Rembrandt, le retour de l’enfant prodigue (1667-1668)

27 mars 2022

Des proportions imposantes (2,62 m de haut, 2,05 m de large), une dimension intérieure qui révèle ce « quelqu’un en moi plus moi-même que moi. », selon l’expression de saint Augustin. Car ce que révèle ce tableau, ce n’est ni l’art, pourtant à son sommet de l’artiste, ni même l’artiste, qui s’est si souvent peint dans ses œuvres, mais quelque chose d’autre, qui échappe à l’analyse et qui parle au cœur.

Ils sont deux. Deux, le chiffre magique du tableau : deux hommes, le père et le fils ; deux mains, celles du père ; deux pieds, ceux du fils. Bien sûr, plus de la moitié de la toile est emplie de trois autres hommes, figures inutiles, qui ne sont là que pour accentuer l’intensité de la rencontre du père et du fils, de ces deux figures qui ne se regardent pas et dont les corps seuls se rencontrent.

Le fils, jeune encore, à la nuque rasée de bagnard, est lové au sein du père. Le père, tout voûté de tendresse, est penché sur ce fils à genoux, qu’il a cru perdu. Son vêtement ample et pourpre enveloppe le pauvre en haillons. Le père retient des deux mains le corps brisé de ce fils : la main gauche, puissante, protectrice, paternelle ; la main droite, longue, caressante, maternelle. Tout le corps du père semble s’être creusé dans l’attente, s’être usé de patience, et enfin, il tient dans ses bras cet homme éprouvé par une si longue errance. Le père l’a si longtemps attendu, le fils a si longtemps marché ! Ses chaussures n’ont pas résisté à la brûlure du chemin, il en a les talons meurtris.

Il revient de si loin. Il avait demandé sa part d’héritage à son père, raconte Jésus dans l’Evangile selon saint Luc, et il était parti dans un pays étranger, où il avait dilapidé son argent dans une vie de désordre. Ruiné, abandonné par ses amis, il avait dû garder des porcs, pour gagner le droit de manger plus mal qu’eux. Alors, « rentrant en lui-même, il se dit, combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! Je vais aller vers mon père, et je lui dirai : »Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils. traite moi comme un de tes ouvriers« . C’est cet homme qui revient comme un esclave, qui est accueilli en fils : »Comme il était encore loin, le père l’aperçut et fut pris de pitié. Il courut se jeter à son cou.« Et le père dit à ses serviteurs : »Mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.« Le fils revenait comme un vaincu, »Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils", et c’est en fils qu’il renaît dans les bras du père.

Ce retour est une nouvelle naissance. La tête de l’enfant s’appuie sur les entrailles du père qui lui rend la vie. Le vieil homme épuisé d’amour est tout à la fois la mère qui donne la vie, et le père qui nomme l’enfant « fils ». Tout l’art du peintre devant le mystère de tendresse et de miséricorde qui s’accomplit. Fallait-il que Rembrandt confessât par les mots ce que sa peinture donne si bien à voir ? Le sage Nicodème avait interrogé Jésus : « Comment un homme peut-il naître étant déjà vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? »Plus de mille six cents ans plus tard, au soir de sa vie, le vieux peintre hol-landais offre une réponse lumineuse. Pourquoi demander à l’artiste des raisons, quand son œuvre parle pour lui ?" (Le Livre des Merveilles, MAME, Plon)

 

Source du texte : http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2014/10/rembrandt-le-retour-de-l-enfant-prodigue.html

Source des images : Domaine public - Rembrandt Harmensz van Rijn - Return of the Prodigal Son - Google Art Project.jpg - Google Arts & Culture