1er avril 2022


Edito de l’évêque> « Les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu. »

Le mois d’avril qui s’ouvre va voir se dérouler bien des événements importants pour la vie de notre société, de notre terre, de notre Église.

Nous approchons des dates où nous sommes convoqués pour exprimer notre vote et départager les candidats qui sollicitent notre suffrage. Ne méprisons pas cette occasion d’exprimer ce que nous souhaitons et attendons. La campagne que nous vivons est particulière et ne laisse sans doute pas se préciser clairement les options et les choix dans le cadre d’un réel débat. Nous pouvons pourtant les rechercher et les laisser éclairer par le regard que nous apportent l’Évangile et la Bonne Nouvelle de Jésus le Christ. Il s’agit pour nous tous, sans doute moins de défendre nos positions et nos intérêts spontanés que de nous laisser éclairer et déplacer par l’appel de l’Évangile. Je vous rappelle le texte proposé par les évêques du Conseil Permanent « L’Espérance ne déçoit pas  ». Par leur voix, l’Église nous redit quelques repères de discernement sur la vie sociale et politique, souhaitant nous appeler à prendre notre part de la réflexion. Prenons le temps nécessaire pour cela, seuls ou dans l’échange avec d’autres. Ne nous laissons pas entraîner dans des réflexes de crainte. Nous voulons redire que la peur est toujours mauvaise conseillère, alors que l’Espérance ouvre un chemin pour des choix courageux et salutaires.

Depuis plus d’un mois, nous sommes les témoins impressionnés du terrible conflit qui se déroule sur la terre d’Ukraine. La proximité nous rend plus attentifs et peut être aussi plus touchés par ces événements et leurs conséquences. Cette guerre d’un autre âge et que l’on n’attendait plus se déploie avec une logique implacable et désespérante, et manifeste jusqu’où l’homme peut aller quand il se laisse dominer par des pulsions meurtrières. Nous sommes les témoins impressionnés de ce que subit une population effrayée. Dans notre pays, nous ne restons pas inactifs. Beaucoup de personnes, d’associations, de collectivités s’engagent pour apporter un soutien et des secours, pour accueillir celles et ceux qui viennent chercher un accueil auprès de nous. Bien des communautés paroissiales agissent en ce sens. Laissons-nous entraîner dans cet élan. Nous ne pouvons demeurer indifférents à la détresse de nos frères. Cette situation qui nous concerne appelle de notre part attention, compassion, prière, engagement.

Nous approchons de la grande semaine de la Passion où nous sera donné de célébrer le mystère pascal. Nous vivrons cela dans nos paroisses, mais le diocèse est invité à se retrouver, au moins par la présence de quelques délégués paroissiaux, auprès du presbyterium rassemblé autour de l’évêque. La célébration de la messe chrismale nous enracine dans le ministère du Christ pasteur, nous donne d’accueillir ces signes que sont les huiles utilisées pour la célébration des sacrements. J’invite vraiment tous ceux et celles qui le peuvent à se rendre présents à la messe Chrismale qui sera célébrée le jeudi 14 avril à la métropole Notre-Dame-des-Doms. Que cette célébration déjà située dans le mystère de la Pâque nous donne de nous enraciner dans le mystère du Christ et du don qu’il fait à notre Église pour sa vie aujourd’hui, en ce lieu.

Je n’oublie pas le chemin synodal des différentes équipes qui ont accepté de se mettre en route pour préciser l’apport de notre Église diocésaine à cette consultation. Les éléments transmis pas chacune de ces équipes nous permettront de repérer les domaines de notre vie ecclésiale où nous sommes invités à nous ajuster, comme d’élaborer la synthèse diocésaine que nous accueillerons ensemble le 28 mai prochain.

Mais déjà, dès ce samedi, va se tenir une journée importante avec les membres des conseils pastoraux paroissiaux. Une première occasion pour moi de les rencontrer, et pour nous tous ensemble de nous préciser le chemin que nous avons à poursuivre.

Au cœur de ce temps du carême, nous sommes peu à peu entraînés à nous laisser transformer par la contemplation de la vie donnée de Jésus. Il nous révèle jusqu’où s’exprime la miséricorde du Père pour ses enfants et sa tendresse. Qu’IL nous donne de nous tenir sur ce chemin. 

« Les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu. »

 

+François Fonlupt
Archevêque d’Avignon

 

Paroisses en créations > Florilège de printemps

Ce mois-ci, petit florilège des grands auteurs qui ont traité du sujet de l’écologie intégrale avant l’écologie intégrale du Pape François, quelques encycliques et petites lectures complémentaires ; à savourer en se mettant au vert dans un jardin, au soleil printanier et les pieds dans l’herbe !

Les apôtres de l’écologie

La Croix l’Hebdo cite 12 auteurs comme 12 apôtres de l’écologie, dans son numéro de novembre 2021 : « Penser l’écologie, les ressources chrétiennes ». En voici cinq parmi les douze :

  • Pierre Theilhard de Chardin (1881-1955) jésuite géologue, paléontologue et théologien, pour ses alertes sur les risques d’épuisement de la terre et le respect de la diversité : Pour une spiritualité du Cosmos, La place de l’Homme dans la nature, …
  • Jacques Ellul (1912-1994) sociologue, professeur de droit et théologien protestant, pour sa critique de la société technicienne dont la recherche de productivité est néfaste à l’homme intérieur : Le système technicien, Pour qui pour quoi travaillons-nous ?, …
  • Ivan Illich (1926-2002) philosophe chrétien, pour sa critique de la société consumériste : Libérer l’avenir, Energie et équité, …
  • Jean Bastaire (1927-2013) intellectuel et écrivain chrétien, pour son approche chrétienne de l’écologie : Pour un Christ vert, La terre de gloire : essai d’écologie parousiaque, Pour une écologie chrétienne, …
  • Jürgen Moltmann (1926-) théologien protestant, pour son articulation entre le Salut chrétien et l’alliance de l’humanité avec la Création : Le rire de l’univers, Dieu dans la création, …
Et bien sûr

 La Doctrine Sociale de l’Eglise, directement par son Compendium, soit en piochant parmi les textes fondateurs, notamment les encycliques :

  • Pacem in terris et Rerum Novarum de Jean XXIII
  • Populorum Progressio de Paul VI
  • Centesimus Annus de Jean-Paul II
  • Caritas in Veritate de Benoît XVI
  • Laudato Si de François
Et par gourmandise
  • Enjeux et défis écologiques pour l’avenir, par la Conférence des Evêques de France
  • Pour une écologie de l’Espérance, éd. Les Altercathos et L’écologie intégrale, éd. des Béatitudes de Fabien Revol
  • L’écologie de la Bible à nos jours, par Patrice de Plunkett, éd. De l’oeuvre
  • Laudato Si en actes, par Marie-Hélène Lafage, éd. Première Partie
  • Notre Terre, éloge de la frugalité, par François Bal, éd. Artège
  • Théologie de l’écologie. Une Création à partager, par François Euvé, éd. Salvator
  • Le Christ vert : itinéraires pour une conversion écologique intégrale, par Etienne Grenet, éd. Artège
  • Le choix de la simplicité, anthologie des textes d’Eloi Leclerc, par Anne Ducrocq, éd. Desclée de Brouwer
  • Chroniques d’écologie intégrale, par Arnaud du Crest et Loïc Lainé, éd. Parole et Silence
  • Limite, la revue d’écologie intégrale, éd. Première Partie

Bonne lecture, bonne conversion !

Marie-Anne Molle

Portrait> Les foyers de charité pour une vie de foi

Depuis son enfance, Pierre a toujours été attiré par les lieux de prière ; et de fait, aujourd’hui, ce jeune retraité carpentrassien a toujours le vif désir de transmettre la foi, restant très actif dans sa paroisse, particulièrement dans le service évangélique des malades.

L’enfance de Pierre, à Saint-Etienne, a été marquée, à 6 ans, par le décès de son père. La vie de foi de sa maman n’en a pas été pour autant ébranlée, et lui comme ses frères et sœurs vont être élevés dans la foi. Il connaîtra notamment une éducation chez les frères maristes ainsi que le scoutisme.
C’est par l’intermédiaire d’un professeur de dessin à Nice que Pierre va connaître les foyers de charité.

"Les foyers de charité, créés vers 1943, sont l’œuvre de Marthe Robin, une mystique du XXe siècle, qui a vécu dans la Drôme. Elle a eu des grâces particulières, entre autres des stigmates. Paralysée depuis l’âge de 6 ans, elle a eu de nombreuses visites du Seigneur et de la Vierge Marie qui lui ont demandé de fonder ces foyers, pour que les familles puissent venir se ressourcer dans des retraites d’une durée de 5 jours, vécues dans le silence.
Le silence, c’est pour pouvoir se mettre à l’écoute et de plus, on s’aperçoit qu’il y a une communication plus intense à travers gestes et sourires.
Lors d’une première retraite dans un foyer de charité, on nous redonne les bases de la foi chrétienne. Ces retraites ne s’adressent pas seulement à des croyants, et il y a tout un panel de retraites qui est proposé pour que chacun puisse vraiment trouver ce qui lui convient. On peut avoir quelque appréhension au début, mais au fil des jours il existe une super ambiance familiale !"

Il y a actuellement 74 foyers de charité dans le monde. La maison mère est à Châteauneuf-de-Galaure, là où a vécu Marthe Robin ; on peut d’ailleurs visiter sa chambre.
Jeune homme, Pierre s’interroge sur sa vocation et fait ainsi de nombreuses retraites dans les foyers de charité. Puis, avec d’autres jeunes de sa paroisse, le voilà à l’abbaye Notre-Dame-des-Neiges.

Là, j’ai dit au Seigneur : je vais faire quelque chose pour Toi ; et avant que j’aie eu le temps de faire quelque chose, Lui m’avait déjà trouvé une épouse, Hélène.

Et c’est ainsi que Pierre et Hélène vont faire une retraite de préparation au mariage dans le foyer de charité de la Flatière.

Depuis, Pierre lit tous les jours les textes de la liturgie, prend conscience de la présence de son ange gardien, aime prier son saint patron.

J’aime beaucoup la lecture et j’aime connaître la vie des saints, car depuis toujours, j’ai le désir d’avoir une vie sainte.

"Adolescent, j’ai commencé par la vie de Sainte Catherine Labouré, puis plein d’autres saints : Saint François, Sainte Jeanne d’Arc etc… Et maintenant c’est Maria Valtorta ! C’est une Italienne née en 1897, morte en 1961. Alitée une grande partie de sa vie, le Seigneur s’est révélé à elle et lui a demandé d’écrire l’Evangile d’une manière plus complète, qui ne remet pas en question les récits des apôtres mais qui les complète de façon admirable. Au début j’étais un peu réticent : que rajouter aux Evangiles, on a tout ! Et un jour en lisant la Passion, j’ai vraiment vécu cela de façon intense et depuis je continue. Je me suis abonné par Internet à Jésus aujourd’hui qui propose le Texte de l’Evangile du jour, suivi d’une méditation d’un père carme et vient ensuite le récit de Maria Valtorta.
Le but du chrétien est, pour moi, de transmettre la foi, dans la famille, et toutes les personnes que le Seigneur me donne de rencontrer !"

Résumé d’un entretien avec Martine Racine pour l’émission « Pourquoi le taire » sur RCF Vaucluse,
par Sylvie Testud

Le livre du mois> Dieu veut des dieux, de Bertrand Vergely

Inspiré par les textes bibliques et la tradition philosophique occidentale, l’auteur invite à penser la plénitude de la vie à la lumière du concept orthodoxe de theosis, la déification. La divinité est comprise comme la substance des aspirations profondes de chacun.

L’auteur part d’un constat :

On a atrophié la vie en la réduisant à la sécurité, au plaisir, au confort, alors que la vie a besoin de grandeur, d’idéal, d’intensité… On l’a ainsi vidée de son sens.

On a surtout volé aux hommes leur part divine en ridiculisant leurs aspirations les plus profondes, leur soif d’absolu, de beauté, de plénitude, cette expérience même d’être éternels dont parle Spinoza.

Mais non, l’homme ne se trompe pas : il est bien appelé à une vie divine, à une déification, à cette théosis dont l’auteur nous appelle à re-prendre pleinement conscience.

La vie divine n’est pas une abstraction lointaine, mais la substance même de notre vie véritable,

celle que nous sommes appelés à expérimenter ici et maintenant, la vie en plénitude qu’avaient pressentie tous les grands esprits et que tous, qui que nous soyons, nous aspirons à vivre.

Les Grecs déjà, d’Epictète à Héraclite en passant par Diogène, étaient en quête de cet homme divin, et à leur suite, grand nombre de philosophes dont l’auteur nous fait partager les intuitions à travers les âges (on y rencontre Kant, Pascal, Heidegger, Sartre et bien d’autres), jusqu’à ce que la révélation chrétienne confirme finalement cette vocation divine.

« Dieu s’est fait Homme pour que l’homme devienne Dieu »

C’est ce que rappelle Benoît XVI : "Ainsi le rêve de l’humanité commençant au paradis « vous serez comme des dieux » se réalise de manière inattendue non par la grandeur de l’homme qui ne peut pas se faire Dieu (tout seul ) mais par l’humilité de Dieu qui descend et entre ainsi en nous et nous élève à la vraie grandeur de son être."

De cette redécouverte de notre véritable identité dépendent la clef du mystère de notre identité ainsi que la solution aux crises de la culture et de l’humanisme. En effet, si l’humanisme entendait déjà améliorer la condition humaine, le transhumanisme, lui, se propose de la changer radicalement en l’affranchissant de ses limites (en particulier celles de la mort et de l’identité sexuelle).

Finalement l’homme moderne - malgré son athéisme - est toujours en quête de divinisation,

l’homme augmenté toujours en quête de grandeur,
le transhumanisme toujours en quête de transcendance.

Mais au lieu de se laisser transfigurer, de se laisser sauver, il tente désespérément de se sauvegarder.

En définitive, le transhumanisme propose à l’homme une vie surhumaine, là où l’homme est par vocation appelé à quelque chose de bien plus grand : la vie divine.

Enseignement catholique > Septième Séminaire des Adjoints en Pastorale scolaire

Le projet spécifique de l’Enseignement catholique attaché à la formation intégrale de la personne humaine, réfère l’éducation affective, relationnelle et sexuelle à la vision chrétienne de l’anthropologie et l’inscrit dans une éducation plus large à la relation, qui concerne tout le parcours scolaire. Cet accompagnement requiert un sens juste de la dignité humaine de l’enfant, de l’adolescent et du jeune, et une compréhension exacte de la responsabilité.

L’ Adjoint en Pastorale Scolaire est au coeur même de cette mission, c’est pour cette raison que la DDEC a organisé cette année le séminaire annuel pour les Adjoints en Pastorale Scolaire du diocèse autour du thème : « L’éducation à l’affectivité au cœur de la pastorale scolaire ». Ce séminaire s’est également inscrit dans le cadre du travail sur la Prospective 2030 entamé par l’Enseignement catholique.

Un temps de lecture et écoute de la Parole de Dieu a ouvert ces journées. Le Père Benoît Tartanson, prêtre référent à l’Ecole Saint-Joseph de Montfavet, a introduit la journée par une lectio divina du texte biblique Marc 10,21 « Jésus, l’ayant regardé, l’aima ». Dans ce texte, Jésus établit une relation avec le jeune riche qui, comme le Père Benoît l’a montré, est une véritable école pour la mission d’Adjoint en Pastorale Scolaire. 

L’après-midi s’est poursuivi avec un enseignement conduit par le Père Christophe Disdier-Chave, vicaire général du Diocèse de Digne qui a développé le thème « Eglise, relation, amour et sexualité : Quelle bonne nouvelle à proposer aux jeunes que nous rencontrons dans nos relations pastorales ?  ». Un riche échange avec l’intervenant a permis d’éclairer certaines questions autour de la dimension affective et relationnelle de l’acte éducatif, que les Adjoints en Pastorale Scolaire se posent concrètement dans leur mission. Il a souligné le fait que l’éducation affective n’a de sens que dans un apprentissage plus large de la vie relationnelle . C’est là le seul chemin qui permet d’intégrer la sexualité à un projet de vie. Le vocabulaire à cet égard n’est pas neutre . Parler de « rapports sexuels » n’a pas le même sens que d’évoquer « la relation intime ».

La célébration eucharistique est venue nourrir tous ceux qui ont participé à ces journées. Le Père Baptiste Vanel, prêtre référent au Collège Saint-Louis d’Orange, dans l’homélie, a tracé la voie de la chasteté et de la compassion divine comme chemin et gage des relations nouvelles. Ces relations nouvelles que tout Adjoint en Pastorale Scolaire est appelé à établir dans son action pastorale.

La journée s’est terminée par un travail en plusieurs groupes autour de l’un des thèmes proposés par le diocèse en vue de la démarche synodale et une prière par groupes. 

Le lendemain, une expérience artistique a nourri les esprits avec Mme Constance Boissy, éducatrice spécialisée et fondatrice du « Petit atelier de Constance » à Marseille et puis à Avignon où elle accueille aujourd’hui des enfants et des adultes pour des stages divers. Après avoir fait une introduction montrant le rôle fondamental du regard dans la démarche éducative. Elle a invité les participants à faire leur propre autoportrait avec une grande palette de couleurs, supports, pinceaux, crayons, matériaux... Réaliser son autoportrait est certes un visage dans un miroir, mais il y a entre le modèle et l’image, une distance. Chemin de relation à soi dans un travail qui s’est inscrit dans le réel d’un temps et d’un espace. Pendant deux heures, le groupe a fait l’expérience d’une « sortie de soi » pour se découvrir avec un regard nouveau. Les participants ont été accompagnés à tout moment par l’intervenante qui les a guidés dans leurs choix de techniques, couleurs… 

La matinée s’est clôturée avec un temps d’échange sur le thème « Apprendre à aimer. De questions que les jeunes se posent ». Mme Boissy et son époux, ingénieur de profession et lui-même investi dans l’éducation affective des jeunes et accompagnement de jeunes couples, ont répondu aux APS sur les questions suscitées par l’atelier en lien avec le thème des journées.

Ce séminaire a été l’occasion de plonger dans le regard de Jésus sur les enfants et les jeunes des établissements scolaires de notre diocèse et d’acquérir des outils pratiques pour mieux remplir la mission d’Adjoint en Pastorale Scolaire. Tous sont repartis avec un nouvel élan, reconnaissants de ce temps partagé.

Il y a 100 ans dans le diocèse> Autrefois dans le diocèse d’Avignon : 1858-1880

Les RR.PP. Doctrinaires, dits les PP. de Saint-Jean, à Cavaillon - 1858-1880

Le vendredi 15 avril, qui sera cette année le Vendredi Saint, est le jour de la fête du bienheureux César de Bus. Alors que sa canonisation est annoncée pour le 15 mai prochain à Rome, c’est l’occasion d’évoquer la refondation de la Congrégation en France,

Une pensée par jour de César de Bus, pour apprendre à le connaître

La fondation de César de Bus

Le pape saint Pie V avait ordonné dès l’an 1571 que fussent formés dans les paroisses, des congrégations de la Doctrine Chrétienne. Suivant en cela les prescriptions du Concile de Trente (session 24, chapitre 4), il s’agissait de s’attaquer aux racines du mal qui rongeait le peuple des baptisés « l’ignorance, comme un des plus puissants auxiliaires de l’impiété et de l’hérésie ».

Ce vœu du pape saint Pie V fut accompli d’une manière particulière par César de Bus qui fonda à Avignon, en 1592, la Congrégation des Prêtres de la Doctrine Chrétienne, répondant ainsi « d’une manière plus précise à l’appel de l’Eglise ». « Aussi, l’infatigable Apôtre de la Provence vit-il son œuvre confirmée bientôt par un Bref de Clément VIII et approuvée successivement de plusieurs Pontifes qui l’enrichirent d’indulgences et de privilèges nombreux ».

Cette fondation connut un grand développement en France, et à la fin du XVIIIe siècle, plus de 150 maisons ou collèges étaient tenus par les PP. Doctrinaires. La Révolution française mit fin à cette expansion sur notre territoire, et dès lors, ayant trouvé une généreuse hospitalité en Italie, la Congrégation recruta surtout des sujets italiens. Pour autant, les Pères Doctrinaires n’abandonnèrent jamais l’idée de revenir s’établir en France, qui vit naître leur congrégation.

La refondation au XIXème siècle 

Au XIXe siècle, dans un contexte de refondation de la foi chrétienne dans un pays blessé par la Révolution, plusieurs diocèses ouvrirent leurs bras à la Congrégation des Pères de la Doctrine chrétienne, mais c’est dans le diocèse d’Avignon, à Cavaillon, qui les a vu naître, qu’ils choisirent de s’établir en 1858. Depuis 1852, l’Empire a été rétabli et Napoléon III est régnant. Jusqu’en 1870, la période du Second Empire est riche de fondations religieuses, de construction d’églises, c’est une période d’expansion de la foi chrétienne en notre pays.

 En 1858, une province de France de la Congrégation des Pères de la Doctrine Chrétienne est créée ; elle a son siège à Cavaillon, et le R.P. François Ferrara (citations tirées de la Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1858, pp. 438-440) en est le provincial.

 

Evoquant son institut, il écrit : « Le nom des PP. Doctrinaires résume le but de leur Institut : enseigner au peuple la Doctrine chrétienne par tous les moyens possibles. Ce programme qui comprend, avant tout, la prédication évangélique, la distribution du pain de la parole divine à tous, dans les cathédrales comme dans les chaumières, embrasse encore, évidemment, l’instruction et l’éducation de la jeunesse, à tous les degrés, dans les écoles, dans les collèges et dans les séminaires ».

Après avoir ainsi présenté leur charisme, il s’exprimait ainsi : « Venez donc, ô Français ! vous, ministres du Seigneur, et vous, courageux catholiques, qui vous faites gloire de suivre la doctrine du divin Maître, venez vous joindre aux soldats de la Doctrine chrétienne ; et vous enfin, âmes charitables, qui retenues par des liens sacrés, ne pouvez vous enrôler sous leur bannière et vous armer, comme eux, du glaive de la parole sainte, venez du moins seconder leurs efforts par le concours de vos aumônes et de vos prières ».

Les premiers fruits

L’invitation ne manque pas de marquer les esprits, puisque le dimanche 15 mai 1859, huit novices ont pris l’habit et d’autres recrues sont attendues. Monsieur Valère-Martin, de Cavaillon, rapporte en ces termes la cérémonie : « Dimanche dernier, dans cette modeste et solitaire chapelle de Saint-Roch, que les RR.PP. Doctrinaires ont adjointe à leur maison, six clercs et deux frères laïcs, après une probation plus ou moins longue, étaient admis au noviciat (…) l’honneur de présider la cérémonie avait été dévolu à M. le chanoine Aillaud notre ancien curé, membre de la Congrégation, qui exhorta les récipiendaires par des paroles pleines d’onction et profondément senties ». Notons que l’abbé Aillaud, prêtre du diocèse d’Avignon, était entré dans la Congrégation, « un tel spectacle a dû remplir de joie le cœur du vertueux prêtre qui avait tant fait pour la résurrection de la Doctrine chrétienne en France » (cf. Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1859, pp. 221-222).

Jean-Michel Aillaud, né le 8 mars 1804 à Oppède, fut ordonné prêtre le 9 juin 1827. Vicaire à Courthézon, puis recteur de Vacqueyras en 1831, il revint l’année d’après à Avignon, à la paroisse de Saint-Didier, comme vicaire, puis en 1833 à Saint-Symphorien. Après avoir été recteur de Saignon en 1837, curé-doyen de Cavaillon en 1841, « il appela les religieux de la Congrégation du vénérable César de Bus, connus sous le nom de Doctrinaires ; lui-même se fit l’humble disciple du grand initiateur des catéchismes volontaires au XVIe siècle, et se plaisait suivre sa règle et à imiter sa vie » (Semaine Religieuse, 1884, p. 565). Nommé chanoine du vénérable chapitre métropolitain de Notre-Dame-des-Doms, il en fut le doyen de 1877 (date du décès de son prédécesseur le chanoine Jean-Joseph Saïn) jusqu’à sa mort, le 4 octobre 1884.

Le 19 mars 1860, une nouvelle cérémonie à Saint-Roch accueillait la vêture de quatre novices venus des diocèses de Paris, de Reims, de Toulouse, de Digne et d’Avignon. « Si la Congrégation est désormais rendue à la France d’où elle avait été violemment arrachée, la maison-mère paraît être définitivement implantée à Cavaillon ». Leur établissement est tel, qu’ils ont déjà essaimé et ont pris en charge la direction du collège de Bourg-Saint-Andéol, dans le diocèse de Viviers. Leur réussite même conduit bien des villes plus importantes à solliciter leur venue : elles « attendent impatiemment que les PP. Doctrinaires aient assez de sujets pour se charger de la direction de leurs collèges. Tout me porte à croire que les vœux de ces villes seront prochainement exaucés ». Nous sommes en 1860, et tous les espoirs sont permis ! (cf. Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1860, pp. 158-159).

Le R.P. Lambert, de Sorgues, supérieur de la maison de Cavaillon

En 1867, le supérieur de la maison de Cavaillon est le R.P. Jean André Romuald Lambert, décédé le 21 septembre de la même année. Né à Sorgues le 7 février 1825, ordonné prêtre le 25 mai 1850, après avoir été vicaire à Caumont, en 1851 il arriva au même titre à Cavaillon.

Les décrets d’expulsion des congrégations

Toutefois, avec la défaite de la guerre de 1870, l’Empire est discrédité, sa chute est proclamée, la déchéance de l’Empereur et de sa dynastie décrétée. La République s’impose à nouveau, et commence une période douloureuse qui conduira aux lois de séparation des églises et de l’Etat. Les prémisses en furent les lois contre les congrégations religieuses de la fin du XIXe siècle.

Le 29 mars 1880, deux décrets déclarent l’interdiction et l’expulsion de 51 congrégations religieuses, soit 7444 religieux répartis en 384 établissements et 14003 religieuses réparties en 602 établissements. «  On a accusé les ordres religieux de ne servir à rien : leurs œuvres répondent d’une façon plus triomphante que les discours ; on les a accusés de manquer de patrie : la simple énumération des services qu’ils ont rendus à la France soit à l’étranger, soit dans les colonies, soit sur notre sol même à l’heure terrible des désastres de la patrie, suffit à ruiner cette affirmation mensongère, en montrant que le patriotisme n’est nulle part si vivant et si fécond que dans les cœurs où il s’alimente au pur foyer de la chasteté, de la pauvreté et de l’obéissance chrétienne » (cf. Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1880, p. 326). Nous ne saurions mesurer justement la violence de ces décrets, le poids et les conséquences qu’ils eurent. Monsieur H. Chauffart, d’Avignon, écrivait au Ministre de la Justice le 31 mars 1880, après la publication au Journal Officiel des décrets d’interdiction, exprimant sa profonde tristesse : « je ne saurais, dans les circonstances actuelles, occuper plus longtemps des fonctions publiques. J’ai donc l’honneur de vous adresser ma démission des fonctions de maître des requêtes au Conseil d’Etat ». (Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1880, p.215)

La fin de l’aventure en 1880

Les RR.PP. Doctrinaires avaient alors en France deux établissements et comptaient 9 religieux. Si le noviciat des Doctrinaires était toujours présent à Cavaillon, avec comme supérieurs le R.P. Margaillan de 1863 à 1868, (pas de supérieur entre 1868 et 1873, sans doute faute de candidats), le R.P. Chaudol, de 1873 à 1876 et enfin le R.P. Boïni à partir de 1876, l’aventure s’arrêta en 1880, pour ne reprendre qu’au XXe siècle avec l’arrivée du R.P. Balsola à Cheval-Blanc.

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste

Nouvelle évangélisation> Vous avez dit « évangélisation » ?

La priorité institutionnelle est désormais donnée à l’évangélisation.

Pour tous ceux qui œuvrent et militent depuis des années (voire des décennies) pour une Église plus évangélisatrice, la récente réforme de la curie – Praedicate Evangelium - est accueillie dans une grande action de grâce et sonne comme un certain tournant missionnaire de l’institution elle-même : l’évangélisation, la « prédication de l’Évangile » comme elle est dénommée, devient désormais la priorité institutionnelle et donc pastorale du Vatican, et en cela, de toute l’Église, du pape jusqu’aux simples baptisés, en passant par tous les évêques du monde.

Cette priorité existait certes bien clairement au plan théologique, pastoral et spirituel avec Paul VI (avec son exhortation L’Évangélisation dans le monde moderne en 1975), avec Jean -Paul II (avec son exhortation La Mission du Rédempteur en 1990 et la nouvelle évangélisation tout au long de son pontificat) puis François (avec l’exhortation La Joie de l’Évangile en 2013, texte-programme de son pontificat).

Benoît XVI n’a pas été en reste puisqu’il instaura en 2010 le Conseil Pontifical pour la Nouvelle Évangélisation (ce qui conduira notre diocèse à créer en 2011 un service diocésain de la même dénomination) puis convoqua le fameux « Synode pour la Nouvelle Évangélisation » en 2012, la Joie de l’Évangile apparaissant aux yeux de tous comme le texte post-synodal de mise en œuvre programmatique.

Ainsi le seul vrai mandat (ou tout cas le principal) que Jésus donna à ses disciples : « Allez dans le monde entier annoncer l’Évangile, enseignez ce que je vous ai appris, faites des disciples, baptisez les au nom du Père du fils, et du Seigneur » se traduit désormais au plan institutionnel dans l’Église du XXI° siècle. Nous vivons cette étape près de 60 ans après l’ouverture de Vatican II qui se voulait avant tout un concile missionnaire, « pour mieux dire Jésus au monde » disait Jean XXIII : le « renouveau de la vitalité missionnaire de l’Église est le plus beau fruit du Concile » disait pour sa part Benoît XVI.

Ainsi, la réforme mise en place traduit au plan structurel ce que tous nos papes post-conciliaires ont dit et re-dit : toute l’activité de l’Église doit se rapporter à l’évangélisation, que ce soit la doctrine, la liturgie, la pastorale, toute la sphère de la charité, … rappelant en cela un mot cher à François : « l’Église n’est pas une ONG ».

Désormais, ce n’est plus une option pastorale ou spirituelle propre au goût de chacun, cela devient une obligation générale qui s’applique à tous. S’il y a pu y avoir chez certains des questionnements quant aux priorités réelles de François (le pape étant jésuite, son propos peut parfois s’interpréter de bien des manières…), ce texte est d’une grande clarté et ambition ; il engage et engagera sans doute l’Église et les successeurs de François pour quelques décennies.

Dès à présent, dans nos diocèses, dans nos paroisses, nous devrons remettre en premier l’évangélisation, la prédication convaincante et rayonnante de l’Évangile, notamment auprès de ceux qui ne viennent pas ou plus à l’Église. C’est là un grand chantier de la conversion pastorale et missionnaire de nos églises locales, et notamment de notre diocèse d’Avignon ; cette réforme du Vatican va grandement nous y aider, accélérer ce qui va dans ce sens, quelque peu interpeller et remobiliser ceux qui y rechignent ou sont découragés. Pour tous, nous y voyons l’impulsion d’un grand élan pastoral et missionnaire. Deo Gratias.

Alex et Maud LAURIOT PREVOST
Délégués épiscopaux à la Nouvelle Évangélisation du diocèse d’Avignon

Patrimoine> Carpentras : original ou copie ? Une enquête rebondissante… et réjouissante...

En 1750, Monseigneur d’Inguimbert, évêque de Carpentras, entreprend – à ses frais - la construction de l’Hôtel Dieu dont la splendeur fait encore aujourd’hui la gloire de la ville. Rappelons qu’avant la Révolution, l’Archevêché d’Avignon chapeautait des évêchés à Carpentras, Cavaillon, Orange, Vaison-la-Romaine et Apt.

Notre évêque meurt trois ans plus tard, en léguant à l’Hôpital sa bibliothèque réputée dans toute la Provence ainsi que de nombreux objets d’art dont un tableau alors célèbre : « L’Abbé de Rancé » peint par le non moins célèbre Hyacinthe Rigaud, dont tout le monde connaît le tableau de Louis XIV en costume de sacre, qui va rappeler aux plus anciens le livre d’Histoire de France de leur Collège. Je vous l’offre en photo pour m’avoir suivi jusqu’ici et dans l’espoir que vous alliez jusqu’au bout :

La première fois que j’ai vu le tableau de l’Abbé de Rancé, c’était à l’Abbaye de Soligny-la-Trappe en Normandie. Bien des années après, en visitant l’ancienne bibliothèque de Carpentras, j’ai vu dans l’escalier le même tableau dont le conservateur d’alors m’assura que c’était un original. Aujourd’hui, vous pouvez le voir à l’Hôtel Dieu de Carpentras devenu Bibliothèque – pardon ! Médiathèque ! (c’est-à-dire disposant de tout le numérique nécessaire au fonctionnement des cervelles actuelles) :

 

Deux originaux similaires ? Intrigué, je fis ma petite enquête en commençant par relire La Vie de Rancé par Chateaubriand qui, dans sa préface, précise qu’il l’a écrite à la demande expresse de son confesseur l’Abbé Seguin, grand admirateur des moines trappistes et né natif de Carpentras comme on dit à Lille... Serait-ce un début de piste ?

Dans le précédent Bloc-Notes, on a vu que Mgr d’Inguimbert avant de devenir Mgr était originaire lui aussi de Carpentras – tiens, tiens ! - et qu’il était entré en Italie chez les moines Cisterciens trappistes dont il était devenu l’Abbé sous le nom de Dom Malachie – on progresse… Grand admirateur de l’Abbé de Rancé qui fut le promoteur de la réforme des moines Cisterciens par la Trappe, il écrivit une Vie de l’Abbé de Rancé… décidément, on avance... Le protecteur de Dom Malachie en Italie deviendra le Pape Grégoire XII qui le chargera de diriger sa bibliothèque : on avance, vous dis-je !

Puis le Pape, pour le remercier le nomme à l’évêché de Carpentras et lui donne en cadeau de départ notre fameux tableau de l’Abbé de Rancé, toujours aujourd’hui à l’Hôtel-Dieu de Carpentras. On avance à grands pas...

Sur ce, j’apprends que des tableaux de Rancé authentiques, il y en a pas mal : à la Trappe, à Carpentras, au château de Versailles, au château de Chantilly, à l’Abbaye de Cîteaux, à Aiguebelle, à Cheverny etc. : comment cela est-il possible ?

Le duc de Saint-Simon, le fameux mémorialiste de la Régence, nous donne la clé de l’énigme : très ami avec l’Abbé de Rancé, il veut à tout prix en faire faire le portrait par le célèbre peintre Rigaud. L’Abbé refuse tout net : un Trappiste est un Trappiste ! Alors, ce madré de Saint-Simon lui rend visite en amenant avec lui le peintre qu’il fait passer pour un ami militaire qui ne veut pas dire un mot, car trop bègue… petite machination pour éviter qu’on ne le démasque. Un roman vous dis-je. Après chaque entretien auquel le peintre assiste sans parler, mais en regardant, il court dans sa cellule pour en fixer les traits de quelques coups de pinceau sur son chevalet.

En trois jours, le portrait est achevé et Saint-Simon en sera quitte pour avouer la supercherie à l’Abbé furieux, mais le tableau est prêt. Le duc ravi du succès mondain que lui procure ce chef d’oeuvre, en fait faire par Hyacinthe plusieurs copies conformes et même diverses interprétations du visage ou du buste sur des formats plus petits pour les offrir en cadeaux. D’autres grands seigneurs font de même, ce qui explique le nombre « d’originaux » en circulation… Le tableau « original d’origine » reviendra à la Trappe après la mort du duc qui le dédicacera au revers de la toile. Le neveu du Pape Grégoire XII, lors d’un séjour à Paris, achète un « original copie » chez Hyancinthe – appelons-le par son prénom, car on le connaît bien maintenant –, tableau que le Pape offrira à Dom Malachie – appelons-le aussi par son prénom. Et la boucle des originaux est bouclée : une affaire rondement menée !

Voyons de plus près quelques originaux en commençant par « l’original-original » de la Trappe :

Le buste au château de Versailles :

L’original de Carpentras :

Le tableau vendu à Paris en 2010 :

Ne quittez pas ! Il reste encore une question : qui était donc ce fameux Abbé de Rancé ? Armand, Jean Le Bouthillier de Rancé, fils cadet d’une riche famille de robe bien introduite à la Cour ; son parrain fut Richelieu – rien de moins ! À 11 ans, il était déjà Abbé commendataire de 5 monastères, dont La Trappe… Beau et distingué jeune homme, il entre dans les Ordres, fait de brillantes études, la fameuse duchesse de Montbazon – la plus belle femme de son temps – l’introduit dans les Salons parisiens dont il devient la coqueluche… il tombe amoureux de la duchesse, mène une vie de bâtons de chaise. La mort subite de la duchesse le plonge dans la dépression… qui le conduit - en quelques années toutefois - à la conversion.
ll réalise alors sa fortune, entreprend de reconstruire La Trappe et de la réformer en y prenant lui-même l’habit. Sa réforme est des plus rude, même effrayante d’austérité aux yeux de beaucoup à l’époque... il devient célèbre : les savants, les princes, les théologiens visitent l’Abbaye, correspondent avec lui. On le sollicite dans les nombreuses querelles théologiques du siècle… Bref, une célébrité… qui traverse le temps. Mais une figure difficile à comprendre pour les cervelles de notre temps – même numérisées : c’est pour cela qu’il faut s’y arrêter un moment, prendre le temps de lire La Vie de Rancé par Chateaubriand.
Prenez exemple sur Michel Onfray - ce réfractaire - qui en 2017 relut Chateaubriand avec enthousiasme, le commenta et passa un jour et une nuit à La Trappe, suivant en cela Chateaubriand sur les pas de Rancé : « J’allais à la Trappe pour lire Chateaubriand, c’est vrai ; mais aussi pour toucher du doigt l’expérience deux fois millénaire d’une vie ... portée par la transcendance quand la mienne l’est par l’immanence.… » J’ai trouvé que le fait qu’Onfray prenne soin à tous les chapitres de son essai d’affirmer hautement qu’il est athée, montre à mon avis que l’on ne fréquente pas impunément Rancé ou Chateaubriand...

François-Marie Legoeuil