Sauver mon âme

12 mars 2023

« Je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver ! » chantait le cantique composé par le chanoine Besnier (1898-1984. S’il fut un peu caricaturé, ce cantique évoque pourtant des points importants et essentiels. Pour la sauver, encore faut-il savoir ce qu’est l’âme, et quelles sont les modalités possibles du salut. Nous saurons alors prendre les moyens et les armes du salut, ayant bien conscience que nous ne sommes et ne devons jamais êtres seuls dans cette œuvre de Salut.

L’âme pourrait être définie comme notre capacité d’aimer et d’être aimé, qui dépasse et transcende nos possibilités physiques, intellectuelles, financières et même notre statut social. Comme l’enseigne la Révélation, dans le livre de la Genèse, Dieu a créé l’homme à son image et ressemblance, « à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa ». Ce n’est pas l’homme ou la femme qui sont créés chacun à l’image de Dieu, mais les deux, ensemble, dans leur capacité de liberté, de connaître, de choisir, d’aimer et d’être aimés. Ils sont créés corps et âme. L’union de l’âme et du corps est toujours en tension entre le matériel et le spirituel, le mortel et l’immortel, le sensible et l’intellectuel, et cependant l’homme, l’être humain qui est corps et âme, ne peut jamais être réduit à l’un ou à l’autre. A la Résurrection, Marie-Madeleine au tombeau, tout en pleurs, discute avec celui qu’elle prend pour le jardinier, et qui n’est autre que Notre Seigneur Jésus. Elle ne reconnaît ni son apparence, ni sa voix, et cependant, lorsqu’il l’appelle par son prénom et lui dit « Marie », là, elle le reconnaît. Ce ne sont ni ses yeux, ni ses oreilles qui le reconnaissent, mais son cœur qui reconnaît Celui que ses yeux avaient vu, Celui que ses oreilles avaient entendu. A la Résurrection se manifeste combien désormais, le corps de Notre Seigneur ne voile plus l’âme, mais l’âme de Notre Seigneur se manifeste pleinement.

Trois modalités du salut sont possibles. La voie héroïque, celle du martyr, fut la première à se présenter aux premiers chrétiens, en particulier saint Jean-Baptiste et saint Etienne, par laquelle, prenant leur croix, ils ont suivi le Christ, fidèlement : « tout rempli de l’Esprit-Saint, il fixa son regard vers le ciel ; il vit alors la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu ». L’autre voie est celle de la vertu, parce que si nous ne sommes pas nécessairement appelés au martyr, c’est-à-dire à donner notre vie et verser notre sang, en revanche, le témoignage de la multitude des saints nous encourage à mener le combat par la fidélité et la constance de nos vies. Le Carême, précisément, nous aide à mettre à l’épreuve nos choix, nos habitudes, nos vertus, pour qu’en toute chose, nous soyons attentifs à prendre notre croix et à nous mettre à la suite du Christ. Enfin, une autre modalité du Salut est possible et qui surpasse les autres, parce qu’en fait, elle les contient et les porte, c’est la voie de la miséricorde. Cette voix de la miséricorde est celle du Bon Larron. Il reconnaît sa faute devant les hommes et leur justice, acceptant sa peine ; il avoue son péché devant Dieu en affirmant sa crainte de Dieu ; dans une prière, il exprime son attachement et son amour pour le Seigneur Jésus, confesse sa foi dans le règne et la puissance de Dieu, il proclame son espérance du salut et la Vie éternelle. Et le Seigneur de lui répondre « aujourd’hui, avec moi, tu seras au Paradis ! ». Ni héroïsme du martyr, ni la vertu et la constance de l’homme de bien, mais seulement la miséricorde.

Les armes pour mener ce combat du Salut sont donnés par saint Paul s’adressant aux chrétiens d’Ephèse (cf. Ep. 6, 10-18), les exhortant à revêtir : « l’armure de Dieu pour pouvoir résister aux manœuvres du diable » et « être puissant dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force ». Pour cela, il faut avoir « la vérité pour ceinture, la justice pour cuirasse, pour chaussures le zèle à propager l’Evangile de la Paix », avec « en main le bouclier de la foi » et « le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu ».

Sauver son âme, est une entreprise que nous ne pouvons et ne devons jamais mener seuls, de manière isolée, voire égoïstement. En premier lieu, ce Salut, comme cela nous a été rappelé dans la prédication de Carême la semaine dernière, c’est l’Eglise, Peuple de Dieu, qui en est l’instrument et le sacrement ; l’Eglise en témoigne, en vit, le transmet et le donne, en particulier par les sacrements. Ce Salut est l’œuvre de la grâce. Par la grâce, Dieu se donne à nous, par amour, à notre mesure. Lorsque Dieu donne, ce qu’Il donne, c’est Lui-même, totalement, parfaitement, gratuitement. Ce n’est pas un peu ou un morceau, mais tout Dieu. Toutefois, chacun de nous ne peut le recevoir qu’à la mesure de ce qu’il est et de ses limites, mais à chaque instant, à chaque étape de notre vie, en toute circonstance, cette grâce nous est donnée. Par ce don, la Victoire nous est donnée, mais chacun de nous doit mener le combat qui lui permet de s’approprier cette victoire. Enfin, nous recevons et vivons ce salut dans la communion des saints, qui n’est rien d’autre que la réalité mystique de l’Eglise dans ses trois dimensions : en ce temps, qui chemin dans le combat de la foi ; après cette vie, mais encore marquée par le poids des péchés, qui espère le Salut dans la purification par l’Amour ; dans l’éternité, triomphante par la Gloire de Dieu. Dans cette communion, le bien acquis par chacun profite à tout le Corps de l’Eglise.

Abbé Bruno Gerthoux, curé de Montfavet