Après 65 années de présence dans le diocèse d’Avignon, et bientôt 13 ans à la basilique métropolitaine, je vais me retirer dans un cadre où je retrouverai ma famille et les tombes des miens. Je remercie de tout cœur, M^gr Fonlupt et M^gr Nault qui ont accepté cela. Et si je prends la parole, le cœur rempli d’émotion, c’est pour reconnaitre l’œuvre de Dieu et lui rendre grâce, avec vous et pour vous.

La vocation sacerdotale est un choix de Dieu. Elle manifeste en même temps sa fidélité à soutenir celui qu’il a choisi. Il est le chemin, en même temps que Celui qui enseigne sur le chemin. Je peux dire par expérience que la vie sacerdotale est à un titre particulier un grand chemin ou Dieu ne cesse de nous rejoindre. J’ai conscience de ses prévenances dans ce qu’il a construit en moi pour vous et à travers vous. La recherche d’union à Lui, produit une constance que nous serions incapables de trouver seul. Au fond, j’arrive à dire que Dieu croit en nous, bien plus que nous croyons en Lui.

J’ai été marqué par le témoignage de la vie fraternelle, concrétisé ici par la présence de mes frères prêtres. J’évoque avec émotion le chanoine Goffard qui m’a baptisé sur la terre africaine des saints Jacques et Marien et qui repose par je ne sais quel mystère, dans le caveau des prêtres d’Avignon. M^gr Urtasun qui m’a confirmé, M^gr Polge qui a suivi mes premiers pas vers le sacerdoce. Et avec un respect de vénération, M^gr Bouchex qui m’a ordonné. Ils reposent en cette métropole. Le chanoine Rieu qui avait tant de dévotion aux saints d’Orange : saint Eutrope, saint Florent, les 32 bienheureuses martyres. Le père Escalier, le chanoine Roux… tant et tant d’autres, parmi lesquels se distingue M^gr Reyne. Avec lui, nous avons beaucoup écrit sur l’histoire du diocèse. Je n’oublierai jamais les facilités qu’il me donnait pour aller travailler aux archives départementales voisines, la bibliothèque Ceccano. Ce qui aurait pu n’être qu’une détente, il m’apprit à en faire un instrument pastoral. Œuvrer dans une Église qui associe toujours Foi et Culture, dont le service de sociétés savantes, comme la chère Académie de Vaucluse, les archives ou le musée d’Orange, seront l’emblème. Savoir regarder les choses de la vie, par des références immédiates à l’intelligence, au bien, au beau, à la vérité, à la foi. Enrichir sans complexe et fortifier le présent par l’enracinement dans l’Histoire. Il m’a montré comment tout rapporter à Dieu et je lui dois l’amour profond pour la sur-adorable Trinité et l’humanité de Jésus.

Les épreuves n’ont pas manqué comme l’incendie de l’église de Valréas, le drame de Vaison qui faillit m’emporter, les inondations de la Barthelasse, la contrainte de choix pastoraux douloureux des dernières décennies. Ce ne sont pas là, raisons pour perdre la joie du sacerdoce. Cette joie ne vient pas d’un statut temporel, de succès apparents et quantifiés. Non elle vient d’un constat du travail de la grâce dans les actes du ministère au service des fidèles et leurs fruits dans le prêtre lui-même. La transformation secrète du cœur et de la volonté que Dieu investit peu à peu sur le chemin du quotidien. La force aussi qu’il donne devant les critiques. Avec constance, je me suis inscrit dans un classicisme pastoral ou pour dire la chose plus simplement, j’ai voulu avec mes moyens faire au mieux ce que l’Église demande. Cela m’a conduit à accepter la voie du sacrifice et de l’humilité, cette vérité sur soi-même, pour laisser agir le Seigneur dans la véritable fécondité sacerdotale. Vouloir suivre le Seigneur envers et contre tout, le donner à tous. Imiter Jésus et transmettre la joie de la visitation à tous ceux et celles qui se rencontrent sur le chemin du ministère. Vous en êtes tous ici, les preuves vivantes. Oui ! Je pense à ces milliers de rencontres personnelles et en groupe, les baptêmes, mariages, funérailles, moments privilégiés d’accompagnement des familles dans la joie ou la peine, la réflexion synodale, les partages de l’Écriture. Que de beaux visages et de noms aimés que mon cœur gardera jusqu’à ma fin corporelle : mes parents et tout ce que la rude vie militaire nous a enseigné. M^me Rassat, M^lle Coste, M^me Aubanel, M^me Fournier, M^me Dalon, M^me Carré, M^me d’Alauzier… et tant d’autres. Et puis ce que j’ai vécu ici avec la communauté des sœurs de l’Incarnation, avec les fidèles qu’affectueusement je pare du titre de « Métropolitains », vous qui êtes là et en ce lieu de réputation mondiale, les milliers d’anonymes, visages rencontrés au hasard des jours, cœurs ouverts à la grâce ou chercheurs de vérité, dans l’espérance de nous revoir à la table du Ciel.

C’est mon Adieu, mais c’est surtout, devant Jésus, mon merci pour vous tous, car vous m’avez donné de répondre à ce que l’Église attend de ses prêtres : instruire des vérités de la foi, veiller à ce que l’Eucharistie soit le centre de la vie de la communauté, prier, faire prier, favoriser l’entraide et la justice, visiter le Christ dans les malades, soutenir les familles et accompagner les petits dans une vraie paternité spirituelle. J’avoue, que je rencontre là, dans ces petits, un arrachement de cœur particulièrement sensible.

Qu’ils soient déjà au ciel, ou sur la terre, présents ici même, à Paris ou ailleurs, ces laïcs m’ont appris à regarder l’Église dans tout son mystère sans m’arrêter à ses faiblesses internes. Je suis touché par ce qui a été fait avec ces précieux collaborateurs, dans la simplicité, l’esprit de service gratuit des hommes en ce temps qui est le nôtre, le tout enrichi d’humour et de délicatesse humaine. Et là, que me soit pardonné ce qui aurait pu manquer ou blesser de ma part et que je n’aurais pas voulu.

Il m’a été donné, au sein de la Commission Diocésaine d’Art Sacré, de la Conservation des trésors ou comme custode des reliques du diocèse, de travailler en collaboration avec les responsables des services de l’État, conservateurs, architectes des bâtiments de France ou de la ville, ingénieur du patrimoine, dont je salue la présence avec un respect de reconnaissance, des municipalités, du département, les artisans, les restaurateurs qui m’ont passionné dans leurs compétences. Mon attente pleine d’espérance en ce domaine, est la nomination future par notre archevêque de la conservatrice des trésors du diocèse d’Avignon et la perspective de la restauration des chapelles nord et du trésor par les services de l’État. Par le patrimoine qu’elle a suscité au long des siècles, l’Église a une mission particulière de témoignage. Elle apporte humblement mais résolument la part qui est la sienne dans la construction d’un mieux vivre, d’un mieux être, au cœur de la vie des hommes. Elle l’a fait dans le passé. Le contexte social et moral actuel n’en souligne que mieux la nécessité et l’urgence aujourd’hui. Orienter les êtres par le regard qui s’élève afin que chacun perçoive, même rapidement la richesse de la vie en Dieu exprimée dans l’histoire, les arts sous toutes leurs formes, la musique instrumentale et vocale, le trésor de la tradition spirituelle, celui de la culture provençale avec les confréries ou le Ban des vendanges. Voilà qui conforte la perception de notre propre mystère.

Je vous remercie d’avoir été là, sans oublier ceux qui n’ont pu venir. Mon regard se porte sur vous tous, souhaitant à chacun le développement de ses capacités d’ajustement à Dieu : « Haut les cœurs, haut les âmes. » Voilà la base solide qui est mienne jusqu’à aujourd’hui sur la terre vauclusienne, et demain, dans un avenir qui se réouvre, sur les baous ou collines de Vence.

« Diligo te, Domine, fortitudo mea, firmamentum meum » (Ps 17)
Je t’aime Seigneur et je les aime tous en Toi. Regarde-les et garde les, autour de celui qui prend le relai à Notre Dame des Doms, le père Frédéric Beau.