Il est certain que le pardon restaure. Il guérit ce qui a été blessé. Il donne de s’ouvrir à la richesse de l’autre. En cela, nulle action miraculeuse mais l’apport en lui-même du pardon et de sa force. La capacité créatrice est ranimée dans les êtres, les relations se réengendrent comme d’elles-mêmes. La vie continue à couler. C’est bien ce qui se vit dans la parabole du Fils prodigue, le pardon le restaure comme enfant de son Père.
Aussi en cette année jubilaire de l’espérance, nous faut-il, peut-être, plus particulièrement être attentifs à ce qui peut ouvrir au pardon, le rendre plus accessible. Et la parole du Christ à son Père peut nous guider. « Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 24, 34) Jésus encourage son Père au pardon en mettant le doigt sur une faiblesse de notre part. « Ils ne savent pas ce qu’ils font »… Cette prise de conscience de la situation de l’autre aide au pardon. De la même façon, dans la parole du Fils prodigue la faiblesse du fils aperçu de loin touche la compassion du Père pour susciter le pardon…
Soyons donc attentifs à ce qui peut amener à l’offrande du pardon… Pour cela, une histoire familiale peut aider à entrer dans la complexité des choses souvent impliquées.
Mes parents ont vécu une lourde crise au moment de leur mariage, dans la mesure où mon père, encore étudiant à 20 ans, s’est vu coupé l’aide qu’il recevait de ses parents sous le prétexte qu’il était émancipé et marié avec une femme qui gagnait sa vie. Cette décision soudaine et abrupte n’a pas été comprise et a suscité l’incompréhension durant des décennies au sein de ma famille rapprochée.
Les véritables raisons de cette décision posée par mon grand-père ont surgi soixante-dix ans plus tard. Lors d’un repas entre cousins, le fils de mon oncle nous a partagé la peine qu’éprouvait celui-ci à donner de son argent pour que mon père puisse poursuivre ses études d’ingénieur. Dès lors la compréhension de la décision s’est éclairée. Cet oncle a refusé de continuer à donner pour son frère à l’occasion du mariage de ce dernier. Décision légitime mais tue, comme le fait que l’argent que recevait mon père venait en fait de son propre frère et non de son père.
Une fois cela explicitée, cela a conduit à une véritable libération et ouvert une réconciliation entre tous. Chacun reconnaissant la légitimité du point de vue de l’autre, ses propres limites, un espace de solidarité dans la famille était reconstitué.
Le pardon peut surgir lorsque chacun a pu exprimer sa faiblesse, lorsque chacun peut mieux comprendre la situation de l’autre, exprimer sa propre situation… Le pardon demande à être préparé. Soyons-y vigilants. Cherchons à mieux partager l’intégralité de nos vécus. De là, peuvent naître les perspectives du pardon.
Jean-Luc Fabre sj., directeur du Réseau Mondial de Prière du Pape France