Marguerite Marie et la Visitation

2007

Qui est Marguerite-Marie ?

Marguerite-Marie est née dans le village de Vérosvres en Bourgogne, le 22 juillet 1647 ; elle reçoit le baptême trois jours plus tard, le 25 juillet. C’est une enfant prévenue par la grâce. Très tôt, poussée par un mouvement intérieur, elle se donne à Jésus. Après une petite enfance heureuse, elle perd son père à 8 ans. C’est alors que commence pour elle une vie de souffrance.

Mise en pension chez des religieuses de Charolles, elle n’y reste que deux ans en raison d’une maladie qui la tiendra alitée quatre ans. “On ne put”, dit-elle, “jamais trouver aucun remède à mes maux, que de me vouer à la Sainte Vierge, lui promettant que si elle me guérissait je serais un jour une des ses filles…”.

Elle passe alors plusieurs années partagée entre les plaisirs du monde et l’appel du Seigneur à la vie religieuse. Durant cette période elle doit soutenir de grands combats vis-à-vis de sa famille, tandis que le Seigneur l’instruit dans le secret de son cœur et la forme à sa mission future.

Sa décision d’être religieuse étant prise, elle se présente au Monastère de la Visitation à Paray-le-Monial, où elle entend intérieurement Jésus lui dire : “C’est ici que je te veux”.

Son entrée au couvent est fixée au 20 juin 1671, elle reçoit l’habit religieux le 25 août suivant. Le 6 novembre 1672, Marguerite-Marie se donne définitivement au Seigneur par la profession religieuse.

Dès son entrée au Monastère, elle est l’objet d’insignes faveurs de la part de Jésus, son Souverain Maître. Il l’a destinée à une grande œuvre, aussi avec la profusion de grâces viennent les incompréhensions, contradictions et les souffrances d’ordre spirituel ou physique.

Jeune encore, investie d’une mission providentielle authentifiée parle Père Claude La Colombière, Marguerite-Marie fait tout ce qui est en son pouvoir dans son Monastère pour transmettre le message reçu dans les grandes apparitions dont nous avons rapporté le contenu.

Epuisée par la maladie et un amour qui la consume, elle meurt le 17 octobre 1690.

La fête demandée par Jésus est étendue à l’Eglise universelle en 1856.

Marguerite-Marie est béatifiée le 18 septembre 1864 puis canonisée le 13 mai 1920.

Le Père La Colombière qui vécut et mourut comme un ardent apôtre du Cœur de Jésus, est béatifié le 16 juin 1929 et canonisé le 31 mai 1992.

L’ordre de la Visitation

Marguerite-Marie est entrée dans l’Ordre de la Visitation Sainte Marie.

Quelles sont les particularités de cet Ordre ?

C’est un Institut religieux fondé par saint François de Sales, évêque de Genève, résidant à Annecy, et par sainte Jeanne Françoise Frémiot de Chantal. Celle-ci, veuve, aspirait avec ardeur à se donner au Seigneur.

Guidé par l’Esprit Saint, François de Sales donne à l’Eglise une famille religieuse où l’esprit de prière et la qualité de l’amour sont premiers. Il voulait, disait-il, “donner à Dieu des âmes si intérieures qu’elles soient trouvées dignes de le servir et de l’adorer en esprit et en vérité”.

Saint François de Sales désire favoriser les personnes qui ne sont pas attirées, ou ne peuvent pas pratiquer les austérités alors en usage dans les grands Ordres. Il faut, disait-il encore, que “où la rigueur de la mortification manque, il y ait plus de perfection d’esprit”.

Enfin, s’il met son Institut sous le vocable de la “Visitation”, c’est parce que ce mystère contient l’esprit qu’il désirait y établir : simplicité, humilité, douceur, joie.

Fondé en 1610, le nouvel Ordre connaît un essor rapide. A partir de 1618, les fondations se multiplient. Le Monastère de Paray voit le jour en 1626 ; il est le 26e de l’Ordre.

Saint François de Sales veille assidûment sur cette croissance jusqu’à sa mort en 1622. Il instruit et dirige lui-même les premières sœurs selon sa riche expérience de la vie spirituelle. Aux dires de ses religieuses, il fait “son séjour habituel dans le Cœur de Jésus-Christ”. Là, il puise la sève qu’il va communiquer à l’Ordre naissant.

Il disait : “Les religieuses de la Visitation pourront porter le nom de filles évangéliques, établies (…) pour être les imitatrices des deux plus chères vertus du sacré Cœur du Verbe incarné, la douceur et l’humilité, qui seront la base et le fondement de leur Ordre et leur donnent ce privilège et cette grâce incomparable de porter le nom de filles du Cœur de Jésus”.

Aussi dès le début de l’Institut, plusieurs religieuses, fidèles à l’esprit de leurs règles de vie, sont-elles favorisées de grâces insignes du Cœur de Jésus. Retenons quelques noms : Sœur Anne-Marie Rosset éprouve comme un “emportement” de son propre cœur dans le Cœur du Sauveur ; Sœur Suzanne Marie de Riants, un vendredi, voit jaillir du côté du Christ, une fontaine où elle est conviée à boire ; Sœur Anne Marguerite Clément voit son cœur tiré par Dieu hors d’elle-même : le Seigneur met le sien à la place, “en sorte, écrit-elle, qu’il me paraissait que je n’avais plus d’autre cœur que celui de Jésus”.

D’une certaine manière Marguerite-Marie n’est pas une exception, mais ce qui la distingue de ses sœurs, c’est la mission extraordinaire qui lui est confiée.

La “Visitation” poursuit son chemin

La Visitation offre à toutes, jeunes et moins jeunes une spiritualité riche de l’expérience, de la finesse spirituelle, psychologique et affective de Saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal ; spiritualité très adaptée à notre époque parce qu’elle rejoint les aspirations du cœur humain. Et s’il faut malheureusement reconnaître que la mentalité matérialiste de l’Occident ne favorise pas les préoccupations spirituelles et l’éveil des vocations, l’Ordre connaît une belle extension en Afrique et en Amérique latine. Néanmoins, où qu’elles soient, “les sœurs de la Visitation se veulent très spécialement fidèles à la mission qu’elles ont reçue d’aimer et faire aimer le sacré Cœur de Jésus”, d’aimer et faire aimer l’Amour.

Depuis plus de trois siècles, l’Ordre de la Visitation est présent dans le diocèse d’Avignon - Coordonnées du Monastère de la Visitation :
Domaine de Guerre
84700 Sorgues
Courriel

(Article réalisé en collaboration avec le sanctuaire de Paray le Monial)

Le joyeux Mystère de la Visitation de Marie à Elisabeth

En ce temps-là, Marie partit en hâte pour se rendre dans le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. Or, lorsqu’Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant bondit dans son sein et Elisabeth fut remplie de l’Esprit-Saint.

Elle poussa un grand cri et dit : Tu es bénie plus que toutes les femmes ; béni aussi est le fruit de ton sein ! Comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? Car lorsque ta salutation a retenti à mes oreilles, voici que l’enfant a bondi d’allégresse en mon sein. Bienheureuse celle qui a cru que ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira !

Alors Marie dit :

Mon âme exalte le Seigneur,

Exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

Il s’est penché sur son humble servante ;

Désormais, tous les âges me diront bienheureuse.

Le Puissant fit pour moi des merveilles ;

Saint est son nom !

Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.

Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.

Il relève Israël, son serviteur, il se souvient de son amour,

de la promesse faite à nos pères,

en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais”.

(Lc 1, 39-55)

Les trois "grandes" apparitions du Cœur de Jésus

Le 27 décembre 1673

Jésus fait reposer Marguerite-Marie fort longtemps sur sa divine poitrine. Il lui découvre les merveilles de son amour. Il la choisit pour répandre l’ardeur de cette "ardente charité" et sauver des âmes.
Jésus plonge le cœur de Marguerite-Marie dans le sien, puis le lui rend tout embrasé : elle conservera toute sa vie une douleur au côté.

Un premier vendredi de 1674

Jésus apparaît à Marguerite-Marie qui adore le Saint-Sacrement. Il lui montre ses plaies brillant comme des soleils et sa poitrine comme une fournaise ardente. Il se plaint du peu de "retour d’amour" que lui témoignent les hommes, après tout ce qu’il a enduré pour les sauver. Il demande deux actes de réparation : la communion le premier vendredi de chaque mois ; l’Heure Sainte le jeudi soir, en union avec son agonie à Gethsémani.

La "Grande Apparition" : juin 1675

" Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi ".

Jésus demande qu’une fête particulière, le vendredi après l’octave du Saint-Sacrement, soit instituée pour honorer son Cœur et réparer les outrages qu’il a reçus dans la sainte Eucharistie. Il promet des grâces abondantes à ceux qui lui rendront cet honneur ou procureront qu’il lui soit rendu.

L’année des deux premières apparitions est aujourd’hui incertaine : peut-être 1673 pour la première et 1674 pour la seconde ? voire 1672 ou 1674 pour la première et 1675 pour la seconde…

La vénération des reliques et l’art religieux

La vénération des reliques a influencé, plus qu’on ne peut l’imaginer, l’architecture et l’iconographie chrétienne. Ces extraits de l’encyclopédie Catholicisme nous dévoilent plusieurs innovations suscitées par ce culte.

Le culte des reliques a contribué puissamment au développement de l’art chrétien. C’est souvent pour abriter la tombe d’un martyr ou accueillir ses restes qu’une église ou un oratoire a été érigé. La mise en valeur de la tombe sainte ou du reliquaire a suscité l’élaboration de formes nouvelles en architecture. La rotonde élevée par Constantin sur la tombe du Christ a fourni le prototype de nombreux martyria (églises renfermant le tombeau d’un martyr), spécialement en Orient.

Naissance des cryptes

Le Pape Saint Grégoire-le-Grand ayant décidé d’établir un autel fixe sur la tombe de Saint Pierre au Vatican, il fallut réaménager l’accès au monument constantinien, et le parti adopté devait avoir une influence déterminante pour la systématisation des tombes saintes en Occident. On dut, en effet, élever le presbyterium de la basilique à la hauteur du monument, mais, pour conserver l’accès à celui-ci, on aménagea un couloir semi-circulaire. De là devaient naître les cryptes. Le pseudo-souterrain de Saint-Pierre va devenir oratoire souterrain abritant la tombe ou le reliquaire avec couloir permettant au peuple d’accrocher des restes du saint.

Les chapelles rayonnantes

Quand il s’agissait de vénérer non la tombe, ni le réceptacle principal des reliques d’un saint, mais seulement quelques fragments contenus dans un reliquaire, on multiplia les absides et les autels votifs, en contradiction avec la conception antique de l’autel unique dressé dans une église. Ces absides, devenues chapelles rayonnantes, se greffaient souvent sur un déambulatoire qui permettait le déploiement des processions et facilitait le mouvement de la foule des pèlerins.

Les reliquaires

Les reliques sont déposées, à l’issue du procès (de béatification), dans un reliquaire, qui est exposé à la vénération des fidèles.

Un reliquaire est un coffret de taille et de forme variables, renfermant, soit des ossements (reliquiae, restes) d’un saint, soit un objet sanctifié. Le culte des reliques est lié intrinsèquement à la vie de l’Eglise, à son développement et à la propagation de l’Evangile, d’où l’importance des reliquaires. Il faut distinguer le reliquaire de la châsse (capsa, boîte) qui contient, en principe, le corps entier du personnage. Le reliquaire ne contient qu’un fragment du corps ou quelque objet ayant appartenu au saint, l’ayant touché, lui ou son tombeau, voire un peu de poussière provenant de ce tombeau, ou de son voisinage. Au temps où il y avait encore peu de statues (les premières statues en ronde-bosse ont été d’ailleurs des reliquaires ; témoin, la Sainte Foy de Conques, IX – Xe siècle), le reliquaire n’est pas seulement “souvenir” mais “présence”. Il faut le voir, le toucher, en faire le tour, l’embrasser (statue-reliquaire de saint Jacques à Compostelle).

Les reliquaires les plus anciens sont de simples cassettes (capsae). Celles-ci, qu’elles fussent d’ivoire ou d’argent, étaient généralement de petites dimensions. Au Moyen-âge, elles reçurent de l’ampleur, ainsi que des formes diverses (maison, église), parfois représentatives (chef, bras, pied).

L’iconographie

La présence d’une tombe sainte ou de reliques dans une église n’a pas été sans influer sur son iconographie. Les porches ou les façades accueillent volontiers le pèlerin, en évoquant le saint qu’il vient prier (S. Trophime d’Arles). Il en va de même des chapiteaux de la nef (S. Benoît-sur-Loire). Rome et Milan, Ravenne, Thessalonique et Constantinople ont fait part royale à la mosaïque : l’Egypte, les églises rupestres de la Cappadoce et l’ensemble des églises d’Occident conservent d’admirables peintures, consacrées à la représentation des saints qui y sont honorés.

(Article réalisé par le sanctuaire de Paray le Monial)

Sainte Marguerite Marie, messagère du Cœur de Jésus

Le Père Gérard Dufour, Chapelain à Paray-le-Monial de 1984 à 1993, nous présente et résume les grandes apparitions du Christ à Sainte Marguerite Marie : évocation de son expérience consumante et récit de sa mission à être témoin de l’Amour du Cœur de Jésus pour le monde.

Marguerite-Marie Alacoque (1646-1690) est au monastère de la Visitation depuis deux ans et demi lorsqu’une première apparition du Cœur de Jésus le 27 décembre 1673, en la fête de saint Jean, le disciple bien-aimé, va déterminer la vocation de la "confidente et apôtre" du Cœur de Jésus.

Dans cette première manifestation, celle qui a été choisie par Jésus comme "instrument pour attirer des cœurs à son amour" reçoit clairement les grandes lignes de la dévotion qu’elle devra propager. Les autres apparitions, surtout celles de 1674 et 1675, viendront les préciser et les développer.

L’Amour de l’Eucharistie

La première manifestation du Cœur de Jésus à Marguerite-Marie a été précédée de nombreuses communications du Seigneur à sa disciple. Bien avant qu’elle entre au monastère, il lui a appris lui-même à faire oraison, lui a donné un grand amour pour la sainte Eucharistie, l’a détournée des distractions mondaines, l’a choisie comme épouse et confiée aux soins de la Vierge Marie… Une fois au monastère, il l’a invitée à vivre "la vie d’un Homme-Dieu" et l’a revêtue de la "robe d’innocence", il lui a enseigné une stricte obéissance à ses supérieures et depuis le 6 novembre 1672, jour de sa profession religieuse, il l’a gratifiée de sa divine et continuelle présence, tout en lui annonçant une vie marquée par la Croix.

Marguerite-Marie a donc une certaine familiarité avec le Sauveur. Et pourtant l’apparition du 27 décembre 1673 va lui apporter une certitude qui la bouleversera : les merveilles de l’amour du Cœur de Jésus.

“Il me découvrit les merveilles de son Amour”

Au XVIIe siècle, on communie peu et on adore beaucoup. Depuis sa première communion, préparée chez les Clarisses de Charolles, Marguerite-Marie affectionne cette prière " le plus près possible du tabernacle ". Elle aime passer le plus de temps possible devant le Saint-Sacrement où "son cœur est comme dans son centre". Ce jour-là, ses occupations lui laissent plus de loisir qu’à l’accoutumée.

Elle se trouve "tout investie de la divine présence", au point de ne plus savoir ce qu’elle est ni où elle se trouve. Elle "s’abandonne à ce divin Esprit livrant son cœur à la force de son amour". C’est l’extase. Tout mouvement de la créature ayant été rendu impossible, Jésus intervient directement.

"Il me fit reposer fort longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour et les secrets inexplicables de son sacré Cœur, qu’il m’avait toujours tenu cachés, jusqu’alors qu’il me l’ouvrit pour la première fois ".

Première découverte éblouie et émerveillée du Cœur de Jésus ! Impossible d’en mesurer la longueur, la largeur ou la profondeur ! Impossible d’en parler avec des mots humains : “le souvenir de ces grâces me met hors de moi… L’impression m’en restera toute ma vie”. Cette impression est si forte qu’aucun doute n’est possible sur l’origine de ces grâces.

Je t’ai choisie…

Cette révélation des trésors d’amour du Cœur de Jésus, Marguerite-Marie devra la partager. Nous pouvons imaginer la surprise que notre Sainte a dû éprouver en entendant le message de Jésus :

" Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes, et pour toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen, et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre, et qui contiennent les grâces sanctifiantes et salutaires nécessaires pour les retirer de l’abîme de perdition. Et je t’ai choisie comme un abîme d’indignité et d’ignorance pour l’accomplissement de ce grand dessein afin que tout soit fait par moi ".

"Je suis venu allumer un feu sur la terre ", disait Jésus (Luc 12,49). Il sait que Marguerite-Marie, humblement, va objecter son indignité et son ignorance, mais c’est précisément pour cela qu’il a choisi la petite Visitandine inconnue pour en faire son "instrument"… un mot qu’il lui redira cinq ans plus tard, en 1678, alors que Marguerite-Marie n’avait pas encore eu beaucoup d’occasions pour promouvoir la dévotion demandée : " Je veux que tu me serves d’instrument pour attirer des cœurs à mon amour ". Toujours la même mission, qui ne prendra toute son ampleur que quelque six années plus tard.

Jésus manifeste son dessein à Marguerite-Marie : enrichir les hommes des précieux trésors de son Cœur qu’il vient de lui découvrir ; trésors qui contiennent des grâces sanctifiantes et salutaires pour les retirer de l’abîme de perdition. Le grand désir du Cœur de Jésus ne varie pas "Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu " (Luc 19,10). Les expressions de ce dessein " trésors de grâces ", " abîme de perdition ", appartiennent au langage du XVIle siècle, mais sont suggestives. Nous les retrouvons souvent sous la plume de Marguerite-Marie.

“Il me demanda mon cœur”

L’apparition n’est pas terminée. Elle se poursuit par une extraordinaire "effusion de l’Esprit". Marguerite-Marie s’était tout abandonnée à ce divin Esprit : il va répandre l’Amour dans son cœur, d’une façon exceptionnelle :

"Après, il me demanda mon cœur, lequel je le suppliai de prendre. Ce qu’il fit, et le mit dans le sien adorable, dans lequel il me le fit voir comme un petit atome qui se consommait dans cette ardente fournaise d’où, le retirant comme une flamme ardente en forme de cœur, il le remit dans le lieu où il l’avait pris…".

Jésus demande à Marguerite-Marie son cœur. Ce n’est pas du sentimentalisme. Le cœur, a rappelé Jean-Paul II, est le "foyer central" de la conversion ou du refus de Dieu. C’est le lieu le plus intime de notre personne où le Seigneur vient faire sa demeure, le lieu du oui sans réserve qu’il attend de notre liberté. Jésus demande une offrande totale et inconditionnelle.

"Je le suppliai de le prendre", répond Marguerite-Marie. Jésus accomplit alors un geste visible, impossible humainement parlant. Il prend le cœur de sa disciple et le met dans son Cœur adorable : il accepte l’amour de sa servante et l’unit à son ardente charité. Mais l’amour du Cœur de Jésus est un amour divin, infiniment plus grand que notre amour de créature. Dans le Cœur de Jésus, le cœur de celle qui sera son "épouse" est infiniment petit, un "petit atome" !

Dans une telle fournaise, cet atome ne sera pourtant pas détruit. "Il se consommait", écrit notre Sainte, qui emploie indifféremment les verbes consommer et consumer. On pense au buisson ardent. Plusieurs fois, Marguerite-Marie dira son désir de consumer toute sa vie en présence du Seigneur, " comme un cierge ardent devant le saint Sacrement ". Jésus rend son cœur à Marguerite-Marie : il ressemble alors à une flamme ardente en forme de cœur. Le cœur est symbole de l’amour, de cette capacité d’aimer que la grâce vient de renouveler : Marguerite-Marie va aimer avec un amour divin !

Elle reçoit une nouvelle identité qui la transforme au plus profond d’elle-même. Désormais elle est la disciple bien-aimée du Sacré-Cœur ! Un titre qu’elle partage avec l’apôtre Jean.

“Ce divin Cœur me fut présenté”

Dans une lettre du 3 novembre 1689 au Père Croiset, Marguerite-Marie donne la date de la première apparition du Cœur de Jésus : “La première grâce particulière qu’il me semble avoir reçue pour cela, ce fut un jour de saint Jean l’Évangéliste qu’après m’avoir fait reposer plusieurs heures sur cette sacrée poitrine, je reçus de cet aimable Cœur des grâces dont le souvenir me met hors de moi-même. Après cela, ce divin Cœur me fut présenté comme dans un trône de flammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable, et il était environné d’une couronne d’épines, qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient, et une croix au-dessus qui signifiait que dès les premiers instants de son Incarnation, c’est-à-dire que dès lors que ce sacré Cœur fut formé, la Croix y fut plantée, et il fut rempli dès ces premiers instants, de toutes les amertumes que devaient lui causer les humiliations, pauvreté, douleurs et mépris que la sacrée humanité devait souffrir, pendant tout le cours de sa vie et en sa sainte Passion…”.

Le Cœur de Jésus est comme dans un trône de flammes. C’est l’image de la royauté. Marguerite-Marie prend à son compte le grand désir du Cœur de Jésus, elle écrit volontiers : "Pourvu qu’il se contente et qu’il règne, cela me suffit !". Cette dévotion doit ruiner l’empire de Satan pour établir le règne du pur amour du Cœur de Jésus.

La lumière plus forte que celle du soleil, la transparence semblable à celle du cristal évoquent les merveilles inexplicables du Cœur de Jésus. Mais la vision comporte aussi la marque et les instruments de la passion : la plaie, la couronne d’épines, la Croix.

Vient ensuite l’affirmation étonnante : la Croix a été plantée dans le Cœur de Jésus dès son Incarnation, avec toutes les souffrances que le Fils de Dieu allait endurer tout au long de sa vie.

Entrant en ce monde, Jésus n’a-t-il pas dit : "Père, me voici, je viens faire ta volonté" (He 10,7) ? La volonté du Père comportait ce geste d’amour extrême du sacrifice de la Croix. Dans sa prescience divine, Jésus ne connaissait-il pas tous les péchés des hommes et la somme de souffrances qui en serait le prix ? Comment comprendre, sinon, l’agonie à Gethsémani que Marguerite-Marie méditait chaque jeudi soir ?

L’image de son Cœur doit être honorée

Rappelant l’ardent désir du Cœur de Jésus d’être aimé des hommes et de les sauver, sainte Marguerite-Marie ajoute :

"Et il me fit voir qu’il fallait honorer (le Cœur de Dieu) sous la figure de ce Cœur de chair, dont il voulait l’image être exposée et portée sur soi et sur le cœur, pour y imprimer son amour et le remplir de tous les dons dont il était plein et pour y détruire tous les mouvements déréglés. Et que partout où cette sainte image serait exposée pour y être honorée, il répandrait ses grâces et bénédictions."

Jésus veut faire connaître son Cœur, avec tous les trésors d’amour, de grâce, de miséricorde, de sanctification et de salut. Ces trésors doivent enrichir ceux qui veulent rendre et procurer (à son Cœur) tout l’honneur, l’amour et la gloire qui sera en leur pouvoir.

Mais il y a une condition : l’image du divin Cœur doit être exposée et portée sur soi, pour y imprimer son amour, le remplir de ses dons, y détruire tous les mouvements contraires à l’amour. C’est parce qu’il veut notre cœur que Jésus montre son Cœur !

L’image est un rappel : par son Incarnation, Dieu s’est rendu visible. Dans sa Passion, Jésus met en évidence la miséricorde de Celui qui a pris sur lui nos iniquités. La contemplation de la Passion a toujours été source de ferveur. Dans sa jeunesse, Marguerite-Marie avait été frappée par une vision du Christ aux outrages…

Elle ajoute l’évocation des "promesses" attachées à la pratique de la dévotion, promesses qui lui ont été sans doute révélées plus tardivement.

“Je t’ai choisie et préparée”

C’est ici que Marguerite-Marie va insérer l’annonce du choix de Jésus. La réaction de notre sainte va être, curieusement, celle de saint Thomas lorsque huit jours après Pâques, Jésus l’invite à regarder ses mains et ses pieds, à mettre sa main dans son Côté ouvert.

“Et après cela, ce Souverain de mon âme me dit : "Voilà les desseins pour lesquels je t’ai choisie et fait tant de faveurs que d’avoir pris un soin particulier de toi dès le berceau. Je ne me suis rendu moi-même ton maître et ton directeur que pour te disposer à l’accomplissement de ce grand dessein…" Alors, me prosternant en terre, je lui dis avec saint Thomas : "Mon Seigneur et mon Dieu !" ne pouvant m’exprimer de ce que je sentais pour lors, et je ne savais si j’étais au ciel ou en terre”.

Chaque fois que le Seigneur se choisit un instrument, il le prépare à sa mission par des grâces adaptées. À mission exceptionnelle, grâces exceptionnelles !….

Le moment d’agir viendra, une douzaine d’années plus tard. Dans l’immédiat, Jésus prend soin de disposer le cœur de sa disciple.

Mais dans sa “mission”, accomplie avec courage, de toutes ses forces et malgré bien des difficultés, Marguerite-Marie sera aidée par le Père Claude La Colombière, “fidèle serviteur et parfait ami” du Cœur de Jésus.

Père Gérard Dufour

(Article réalisé par le sanctuaire de Paray le Monial)