Tempête dans un verre d’eau

29 janvier 2023

Les disciples, à l’invitation du Seigneur à passer « sur l’autre rive », prenant leur barque, emmenèrent Jésus « comme il était ». C’est alors qu’ils furent confrontés à une violente tempête qui ébranla leur confiance et les firent se tourner vers le Seigneur qui semblait dormir, lui reprochant de ne rien faire. Or, celui-ci, menaçant le vent et la mer, dit « silence ! tais-toi ! », « le vent tomba, et il se fit un grand calme ». (cf. Marc 3, 35-41)

Les disciples, en effet, eurent peur. La violente tempête qui se déchaina, malmenant leur frêle esquif, leur annonçait une mort certaine. De quoi eurent-ils peur ? Quoiqu’étant, pour plusieurs, des pécheurs habitués à la navigation, à la mer et ses dangers, ils étaient démunis et impuissants. Leur barque est fragile et vulnérable, leurs compétences techniques de pécheurs ne servent à rien, ils sont impuissants face à la mer déchaînée et au vent violent. Au fond, ce qui leur fait peur, c’est leur propre impuissance, leur incapacité, leur désarroi.

De de telles tempêtes, nous pouvons nous aussi en connaître ; ces tempêtes qui nous laissent dans le désarroi face à une situation qui nous échappe et nous dépasse, face à la douleur, la souffrance et la mort – la nôtre ou celle de nos proches -, face aux épreuves, injustices et conflits qui rythment et agitent notre quotidien. Il nous arrive ainsi de nous inquiéter, d’être saisis par l’angoisse et la peur, parce que nous nous retrouvons seuls, impuissants, sans recours. Ne nous est-il pas arrivé, l’une ou l’autre fois, de nous tourner nous aussi vers le Seigneur, dans une forme de prière où par des reproches nous l’interpellons et l’accusons : « Maître ! nous sommes perdus ! Cela ne te fait rien » ?

Le Seigneur dormirait-il, indifférent aux épreuves, peurs et souffrances de ses disciples ? C’est ce que semble penser ces derniers, en le lui reprochant avec énergie. Ils ne peuvent rien contre le vent et la mer, alors ils s’en prennent au Seigneur ! Evidemment ! Or, précisément, à ce moment-là, le Seigneur se relevant, fait taire la mer et le vent. Est-ce le Seigneur qui dormait ou bien leurs cœurs qui étaient eux-mêmes endormis, engourdis et paralysés par leurs certitudes, la confiance en leurs compétences, leur assurance de maîtriser toute chose et de n’avoir besoin de rien ni de personne ? Ce n’est pas le Seigneur qui se réveille enfin, mais leurs cœurs qui, enfin, donnent sa place au Seigneur dans leurs cœurs et dans leurs vies.

La preuve ? Le Seigneur leur demande « N’avez-vous pas encore la foi ? ». Nous devons avoir peur, non pas des épreuves et du mal, mais des certitudes qui nous font penser que nous n’avons besoin de rien ni de personne. Et lorsque nous vivons ces tempêtes dans le verre d’eau de nos vies, lorsqu’alors nous sommes saisis par la peur, cela devrait retentir comme un signal, celui qui nous permet d’ouvrir nos cœurs à la présence, à l’amour et à la grâce de Dieu qui par sa parole peut apaiser la mer et les vents. Le Seigneur n’est pas absent, mais trop souvent, nous ne lui laissons pas sa place.

Comme dans la barque, le Seigneur est présent, aujourd’hui, par sa grâce, il est toujours là. Toutefois, parce que ses disciples n’accueillent pas cette grâce, ici et maintenant, parce que leur cœur n’y consent pas, Il semble dormir. Il suffit, même dans un cri de souffrance et d’angoisse, qu’ils lui ouvrent leur cœur, pour que par sa Parole, il calme la tempête. « Que m’importe-t-il que la volonté de Dieu me soit présentée en la tribulation ou en la consolation, puisqu’en l’une et l’autre, je ne veux ni ne cherche que la volonté divine ? », écrivait saint François de Sales.

Abbé Bruno Gerthoux, curé de Montfavet