Le renouveau d’une église du VIe siècle : Saint Hilaire

11 octobre 2017

Interview de Claudia et Robert Mestelan, par Martine Racine pour l’émission « Pourquoi le taire ? » sur RCF Vaucluse.

Depuis les invasions des Sarrasins, l’église de Saint Hilaire, perchée au-dessus de Beaumes de Venise est abandonnée...grâce à des passionnés, elle revit  !
D’un tas de pierres avec quelques vestiges de murs et de voûte, Robert et Claudia Mestelan ont fait renaître une ancienne église du Ve siècle. Après un chemin caillouteux, il faut monter, longer des vignes et là, nous arrivons sur un ensemble stupéfiant : un long mur, de petites constructions et, au milieu, une immense église aux pierres dorées dominant toute la plaine de Beaumes- Carpentras.

Claudia et Robert Mestelan, vous êtes les bâtisseurs de ce lieu. Est-ce Monseigneur Cattenoz qui vous a confié cette tâche  ?

R. Mestelan : Oui, il y a 6 ans, le propriétaire de cette chapelle, a voulu donner ce bien qu’il avait acquis au cours des siècles, et il l’a remis au diocèse. A ce moment-là, Mgr Cattenoz nous a demandé de constituer une association de loi 1901 pour restaurer le lieu et faire en sorte que cette chapelle revive.

Comment était-elle au début  ?

R. Mestelan : Elle était dans un état assez effroyable : il fallait déchirer son pantalon pour pénétrer à l’intérieur  ; et l’architecte de l’époque, Jean-Claude Constantin, n’arrivait pas à placer son chevalet pour effectuer les mesures. Il était extrêmement périlleux de pénétrer dans la chapelle à l’intérieur de laquelle des arbres avaient poussé, dont certains faisaient 5 à 6 mètres. C’était un spectacle désolant.

Mais il y avait des murs  ?

R. Mestelan : Oui et leur épaisseur de 1 mètre environ nous a donné une grande confiance et nous a permis de poursuivre ce projet qui paraissait un peu insensé au départ  ; au fil des années, il est devenu de plus en plus évident qu’il fallait restaurer, faire revivre cette chapelle afin que ce lieu redevienne un lieu chrétien.

Etiez-vous auparavant dans la construction  ?

R. Mestelan : Pas du tout  ! J’ai eu une carrière de militaire, mais en tant que militaire, j’ai bâti de nombreux postes au Sahara, en Algérie  ; quand j’étais à Nîmes, j’ai participé à la restauration de tronçons de l’aqueduc entre Uzès et Nîmes  ; dans les Ardennes, j’ai restauré, grâce à l’armée, un fort conçu par Vauban. Donc j’ai toujours eu un goût immense pour les choses anciennes et j’ai toujours pris les mesures qui s’imposaient pour remettre les choses d’aplomb  !

Donc cela ne vous a pas inquiété  ?

R. Mestelan : Non, cela nous a même beaucoup séduit, avec Claudia, qui partageait le même engouement que moi, pour le Seigneur, et pour les choses anciennes.
Et nous ne sommes pas seuls pour restaurer la chapelle  ! Depuis l’année 2011, date de naissance de l’association, petit à petit, les membres ont afflué, et actuellement nous avons 460 personnes habitant le Vaucluse ou ailleurs, qui nous soutiennent : par leur prière, par une petite cotisation et parfois même par des dons plus généreux qui nous permettent de pouvoir payer aujourd’hui deux tailleurs de pierre qui effectuent ce travail de restauration.

Où en sont les travaux aujourd’hui  ?

R. Mestelan : Nous sommes dans la 4e phase de notre plan puisque nous restaurons le transept et son toit. Il ne restera plus que la nef, qui fait quand même 17 mètres de long. C’est pourquoi nous parlons maintenant plus d’église que de chapelle, étant données ses dimensions.

Décrivez-nous l’église  !

Claudia Mestelan : Quand on arrive de l’ouest, on voit un mur avec une petite fenêtre et une porte étroite. Et quand on entre, on se trouve au début de la nef qui fait 5 mètres de large  ; il y a ensuite le transept de 8 mètres de long environ : ce sont les «  bras  » de l’église qui forment la croix. On arrive enfin à l’abside qui fait environ 4,50m.

C’est un immense bâtiment  !

C. Mestelan : Au début, quand on arrivait, on était envahi par les ronces et on ne pouvait voir la taille réelle  ; aujourd’hui, on est étonné de voir sur cette colline, toute seule, ce grand bâtiment, d’autant que les maisons, qui étaient auparavant alentours, ont disparu.

Le VIe siècle est une époque d’invasions  !

R. Mestelan : Oui, la France,dans son histoire, a connu des périodes troubles comme celle-là. A l’époque, la région de Provence recevait de plein fouet des invasions qui venaient du nord  ; après les Celtes et les Ligures, on a eu les Ostrogoths, les Wisigoths et finalement les Sarrasins qui ont mis le feu à la toiture. C’est pour cette raison que le gens des villages cherchaient des positions dominantes où ils pouvaient se protéger. Ainsi, sur la face nord de la chapelle, le rocher plonge dans le ravin avec un à-pic d’environ 40 mètres. La chapelle a des allures de forteresse.

C’est un peu anachronique, à notre époque, de reconstruire une église  ?

R. Mestelan : Je pense au contraire que c’est l’attitude à avoir compte tenu de la déformation de nombreuses églises à la suite d’intempéries ou tout simplement à cause du dédain des chrétiens et de la désuétude conséquente. Or, si les chrétiens ne manifestent pas leur présence par un signe extérieur fort, comment voulez-vous résister à toutes les formes d’invasions que nous subissons.
Pour nous, reconstruire la chapelle Saint Hilaire a été une mission extraordinaire que le Seigneur nous a confiée par l’intermédiaire de notre évêque, de façon à affirmer les droits de Dieu sur la terre. Nous vivons dans un monde matérialiste particulièrement déchristianisé, et la chapelle incarne au contraire la prééminence de Dieu qui surpasse toute époque et qui apparaît pour le recours de toute l’humanité.
Depuis que nous avons commencé la restauration de la chapelle, nous avons essayé de rechristianiser les lieux en organisant une veillée pour Noël par exemple.

Est- ce pour vous le symbole de nouveaux chrétiens  ?

R. Mestelan : Oui c’est un symbole que nous acceptons avec joie, avec toutes les difficultés que cela induit : il nous faut beaucoup d’argent pour payer à la hauteur de leur travail, nos deux tailleurs de pierre  ; il nous faut de l’argent pour acheter du sable, certains matériaux et pour les amener sur place. Saint Hilaire est un lieu où il n’y a ni eau, ni électricité...et un très mauvais chemin  ! C’est pourquoi, durant ces 6 années, il a fallu se battre  !

Comment fait-on pour accéder au site  ?

Claudia Mestelan : Il y a une petite route qui conduit à la cave Durban. Sans aller jusque là, en haut du col de Durban, on laisse sa voiture et un sentier nous conduit jusqu’à la chapelle en longeant des vignes et dès le premier champ on commence à voir la silhouette de la chapelle. Je précise que les bénévoles sont toujours les bienvenus pour aider à porter des sacs de chaux ou autres.

Robert Mestelan : A ce sujet, je voudrais exprimer la qualité exceptionnelle des bénévoles que nous avons. Ce sont souvent des personnes qui ont eu une vie professionnelle importante et qui, une fois à la retraite, recherchent une activité. Dans le cadre de la chapelle Saint Hilaire, ils retrouvent le goût du travail physique, le sens de la camaraderie, le sens de la communauté que nous partageons entre tous, en ayant davantage conscience de travailler eux aussi pour le Seigneur. Et c’est quelque chose d’extraordinaire qui apporte beaucoup  !

Merci à vous pour ce que vous faites rayonner dans toute la région  !