Nous sommes habitués, à la fin de chaque année fiscale de faire le bilan financier des douze derniers mois. L’évangile d’aujourd’hui nous propose de faire le bilan de notre christianisme au cours de l’année liturgique qui se termine. Ce bilan se fait à partir de ce que le Seigneur appelle « sa loi nouvelle » : « Les gens sauront que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres ». Et l’évangile nous aide à concrétiser ce commandement nouveau, en nous rappelant ce que nous avons fait ou omis de faire : « J’avais faim, vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, etc »
Le calcul est simple. On croyait peut-être que le jugement porterait sur des actions d’éclats, des faits d’héroïsme et de grande sainteté, des comportements de conduite morale et religieuse. On y jugerait les péchés les plus graves et les actions les plus mauvaises ! En fait, il s’agit de gestes de tous les jours, de gestes que font les parents pour leurs enfants, les gens ordinaires pour leurs voisins, des gestes de solidarité, de gentillesse, d’accueil... des gestes qui peuvent être faits par tous et chacun et qu’une foule de gens font effectivement, sans pour autant le crier sur les toits...
Mais au moins, on penserait que ces gestes-là devraient être faits au nom du Christ, au nom de Dieu, comme des gestes religieux, des offrandes, des sacrifices. Mais non, ni les gens du premier groupe, ni ceux du second n’ont reconnu le Seigneur dans ces gestes simples. Aucune des actions mentionnées par le Seigneur ne semble être de nature religieuse.
Jésus nous rappelle aujourd’hui, en cette fête du Christ-Roi, que nous serons jugés sur l’amour et exclusivement sur l’amour. Il s’agit d’un amour très simple : donner à manger, à boire, accueillir, habiller, visiter, soigner. Ainsi, nos plus humbles gestes d’amour ont une valeur infinie, une valeur d’éternité.
La liste citée par Jésus n’est d’ailleurs ni limitative, ni exhaustive. Ce sont des exemples que nous pouvons prolonger dans notre vie : mon enfant pleurait la nuit, et je me suis levée pour le consoler et le soigner. Ma vieille maman ne pouvait plus bouger, et je l’ai aidée à sortir de son lit pour s’assoir dans son fauteuil. Nos voisins avaient besoin d’amitié, et nous les avons entourés. Dans la paroisse, on cherchait des bénévoles pour enseigner la catéchèse, et j’ai accepté cette responsabilité. Mes collègues de travail avaient besoin d’être défendus, et j’ai pris des responsabilités syndicales et politiques. Le tiers monde nous sollicitait et j’ai participé aux campagnes mondiales contre la faim... Mon conjoint, mes enfants, mes amis, mes voisins...
Jean Chrysostome fait remarquer avec beaucoup de finesse que le Seigneur demande des gestes bien modestes. Il n’est pas dit que celui qui a faim est rassasié, que celui qui est malade est guéri, que celui qui est en prison est libéré. Ce qui compte, c’est de faire quelque chose, si petite soit l’action accomplie.
Pendant cette rencontre avec le Christ, Dieu n’aura pas à nous « juger ». Nous nous serons jugés nous-mêmes tout au long de notre vie. Dieu n’aura qu’à dévoiler ce qui était « caché » dans chacune de nos journées. Ce jour-là, le Seigneur nous aidera à vérifier si nous avons été réellement humains envers les autres.
En fait, l’examen ne produira pas de grandes surprises. Nous pouvons connaître les résultats à l’avance car nous savons quelle est la matière à examen. Le professeur nous a donné les questions et il nous a indiqué les bonnes réponses.
Contrairement à ce qui se passe lors de nos examens à nous, les plus intelligents et les plus studieux n’auront pas d’avantages spécifiques. Tous peuvent réussir cet examen final, sans distinction de race, de religion, de quotient intellectuel. Le Christ ne nous demandera pas si nous avons des diplômes d’une université prestigieuse, si nous avons réussi une brillante carrière, si nous avons gagné beaucoup d’argent, si nous avons la carte de tel ou tel parti politique...
Le tableau du jugement dernier n’a pas pour but de nous remplir de peur en mettant l’accent sur une condamnation à venir, mais une invitation à nous préoccuper du moment présent. C’est maintenant que commence l’éternité, c’est maintenant que nous pouvons donner à manger à ceux qui ont faim, visiter ceux et celles qui vivent dans la solitude, aider nos voisins qui ont besoin d’assistance, consoler ceux qui sont dans le deuil… C’est maintenant que nous pouvons assurer notre amitié avec Dieu.
Père Yvon-Michel Allard