N’attendons pas que le monde passe… Ensemençons-le !

26 août 2022

Dimanche 28 août 2022
22e dimanche du Temps Ordinaire

Article du père Benoist de Sinety, curé de la paroisse Saint-Eubert à Lille, paru le 21 août 2022 sur www.aleteia.org

Les chaleurs étouffantes, les coups de tonnerre terrifiants et les incendies gigantesques que notre pays a connus au long de ces dernières semaines suffiront-ils à nous faire réagir ? (…) Choisir d’être spectateur du monde, c’est décider de camper dans la passivité. C’est se dire qu’il n’y rien d’autre à faire sinon subir un réel sur lequel je refuse de chercher à avoir la moindre emprise. C’est renoncer à collaborer à l’œuvre de Dieu en ne faisant que jauger et juger les actes d’autrui. On pourra bien (…) se gargariser de propos sur le monde tel qu’il ne va pas. Mais, faute de chercher à y engager nos forces, nos cerveaux et nos générosités, nous courons le risque de n’être que des cymbales qui résonnent.

Face à tout à ces maux, un seul slogan semble aujourd’hui devoir résonner à tout bout de champ : « Il faut restaurer l’ordre ! » Comme si l’ordre en soi était une valeur suffisante pour assurer le bonheur des hommes (…) S’il est nécessaire, ce principe ne peut, sauf contresens tragique, suffire à rassembler une société. La sécurité ne sera jamais la première des libertés. Ni dans l’État, ni dans l’Église : non qu’elle soit inutile, mais elle ne peut constituer à elle seule le cap d’une politique sans diriger le navire qui la choisit comme gouvernail vers la tyrannie ou le sectarisme. Sans doute, la sécularisation qui ne sait plus penser le monde autrement qu’en fantasmant une existence épurée de tout accident, aseptisée et normée, n’y est-elle pas pour rien. Il y a trop d’incendies ? Multiplions les canadairs ! L’essence coûte trop cher ? Envoyons des chèques ! L’islam nous fait peur ? Renvoyons des imams ! On pourrait multiplier les exemples… Non qu’ils soient inutiles : ils traduisent notre absolue impuissance collective à envisager un avenir. Nous colmatons les brèches dans une société où, par exemple, le travail est devenu la condition du loisir et non plus la grandeur de la vie, tout en nous résignant aux contraintes et ne supportant plus le risque.

Cette rentrée sera rude, nous prédisent ceux qui ne voient plus de possible. Elle l’est déjà, rude, alors que l’été est toujours là, pour nombre d’hommes et de femmes à qui l’on a volé l’Espérance. En les décourageant de croire, en les ensevelissant sous des règles et des principes devenus tellement envahissants et en même temps si élevés, qu’ils bâtissent des murs autour des seules sources où l’eau ne cesse de jaillir. Des régions entières sont en état de canicule ou de sécheresse : les nappes souterraines et des fleuves sont à leur plus bas niveau depuis des lustres. Contre cela, nous ne pouvons pas grand-chose à titre personnel sinon changer quelques habitudes dispendieuses. Mais comment expliquer et justifier que la source d’eau vive, celle par laquelle le Christ lui-même se donne à tous ceux qui cherchent à étancher leur soif, oui, comment expliquer que cette source-là soit perçue encore moins accessible par beaucoup de nos contemporains qui s’en estiment exclus ou indésirables ?

L’Évangile ne cesse de nous désigner un Sauveur qui s’expose, se livre, se donne jusqu’au plus intime de lui-même, sans rien refuser, sans rien préserver de lui-même. Cessons de nous retrancher derrière nos exigences de sécurités illusoires et occupons-nous davantage de justice qui est la condition pour la vraie charité, tout en essayant de nous tenir un peu plus sous la Vérité du regard de Dieu. N’attendons pas que le monde passe, car il passe, sans chercher à l’ensemencer chaque jour de l’œuvre créatrice à laquelle Dieu ne cesse de nous appeler à collaborer.