre ses mains elle est l’instrument de la Rédemption de tous les hommes » (LG 9), « le sacrement universel du salut » (LG 48), par lequel le Christ « manifeste et actualise l’amour de Dieu pour les hommes » (GS 45, § 1). Elle « est le projet visible de l’amour de Dieu pour l’humanité » (Paul VI, discours 22 juin 1973) qui veut « que le genre humain tout entier constitue un seul Peuple de Dieu, se rassemble dans le Corps unique du Christ, soit construit en un seul temple du Saint-Esprit » (AG 7 ; cf. LG 17).

Abbé Benoît Tartanson, vicaire