« Renoncer à tous ses biens...porter sa croix »

4 septembre 2022

  Ces paroles de Jésus sont dures à entendre, et ce sont des paroles qu’il faut comprendre avec justesse – d’autant plus qu’elles ont donné lieu à des contresens graves, qui ont nourri bien des peurs de vivre, ou un goût morbide pour la souffrance. 

  Nous ne voyons chez Jésus aucune complaisance vis à vis de la souffrance. Quand il la rencontre autour de lui, il en est bouleversé, et la souffrance des hommes lui arrache, parfois comme de force, des miracles de guérison. Quant à sa souffrance à lui, Jésus n’a pas voulu la croix pour ce qu’elle comportait de souffrance. Il l’a acceptée, dans la peur et les larmes, car elle était la conséquence, à laquelle il ne pouvait se dérober, de ce qu’il avait dit et fait, c’est à dire de la Mission que le Père lui avait confiée. 

  Le renoncement dont Jésus nous parle est toujours renoncement à des biens, à des choses bonnes : aimer les siens, proches ou lointains, et, ce qui est souvent plus difficile, s’aimer sainement soi-même. Bien entendu Jésus ne nous demande pas de mépriser ce à quoi nous renonçons. Ce qu’il nous demande, c’est de préférer à tout le Royaume, et le Seigneur de ce Royaume. Pas plus qu’il n’est demandé à un homme de haïr son père ou sa mère, alors qu’il lui est formellement demandé de les quitter pour l’amour préférentiel d’une femme. 

  Jésus nous dit ici que ce qui fait le disciple, c’est de porter sa croix à sa suite. Écoutons-le bien : il ne nous demande pas de porter toutes les croix, ni la sienne, mais de porter la nôtre. Nous savons bien qu’il n’y a pas de vie humaine sans croix, c’est à dire sans souffrance, sans deuil, sans rupture, sans douleur et sans tristesse – pour ne rien dire de l’insondable misère du monde dont les échos nous parviennent chaque jour. 

  Alors, porter sa croix, c’est d’abord consentir à ce qui arrive, à l’événement imprévu, à ce que nous n’avons pas choisi, au poids plus ou moins lourd de notre héritage, à ce qu’il y a de douloureux dans nos vies et à quoi nous ne pouvons rien. C’est aussi consentir d’avance à ce qui peut arriver si du moins on a accepté de ne pas tout maîtriser et de vivre exposé et non replié frileusement sur soi, à plus forte raison quand on a choisi de risquer sa vie inconditionnellement sur la parole du Christ, c’est à dire de la donner, comme lui.

Abbé Frédéric Fermanel