Le Coeur de Jésus

2007

Paray-Le-Monial

L’admirable Basilique romane retient justement l’attention des visiteurs.
Mais les pèlerins avertis se dirigent vers la chapelle de la Visitation où s’est passé l’événement exceptionnel : Jésus manifestant son Cœur à Marguerite-Marie.

Conscientes de l’héritage reçu, les Visitandines de Paray-le-Monial, dans le silence du cloître, s’efforcent de répondre avec fidélité à cette mission, et de revivre, dans la prière et l’offrande, les sentiments du Cœur de Jésus et son amour pour tous les hommes.

Attentives aux nombreuses aspirations des pèlerins qui passent en ce lieu béni, dans le secret du cœur ou la prière liturgique, les Sœurs s’unissent aux louanges et aux supplications qui montent vers le Cœur du Christ, lui présentant particulièrement tous ceux qui viennent chercher auprès de lui la guérison de leurs blessures.

Ainsi, unies aux nombreuses congrégations religieuses présentes à Paray, elles sont heureuses d’accomplir ce service d’Eglise dont l’universalité, si bien représentée par les pèlerins de toutes nations, témoigne que l’Amour du Cœur de Jésus brûle au cœur du monde pour l’embraser, à la gloire du Père.

Le coeur humain et le Coeur de Jésus

Le cœur

Le cœur, dans le langage populaire comme dans celui de la Bible, est l’un de ces termes chargés d’un contenu et d’une richesse inexprimables.

Aussi le cœur humain, s’il est l’organe physiologique qui donne vie au corps, signifie en outre une réalité beaucoup plus profonde.

Le cœur est vraiment le centre intime de l’homme, le lieu d’où procèdent ses pensées profondes, ses sentiments, ses actes d’intelligence et de volonté. Le cœur est surtout le lieu secret, le sanctuaire, où l’homme est seul avec son Dieu.

Enfin le cœur, est selon Saint François de Sales, “siège et source de l’amour”, c’est-à-dire que dans le cœur de l’homme réside sa capacité, sa puissance d’aimer. Ceci nous introduit à une compréhension plus claire du Cœur de Jésus.

Le Cœur de Jésus

Le Cœur ouvert sur la croix constitue dans l’Eglise le fondement profond du culte au Cœur de Jésus. Mais, si l’ouverture du Côté est la manifestation ultime de l’amour du Christ, elle ne peut nous dispenser d’aller à la rencontre de ce Cœur tel qu’il se dévoile déjà tout au long de sa vie terrestre : cœur vivant, cœur aimant.

Dès l’instant de l’Incarnation, le “Cœur de Jésus formé par le Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Mère” est vivant. On découvre son action mystérieuse mais réelle quand, à la salutation de Marie à sa cousine Elisabeth, celle-ci prophétise dans l’Esprit-Saint.

Il faut lire les évangiles pour découvrir dans le vie publique de Jésus les multiples manifestations de cette vie intime de son cœur : il a pitié, il a compassion, il exulte de joie, il est dans l’admiration, il est navré, il craint ; mais par-dessus tout, c’est un cœur qui aime passionnément. Un cœur qui aime le Père, son Père. Un cœur qui aime les hommes, ses frères : “ayant aimé les siens… il les aima jusqu’à l’extrême” (Jn 13, 1).

Ce que Jésus dit de son coeur

Dans l’Evangile

Si tout au long de l’Evangile, Jésus manifeste son Amour, une seule fois cependant il parle explicitement de son cœur :

Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes leçons, parce que je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est bénin et ma charge légère” (Mt 11, 28-30).

A Marguerite-Marie

La première fois que Jésus découvre “les merveilles de son amour” à Marguerite-Marie, il lui dit : “Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes, et pour toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen, et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre et qui contiennent les grâces de sanctification et de salut…

Mon Cœur est si passionné” ; cette révélation devrait nous bouleverser et ouvrir nos cœurs de pierre à ces torrents d’amour que Jésus désire tant répandre. Il ne peut plus les garder en Lui. “Il faut qu’il les répande…” afin que les hommes soient en mesure de recevoir ce feu qu’il est venu apporter sur la terre (cf Lc 12, 49).

“Une autre fois, dit Marguerite-Marie, il me découvre son Cœur et les merveilles inexplicables de son pur amour, et jusqu’à quel excès il l’avait porté d’aimer les hommes, dont il ne recevait que des ingratitudes et méconnaissances. “Ce qui m’est d’autant plus sensible”, me dit-il,que tout ce que j’ai souffert en ma Passion ; d’autant que s’ils me rendaient quelque retour d’amour, j’estimerais peu tout ce que j’ai fait pour eux, et je voudrais, s’il se pouvait, en faire encore davantage ; mais ils n’ont que des froideurs et du rebut pour tous mes empressements à leur faire du bien…””

Ici, Jésus veut nous redire jusqu’à quel excès il nous a aimés, mais surtout, il se plaint de ce que l’on n’en fait pas cas. L’amour de Jésus est mis échec, il n’intéresse pas, ou si peu…

J’ai tendu les mains à longueur de jour vers un peuple rebelle” (Is 65, 2)

Vient alors la grande manifestation, un jour où Marguerite-Marie adorait le Saint Sacrement : “Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi”.

Dans cette manifestation, le cœur est présenté comme source de l’amour, d’un amour qui est allé jusqu’au bout de lui-même. Cet amour est bafoué jusque dans son expression suprême : le sacrement de l’eucharistie. Il est vrai, Jésus se montre très sensible à la reconnaissance, comme on le voit déjà dans l’Evangile (Lc 17, 11-19). Mais, peu nombreux sont ceux qui savent remercie le Sauveur des dons immenses qu’il leur fait.

Ce que Marguerite-Marie dit du Coeur de Jésus

“Que ne puis-je raconter tout ce que je sais de cette aimable dévotion* et découvrir à toute la terre les trésors de grâce que Jésus-Christ renferme dans ce Cœur adorable, et qu’il a dessein de répandre avec profusion sur tous ceux qui la pratiqueront !”

*Dévotion : dans son sens littéral, ici employé, le mot signifie se vouer, se dévouer à quelqu’un, entièrement, sans réserve.

“Raconter tout ce que je sais” ! Marguerite-Marie a vu, a entendu, a touché l’ineffable ! Elle affirme plusieurs fois ne rien pouvoir en dire. Ce sont des “merveilles inexplicables” ou des secrets indicibles.

Les mots humains sont si insuffisants pour dire le mystère de Dieu, le mystère de l’Amour de Jésus ! Alors Marguerite-Marie s’exprime à l’aide d’images, et souvent d’images bibliques. Les plus employées sont celles
du soleil, des flammes, de la fournaise et de la source.

Le soleil, les flammes, la fournaise

Le buisson était embrasé mais ne se consumait pas” (Ex 3, 2)

“Ce Sacré Cœur m’était représenté comme un soleil brillant d’une éclatante lumière, dont les rayons tout ardents donnaient à plomb sur mon cœur”.

D’autres fois, à cette image du soleil, Marguerite-Marie ajoute celle de la fournaise et des flammes qui fait penser au buisson ardent dont s’approcha Moïse.

“Une fois entre les autres, que le Saint-Sacrement était exposé, après m’être sentie retirée toute au-dedans de moi-même par un recueillement extraordinaire de tous mes sens et puissances, Jésus-Christ, mon doux Maître, se présenta à moi, tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies, brillantes comme cinq soleils, et de cette sacrée Humanité sortaient des flammes de toute part, mais surtout de son adorable poitrine, qui ressemblait à une fournaise ; et s’étant ouverte, il me découvrir son tout aimant et tout aimable Cœur, qui était la vive source de ces flammes”.

A travers ces mêmes images dans le texte suivant, Marguerite-Marie est introduite dans le mystère de l’amour souffrant.

“Ce divin Cœur me fut présenté comme dans un trône de flammes plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal avec cette plaie adorable, et il était environné d’une couronne d’épines, qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient et une croix au-dessus qui signifiait que dès les premiers instants de son Incarnation, c’est-à-dire dès que ce sacré Cœur fut formé, la croix y fut plantée”.

Tout le mystère rédempteur est là.
Retenons encore ces images de grande valeur spirituelle utilisées par Marguerite-Marie.

Le livre ouvert

Jésus se présente à notre Sainte et lui dit : “Je veux te faire lire dans le livre de vie où est contenue la science d’amour”. Et, me découvrant son sacré Cœur, il m’y fit lire ces paroles :

Mon Amour
règne dans la souffrance,
il triomphe dans l’humilité,
il jouit dans l’unité


Ce qui s’imprima si fort dans mon esprit
que je n’en ai jamais perdu la mémoire

“L’aimable Cœur de Jésus m’est ouvert comme un grand livre, où il me fait lire les leçons admirables de son pur amour”

L’abîme

Un jour Jésus avait demandé à sa confidente de regarder l’ouverture de son côté. C’est, lui disait-il, “un abîme sans fond, qui a été fait d’une flèche sans mesure, qui est celle de l’amour”.

La source

En ces jours-là une source jaillira… en remède au péché et à la souillure” (Za 13, 1)

Ici, une remarque s’impose : lorsque Marguerite-Marie voit le Cœur de Jésus, lorsqu’il se présente à elle, elle le décrit presque toujours à l’aide des images déjà citées : soleil, fournaise. Mais lorsqu’elle invite à venir à lui, elle emploie d’autres images : celle de la source est la plus utilisée. Cette image évoque la vie surabondante offerte par le Cœur du Christ.

“Le Cœur de Jésus est une source inépuisable de tous biens qui ne cherche qu’à se répandre et communiquer”.

“Une source de toutes sortes de délices où plus on prend plus il y a à prendre”.

“Ce divin Cœur est une source féconde de bénédictions et de grâce”,

“Une source intarissable, où il y a trois canaux qui coulent sans cesse : premièrement, de miséricorde pour les pécheurs (…) ; le second est de charité qui s’étend pour le secours de tous les misérables qui sont en quelque nécessité (…) ; du troisième, découlent l’amour et la lumière pour les parfaits amis qu’il veut unir à lui, pour leur communiquer sa science et ses maximes”.

Aimer l’Amour

Jésus nous a parlé de l’amour débordant de son Cœur : “amour qu’il ne peut plus contenir en lui-même”. Marguerite-Marie elle, nous a dit, dans le langage de son temps et à l’aide d’images simples, ce qu’elle a perçu des insondables richesses du Cœur du Christ.

Demandons maintenant à l’héritière de ces trésors de nous apprendre ce que Jésus attend de nous, ce qu’il désire.

Deux passages des lettres de la servante de Dieu nous y introduisent :

“Il me semble que le grand désir que notre Seigneur a que son sacré Cœur soit honoré par quelque hommage particulier est afin de renouveler dans les âmes les effets de la Rédemption”.

“Aussi est-ce l’ardent désir qu’il a de communiquer ses grâces de sanctification et de salut aux âmes et aux cœurs bien disposés qui le fait désirer d’être connu, aimé et glorifié de ses créatures dans lesquelles il veut régner comme la source de tout bien afin de pourvoir à leurs besoins. C’est pour cela qu’il veut qu’on s’adresse à lui avec une grande confiance", car "il veut l’amour et les hommages de ces créatures d’une libre et amoureuse et franche volonté”.

Nous l’avons vu si le Seigneur désire que son Cœur soit “aimé, honoré et glorifié”, c’est d’abord en reconnaissance de ses bienfaits, mais c’est aussi pour nous, afin de nous faire sortir de notre état de péché en nous communiquant pleinement le salut et la vie.

Or, déjà dans l’Evangile, Jésus déplore : “Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie” (Jn 5, 40). Et à Paray, il est venu renouveler ses appels et offrir “la dévotion à son Cœur, comme un des derniers efforts de son amour…”, “afin que si les hommes regardent son Cœur percé d’amour pour eux, ils reçoivent de lui, le salut”.

Comment faire pour aimer, honorer et glorifier le Cœur de Jésus, pour répondre à l’appel du Cœur du Christ, et entrer dans ce courant d’amour ?

Accueillir
La première démarche consiste à ouvrir son cœur “afin de pouvoir en quelque façon contenter l’ardent désir que l’amour du Cœur de Jésus a de se répandre”, “de se communiquer”. Cette attitude d’accueil implique nécessairement une reconnaissance de nos fautes : nous sommes tous pécheurs. Elle appelle foi et confiance envers celui qui pardonne “Vous avez trop de crainte et c’est ce qui lui déplaît, car il veut de vous une amoureuse confiance”, dira Marguerite-Marie à une des ses correspondantes.

Répondre
La deuxième démarche nous appelle à une réponse d’amour qui engage la vie. Marguerite-Marie nous avertit à plusieurs reprises “qu’il ne s’agit pas de pratiques et prières seulement, mais plutôt d’une parfaite conformité à ses saintes vertus”. Et ailleurs : “Il a un ardent désir que nous conformions notre vie à la sienne”.

Vie conforme à celle de Jésus Christ, qu’est-ce à dire ? Notre Sainte nous répond : “Aimez constamment le sacré Cœur de Jésus-Christ, conformez-vous le plus qu’il vous sera possible à son humilité et à sa douceur envers le prochain”.

En effet, la disciple de l’Amour sait que le vrai amour de Dieu produit infailliblement l’amour des autres, aussi elle enseigne ailleurs qu’aimer le Cœur de Jésus c’est chercher à lui plaire “par l’exercice de la sainte charité en pensant et parlant toujours bien de notre prochain, assistant les pauvres selon notre pouvoir…”.

Marguerite-Marie invite aussi souvent à la conformité à Jésus souffrant, humilié et méprisé. Mais dit-elle, “contentez-vous des occasions qu’il vous fournira soit d’humiliation ou contradiction : ne les cherchez pas, mais profitez-en en silence”.

A ceux qui désirent aller plus loin dans la dévotion à ce Cœur tout Amour, Marguerite-Marie conseille de lui rendre amour pour amour en se consacrant à lui.

(articles réalisés par le sanctuaire et le monastère de la Visitation de Paray le Monial)