Saisi de compassion, il s’approcha.

1er novembre 2021

Nos évêques se retrouvent pour leur Assemblée plénière à Lourdes, cette première semaine de novembre. Une semaine de travail et d’échanges (prions pour eux !) dont la première journée et demi, consacrée à l’écologie intégrale, est ouverte depuis 2019 aux laïcs invités par leurs évêques. Entre conférences et ateliers, ces laïcs en mission et leurs évêques découvrent, partagent, s’inspirent, s’interrogent, prient un peu aussi, et chacun différemment, sont peut-être convertis. Car il n’est question que de conversion : la charité et le soin de notre prochain mènent au Fils, qui mène au Père. Nous aurons beau lire tous les chiffres du GIEC, les rapports des associations œuvrant sur le terrain (ils sont nombreux), l’appel des Papes dans Populorum Progressio, Caritas in veritate, Laudato Si (pour ne citer qu’eux), si nous ne nous convertissons pas, nous ne porterons pas de fruit.

« Va, et toi aussi, fais de même »

Il ne faudrait pas croire que cette conversion est de l’ordre du coup de foudre : rien à faire de particulier, ne changeons rien surtout, jusqu’à ce que cela nous tombe dessus par hasard au rayon pâtisserie. Ou bien croire que la conversion à l’écologie intégrale est réservée aux saints en puissance : pas la peine d’y aller si ce n’est pas pour sauver au moins la Méditerranée, tous les poissons qui y nagent, les nageurs qui s’y baignent, et les marins qui y naviguent. J’ai oublié les oursins.

Mais non, c’est vous et moi et celui qui est à côté de nous, que le Christ est venu chercher, et à qui il a dit, un certain soir : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,12). Vaste programme ! Qui est à la mesure du Père et du Fils, c’est à dire capable de nous rejoindre dans notre quotidien, dans chaque instant de notre présent. Le bon Samaritain (Luc 10, 30-37) n’a rien fait d’autre que le trajet nécessaire ce jour-là pour rencontrer son prochain. Il « était en route », en chemin : quoi de plus banal, de plus quotidien ? Et l’inconnu blessé est devenu son prochain parce que le Samaritain, pris de compassion, s’est approché, s’est mis en mouvement vers lui. Peut-être a-t-il été obligé de descendre dans le bas-côté où les bandits avaient laissé leur victime, de fouler les ronces et les orties, peu importe finalement. Il n’a pas eu besoin d’être un surhomme, d’attendre d’être en meilleure condition, d’avoir plus de moyens - Ce serait d’ailleurs intéressant de savoir quelle somme représente deux pièces d’argent pour le niveau de vie de l’époque. Quelqu’un s’est sûrement déjà penché sur la question, et la comparaison avec les trente pièces d’argent ou les deux pièces de bronze peut donner une idée.

Le Samaritain s’est approché de cet inconnu, il a fait ce qu’il a pu avec les moyens en sa possession, puis il l’a confié à quelqu’un qui pourrait s’en occuper, mieux ou plus longtemps. Qu’y a-t-il ici que nous ne pourrions faire nous-même ? Aller à la rencontre de ceux que nous croisons là où nous sommes, avec les moyens que nous avons, et pourquoi pas, si nous ne pouvons agir nous-même, les confier à d’autres personnes par le biais des associations d’Eglise qui œuvrent déjà avec force, Foi et Charité ?
Saint John Henry Newman le résume assez bien :

« Pour chercher la perfection, vous n’avez pas besoin de sortir du cercle du quotidien. »

Mondialisation oblige, le cercle de notre quotidien a aujourd’hui un impact sur nos Frères lointains, nos actes ici ont des conséquences sur la Création là-bas. Mais cet élargissement de l’amplitude de nos gestes, cet agrandissement de nos chemins, dilate aussi le champ de notre Charité et les lieux où vivre en Frères dans le Christ.

« Les frères où qu’ils soient, où qu’ils se rencontrent, se montreront les uns aux autres qu’ils sont de la même famille. En toute confiance, ils se feront connaître l’un à l’autre leurs besoins : car si une mère nourrit et chérit son fils selon la chair, avec combien plus d’affection chacun ne doit-il pas aimer et nourrir son frère selon l’esprit ! »
« La Terre des vivants, la Terre promise se trouve là où fleurit cette qualité de relation humaine. Car là est l’Esprit du Seigneur ».1

1 Saint François d’Assise et Eloi Leclerc

Marie-Anne MOLLE