Prier...Sans se décourager

15 octobre 2022

  Souvent, nous sommes tentés par le découragement, et donc portés à prier par à coups, de temps en temps : tant de préoccupations nous accablent ou nous détournent de la vie intérieure. 

  La prière est difficile. Nous frappons à une porte qui ne semble jamais s’ouvrir. Nous sommes donc déconcertés et découragés par le silence de Dieu ou par son apparente indifférence à nos appels. Or si à juste titre nous frappons à la porte, sommes-nous en droit d’attendre à chaque fois une réponse ? Dieu serait-il à notre service, comme lorsque nous commandons un produit par internet et que nous attendons, légitimement alors, d’être servi au plus vite ? Dieu doit-il répondre nécessairement ? Et si oui, est-ce bien Dieu, le Tout Autre, le Créateur de toutes choses, le Père très aimant que nous invoquons ou un correspondant qui doit forcément accuser réception ? Il faut certainement sortir de cette attitude de domestique ou d’esclave, abandonner ce comportement de consommateur. La prière est d’abord, et essentiellement, prière d’adoration : nous cherchons à nous mettre devant le Tout Autre, à l’aimer gratuitement sans pensée de retour, non comme des êtres intéressés, mais comme des adorateurs. La prière est reconnaissance humble de la grandeur ou comme on disait jadis, de la Majesté de Dieu. Et ce geste d’adoration, à condition d’être véritable adoration, ne doit rien attendre en retour, car ce geste en tant que tel dilate notre coeur et nous comble déjà d’admiration et d’action de grâce pour Celui qui est de toute éternité. Il apporte avec lui sa gratification. 

  Or cet acte d’adoration est simple, et même plus : il peut être constamment vécu, comme le recommande Jésus. Nous trouvons dans les Psaumes une magnifique comparaison : nous devons nous comporter envers Dieu comme le petit enfant couché sur le sein de sa mère. Il ne demande rien, il ne multiplie pas les paroles, il se tait dans la certitude vécue, éprouvée de se trouver entouré, aimé, comblé. En un sens il n’a rien à demander : il éprouve la tendresse de sa mère et il en jouit. Cela suffit. De même la vraie prière chrétienne est celle de l’adoration silencieuse, celle de l’enfant qui se tient contre sa mère. Et une telle prière n’a guère besoin de mots abondants, de démonstrations publiques retentissantes. Elle se vit en profondeur dans le silence et la confiance, à l’église ou dans la rue, dans le travail comme dans la solitude. 

  Une telle adoration peut être difficile à certains moments, voire impossible. Mais nous devons nous appuyer sur la communion des saints. Il est des hommes et des femmes, moines et moniales, dans l’Église dont toute la vocation consiste à adorer le Très-Haut et à prier pour les hommes. Donc pour nous. Y pensons-nous assez ? 

  Il y a plus : la seule adoration authentique est celle de l’Eucharistie. En elle ce n’est pas nous qui prions et chantons la gloire de Dieu. Mais c’est le Christ et son Esprit qui prient le Père. Ce n’est pas nous qui faisons l’Eucharistie, c’est elle qui nous fait. Ce n’est pas nous qui valons aux yeux de Dieu par notre prière, c’est la prière du Christ qui parle pour nous au Père et nous entraîne dans son adoration filiale, alors même que nous sommes distraits, abattus ou pris dans les joies de la vie, au point que c’est de nous d’abord que nous sommes préoccupés. Laissons-nous saisir par ce mouvement qui nous entraîne dans la louange paisible et joyeuse.

Abbé Frédéric Fermanel