Quels fruits pour quels engagements ?

1er mai 2022

Ce printemps encore et pour une dernière session, la Conférence des Evêques de France a invité des laïcs, engagés en paroisse sur la question de l’écologie intégrale, à accompagner leur évêque sur la journée et demie dédiée à ce sujet. Cette 5e session clôt le cycle sur l’écologie intégrale qui a débuté en 2019 par une introduction en forme d’état des lieux. Puis à Lourdes ou en visio-conférence pour cause de Covid, ont été abordés les thèmes de la consommation et de la production, depuis l’agriculture jusqu’aux déchets, et de la fraternité en novembre dernier. Pour le grand final, nos évêques accueillaient des représentants chrétiens protestants et orthodoxes : les orthodoxes ont 40 ans d’avance sur nous sur la transition écologique, tandis que les protestants se sont aussi emparés du sujet notamment avec la création et le lancement du label Eglise Verte.

Si les thèmes abordés sont forcément pour une part techniques et scientifiques (l’écologie est la science ayant pour objet les relations des êtres vivants à leur environnement ainsi qu’avec les autres êtres vivants), l’apport théologique n’a pas été oublié et la question de la fraternité irradiait les questionnements et projets.

Les laïcs présents ont pu échanger entre eux et présenter les actions initiées dans les diocèses de France. Une partie de la session a été consacrée à la relecture / élaboration de pistes d’actions concrètes et d’engagements pour les diocèses. L’attente était forte de la part des participants laïcs : que pouvons-nous faire pour agir ?

Nous, à qui Dieu a confié sa Création, sa Création pour qu’elle loue le nom du Seigneur, le seul au-dessus de tout nom :

(…) Louez-le, tous les univers.
Louez-le, soleil et lune, louez-le tous les astres de lumière ;
vous, cieux des cieux, louez-le,
et les eaux des hauteurs des cieux.
Qu’ils louent le nom du Seigneur :
sur son ordre ils furent créés ;
c’est lui qui les posa pour toujours
sous une loi qui ne passera pas.
Louez le Seigneur depuis la terre (…)
les montagnes et toutes les collines,
les arbres des vergers, tous les cèdres ;
les bêtes sauvages et tous les troupeaux,
le reptile et l’oiseau qui vole ; (...)

Avec un nombre de vertébrés sauvages divisé par deux entre 1970 et 2012 dans le monde, et une perte d’environ 80% des insectes volants en Europe sur la même période 1, elles ne sont plus si nombreuses les créatures qui furent créées par Dieu pour louer son nom. Et cette 6e extinction de masse des espèces remporte la palme : « la grande crise du Permien (-90% de biodiversité) a duré 200 000 ans, avec un épisode paroxystique de 20 000 ans. Notre époque réalise les mêmes « scores » en 100 ans. Il fallut 30 millions d’années pour reconstituer une biodiversité équivalente. » 1

Qu’est-ce qu’on attend ?

Les équipes de laïcs engagés sur cette question dans les diocèses de France parlent de projets qui essaiment, mais relèvent aussi la faiblesse de l’engagement de l’Eglise, et le (trop) peu d’exemplarité qu’elle porte. Ce sujet, au lieu d’être traité comme un nouvel effort, comme une autre activité colorée d’un brin de théologie, ce sujet devrait au contraire teinter toutes nos actions, reformuler tous nos projets, éclairer tous nos engagements, dans notre relation à Dieu, à nos contemporains connus et inconnus, à notre famille, à ceux qui arriveront après nous et nous reprocheront notre tiédeur.

Je crois que la sobriété recherchée dans la Foi, l’Espérance et la Charité est une sobriété porteuse de beaucoup de fruits, un témoignage chrétien d’une grande force agissante.

« Au fond, le plus utopique n’est pas de souhaiter vivre de manière plus simple, mais de croire qu’on pourra continuer impunément à vivre au-dessus de nos moyens »2.

Formulé autrement par le Pape Paul VI en 1967 dans Populorum Progressio :

« Nul n’est fondé à réserver à son usage exclusif ce qui passe son besoin quand les autres manquent du nécessaire ».

Et même si la recherche de la sobriété passe par des investissements plus importants que prévu à l’instant T, il n’est plus temps de reporter et d’économiser nos biens dans des greniers à blé : cette nuit même, Dieu pourrait nous redemander notre vie, et nous aurions conservé « au cas où », « puisqu’on peut faire moins cher », au lieu d’être riche en vue de Dieu, en servant nos frères, la Création et son nom, le seul qui est au-dessus de tout nom. 

Label église verte

Encore du vert, cela manque d’originalité... Le label église verte, malgré un nom peu emballant, est un bon outil créé pour accompagner les paroisses dans leur recherche de sobriété et de conversion à l’écologie intégrale. Il a le mérite de proposer des pistes d’actions sur tous les aspects de la vie de la paroisse : matériel bien sûr, mais aussi solidaire et liturgique. Le diagnostic permet de se situer par rapport aux efforts à accomplir, et parfois de réaliser… que nous sommes déjà en chemin !

Marie-Anne Molle

1 Cités dans La vie oubliée, crise d’extinction : agir avant que tout ne s’effondre, de M. et J. Herrmann

2 Gaultier Bès, membre de la rédaction de la revue Limite