Traditions de Noël en Provence

22 décembre 2022

NOËL EN PROVENCE

En Provence les traditions calendales (traditions de Noël) commencent avec la fête de la ste Barbe et s’achèvent avec la chandeleur.

La Sainte Barbe

Planter le blé de la Sainte Barbe, 20 jours avant Noël, soit le jour de la Sainte-Barbara, reste une des traditions calendales les plus suivies en Provence. Cette tradition nous vient de l’époque romaine, et la légende indique que si la germination se fait bien et si le blé est vert, la prochaine moisson sera abondante. Mais d’où vient cette tradition ?

Sainte Barbe était la fille de Dioscore. Belle et jeune, elle était jadis très courtisée en Provence.

Seulement, au grand dam de son père, elle préféra se consacrer à Dieu qu’aux hommes. Dioscore la fit enfermer dans une tour uniquement éclairée par deux fenêtres, où elle réussit tout de même à recevoir un enseignement chrétien, et à se faire baptiser. Apprenant cela, son père la menaça de son épée, mais elle réussit à s’enfuir et se réfugia dans le creux d’un rocher qui, selon la légende, s’entrouvrit pour lui donner asile. Mais elle fut dénoncée par un berger qui reçu comme punition la transformation de son troupeau de moutons en sauterelles. Elle se retrouva alors emprisonnée et dû renoncer au christianisme et épouser un païen. Ne voulant pas renier Dieu, Barbe fut victime de nombreuses tortures, et finalement, son père lui trancha la gorge avec ses propres mains. Dioscore fut alors frappé par la foudre, tel fut le châtiment céleste. Ste Barbe est la sainte patronne des pompiers.

Afin de ne jamais oublier Sainte Barbe, les provençaux plantent du blé dans 3 coupelles, le jour de la Sainte Barbe (transformée par l’église en 1969 en Sainte Barbara), le 4 décembre. C’est là le début réel des fêtes calendales (de Noël) en Provence. La tradition veut que si le blé est bien germé le 25 décembre, la moisson suivante sera bonne. On dit également à cette occasion : « Quand lou blad vèn bèn, tout vèn bèn ! »

Le houx et le gui :

Le 13 décembre, à la sainte Luce, il faudra aller cueillir le houx et le gui pour en décorer la maison ou à défaut aller en acheter.

En Provence, le houx est le plus souvent remplacé par du houx fragon (ou petit-houx) qui décore la maison grâce à ses boules rouges. Il était placé autrefois dans la maison pour conjurer le mauvais sort. Aujourd’hui il est simplement mis en place pour décorer.

Vous suspendrez votre bouquet de gui au dessus de la porte d’entrée pour attirer la paix dans votre maison. Les Druides pensaient en effet que le gui avait un pouvoir miraculeux.

« A la Sainte-Luce, les jours s’allongent d’un saut de puce », dit le proverbe. Ce n’est pas tout à fait exact. Les jours ne se mettront à rallonger qu’à partir du solstice d’hiver.

La crèche :

C’est un moment important de la vie familiale en Provence où les santons se transmettent de père en fils.

La crèche est une « mangeoire en forme de caisse plus ou moins longue et montée sur pied, qui, éventuellement, pourrait servir de lit ».

Il semble que la crèche de Noël soit fort ancienne ; on accorde son invention à Saint François d’Assise qui fit représenter dans une étable abandonnée le jeu de la Nativité par des personnages et des animaux vivants.

Avec la Révolution, l’usage naquit de faire une crèche de Noël dans chaque foyer.

La crèche authentique est en fait une représentation idéale du village provençal où chacun a sa place y compris les animaux domestiques ; le décor est une projection, en 2 parties, de la vie communautaire avec ses maisons, son puits, son four, l’eau du moulin, la neige, les pins, les oliviers et... le ciel illuminé. Et puis, une étable avec l’enfant Jésus, la vierge Marie, Joseph, l’âne et le boeuf, l’étoile à queue de comète qui guidera plus tard les rois mages, et la foule qui vient leur rendre visite.

Dans la crèche provençale on retrouve certains personnages typiques en plus de la Vierge, Jésus, Joseph, les mages et les bergers comme :

• l’ange Boufareù et sa trompette

• Mireille et Vincent

• Rustido (le père de Mireille)

• l’aveugle

• le boumian

• le ravi

• le meunier

• Pistachié

Le cacho-fio

Dans les chaumières provençales, une des plus vieilles traditions était le cacho-fio. Nos aïeuls disant même : bouta cacho-fio, soit bouter le feu à la bûche. Cette cérémonie, aujourd’hui de moins en moins pratiquée, a lieu devant la cheminé du séjour, juste avant le Gros Souper le jour du réveillon de Noël.

Lors de cette cérémonie, le plus âgé emmène le caganis (le plus jeune) choisir, dans la réserve de bois, la plus grosse bûche, celle qui est susceptible de se consumer la plus grande partie de la nuit possible. Cette bûche se doit d’être, traditionnellement, issue d’arbre fruitier telle qu’une bûche d’olivier, de cerisier, d’amandier... La bûche choisie devait avoir un an et brûler durant trois jours et trois nuits.

Toute l’assemblée doit alors faire trois fois (symbole de la Trinité) le tour de la table, elle même recouverte des trois nappes. Le plus jeune arrose de vin cuit la bûche à l’aide d’un rameau trempé dans un verre, tandis que l’aïeul prononce les paroles de bénédiction, en provençal :

Cacho-fiò

Bouto-fiò

Alègre, alègre

Dièu nous alègre

Calèndo vèn, tout bèn vèn

Dièu nous fague la gràci de veire l’an que vèn

E se noun sian pas mai, que noun fuguen pas mens

Qui se traduit par :

Bûche de Noël,

Donne le feu

Réjouissons nous

Dieu nous donne la joie

Noël vient, tout vient bien

Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient

Et si nous ne se sommes pas plus

Que nous ne soyons pas moins

Autrefois, on tirait présage de la façon dont la bûche s’enflammait. Elle devait la faire durer jusqu’au jour des Rois, jour de l’épiphanie. Le fait de déposer ensuite un fragment de bûche sous le lit devait protéger la maison contre le tonnerre et les incendies.

Le Gros Souper

ou Gros Soupa en provençal, est le repas typique provençal du Réveillon de Noël, c’est le plus important de l’année en Provence.

• La table est dressée sur 3 nappes blanches, posées les unes sur les autres, rappelant la Sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint Esprit.

• Un chandelier composé de 3 bougies éclaire la table, symbolisant les 3 temps : le Passé, en souvenir de nos proches décédés, le Présent, en témoignage de fidélité aux amis et parents, et le Futur, dans l’espérance des enfants à naître.

• On dispose aussi 3 écuelles de blé de la Sainte-Barbe qui rappelle de nouveau la Sainte Trinité, ainsi que l’Espérance.

• On pose également sur la table si on l’a une rose de Jéricho.La Rose de Jéricho ou rose de Marie fleurit pour la première fois à la naissance de Jésus, se referma à la crucifixion et se rouvrit le jour de la résurrection. C’est du moins ce qu’affirme la légende.
Le nom de Rose de Jéricho nous fait penser à cette ville qui renaissait sans cesse de ses cendres. C’est en fait grâce à ses propriétés que la Rose de Jéricho a été conservée comme porte bonheur qui se transmettait dans les familles sur plusieurs générations au Moyen Age. On la garde« vivante » jusqu’au 1er janvier. Et puis, on la refait sécher et elle est « rangée » jusqu’au prochain Noël.

• La table se pare également des plus beaux services. On ajoutera au nombre de convives la place du pauvre qui peut être expliquée de deux façons différentes : le pauvre étant celui qui frappe à la porte et n’a rien à manger mais en Provence le pauvre est aussi celui qui est décédé. Cette assiette peut symboliser la mémoire d’un proche disparu récemment.

• On disposera également sur la nappe 13 petits pains représentant le Christ et ses apôtres ou un pain coupé en trois

Le Gros Souper est servit après le Cacho-Fio, et avant la messe de minuit.

Paradoxalement, le Gros Souper est composé de 7 plats maigres, en souvenir des 7 douleurs de la Vierge Marie. Ce nom de Gros Souper évoque pourtant un repas copieux, mais il faut se rendre compte qu’il l’était auparavant en comparaison au reste des repas ordinaires de l’année. Il s’agit ainsi d’un repas maigre par la simplicité de ses plats et sans viande, mais copieux par le nombre de plats proposés. Ce repas est chargé de symboles, et fait partie intégrante de la veillée de Noël. La symbolique des chiffres n’est pas laissée au hasard :

le 3 représente la Trinité

le 7 représente les 7 douleurs de Marie,

1. La prophétie du saint vieillard Siméon.
2. La fuite en Egypte.
3. La disparition de Jésus au Temple pendant trois jours.
4. La rencontre de Jésus portant Sa croix et montant au Calvaire.
5. Marie debout au pied de la croix.
6. La descente de Jésus de la croix et la remise à Sa Mère.
7. L’ensevelissement de Jésus dans le sépulcre.

(ou suivant les coins de Provence les 7 sacrements ou les 7 plaies du Christ).

le 13 desserts représentants le Christ et les 12 apôtres.

Ces plats maigres sont généralement composés de légumes, et d’autres denrées que l’on possédait à la maison. On note ainsi qu’il y avait une certaine disparité des plats selon les régions.

Dans le Comtat Venaissin dont la capitale est Carpentras on trouve :

• la soupe de lasagnes

• le gratin de cardes aux anchois

• le tian d’épinards

• les artichauds

• la morue

• les escargots que l’on doit manger avec des épines d’acacia pour symboliser la couronne d’épine du Christ.

• La salade de pissenlits dont les feuilles frisées représentent les boucles de l’enfant Jésus.

Les légumes cités ici comme les artichauts peuvent être remplacés par d’autres en fonction des habitudes de chaque famille ou village.

Le repas se termine par les 13 desserts, seuls mets servis en abondance.

• la représentation des ordres religieux, les 4 mendiants (li pachichoi) : leur couleur sombre

rappelant celle des robes des ordres des mendiants :

- les noix ou noisettes représentent l’ordre des Augustins,

- les amandes celui des Carmes,

- les figues sèches, celui des Franciscains,

- les raisins secs symbolisent l’ordre des Dominicains.

• Le nougat noir, représentant les pénitents noir

• le nougat blanc, les pénitents blancs

• les dates, dont le petit rond sur le noyau représente la bouche de l’enfant Jésus qui après les avoir goûté aurait dit : « Ô ! Que c’est bon ! »

• la pâte de coing,

• les oranges,

• le raisin blanc d’hiver,

• les fruits confits ou fruits de saison,

• le gégéri ou meraviho en confitures,

• la panade, typique au Comtat Venaissin remplacée par la pompe à huile à Marseille et dans le reste de la Provence qui doit se rompre à la main et non se couper au couteau ce qui apporterait la ruine sur l’année suivante.

On sert avec du vin cuit symbole du sang du christ.

Selon la tradition, tous les plats doivent être disposés sur la table au début du repas, y compris les 13 desserts.

Enfin, il est de coutume de ne pas desservir, mais simplement de relever les coins de la nappe de dessus, afin de permettre aux âmes des morts et aux petits anges de venir se restaurer ! Attention si on laisse un pan de la nappe trainer parterre c’est le diable qui montera manger des enfers !

L’Epiphanie

L’Epiphanie symbolise l’arrivée des rois mages, Melchior, Gaspard et Balthazar, à l’étable où est né

l’Enfant Jésus. Ils suivirent l’étoile du Berger qui les guida jusqu’à Bethléem, en Galilée. Ils

s’agenouillèrent devant Jésus et lui offrirent leurs présents.

De nos jours on célèbre l’arrivée des rois mages par le gâteau des rois. En Provence, il s’agit d’une brioche parsemée de fruits confits et de sucre. On dispose à l’intérieur du gâteau une fève et un santon. La personne qui trouve la fève devient le roi et celle qui obtient le santon est alors son sujet.

La chandeleur

Les traditions de Noël en Provence prennent fin avec la Chandeleur, c’est à ce moment là que les crèches sont retirées des maisons.

La Chandeleur célèbre la présentation de Jésus au temple. En Provence, la tradition veut que l’on aille faire bénir une chandelle et l’on doit rentrer dans nos maisons sans que celle-ci ne s’éteigne,

sinon c’est un signe de mauvais présage. Ensuite, c’est le moment des crêpes ; lors de la réalisation de la première crêpe, on tient dans l’une de ses mains une pièce et dans l’autre on fait sauter la crêpe.

On place alors la pièce à l’intérieur de la crêpe que l’on enroule et garde jusqu’à l’an prochain. La crêpe de l’année passée est jetée et la pièce donnée à un pauvre.