Le père Pierre Averan, ancien supérieur du séminaire d’Avignon a introduit cette journée. En effet, le père Averan a connu Christian Chessel lorsqu’il était séminariste dans le diocèse avant de le quitter pour entrer en 1985 dans la Société des Missionnaires d’Afrique, appelés plus communément les Pères Blancs.
« Il est né le 27 octobre 1958 à Digne-les-Bains. Il aurait eu 64 ans le 27 octobre 2022. Il fait ses études secondaires à Antibes. Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur de l’INSA de Lyon, et deux années de coopération en Côte d’Ivoire, il entre au séminaire d’Avignon en 1983, le père Barlet ici présent étant à cette époque, le supérieur, les pères Remise et Mercier, Mr Moulinas, Mme Guillermain, étant les membres de l’équipe des professeurs, qui sont également présents. A la fin de ces années de séminaire, Christian décide d’entrer chez les Pères Blancs. En 1991, il fait ses vœux définitifs à Rome, où il étudiait la langue arabe au Pisai, l’Institut Pontifical d’islamologie. Il est ordonné prêtre le 28 juin 1992 à Nice par Mgr Saint-Macary, l’évêque de ce diocèse dont il avait été séminariste durant deux années. En 1993, nommé à Tizi Ouzou en Kabylie comme responsable de la communauté des Pères Blancs, il rejoint trois autres pères.
Ils se savaient menacés de mort par le FIS, le Front islamique du Salut, comme beaucoup d’autres, mais ils avaient décidé d’un commun accord de rester sur place par souci de solidarité avec la population au milieu de laquelle ils vivaient en bonne intelligence. Et c’est dans la cour de leur maison d’habitation que le 27 décembre 1994 vers midi, les quatre Pères Blancs furent assassinés à coups de mitraillettes. »
En présence de la maman du bienheureux Christian Chessel, de son frère, du père Lengaigne, provincial des pères Blancs, du père Charles Bernard-Savoldelli, vicaire général, venu bénir l’icône et de tous les invités, le père Philippe Mercier, ancien professeur au séminaire d’Avignon à cette époque a écrit et lu une lettre au père Christian Chessel. Un hymne à la foi.
« Cher Christian,
Te parler à cette heure peut paraître étrange à celles et ceux qui sont venus te rendre hommage ou, mieux, exprimer leur communion fraternelle à ce que l’Église nous enseigne de toi depuis le 8 décembre 2018.
Te parler c’est faire fond sur la foi qui rayonnait de toi et qui nous anime en ce moment. Car lorsque s’achève notre pèlerinage terrestre nous ne sombrons pas au néant. Continuer de te parler, n’est-ce pas s’appuyer sur la foi que tu avais reçue du Seigneur, par ta famille, par ceux sur les chemins desquels tu t’es trouvé ?
Cette foi t’a conduit à offrir ta vie pour que la parole de Jésus, le Messie, habite le cœur des hommes et les transforme. La foi, l’espérance et la charité sont des dons reçus du Seigneur Lui-même : ils ne sont pas connus abstraitement, ils ne s’expriment et ne rayonnent qu’en chaque humanité singulière.
Le Seigneur les a offerts à celles et ceux qui t’ont connu, à travers la si délicate humanité qui était la tienne : présence toute plénière, acquise à celui qui te parlait, attention de ta part, comme s’il n’existait que lui au monde, regard limpide d’accueil, sourire rayonnant de charité surnaturelle.
Christian, tu le sais maintenant mieux que nous, nos mots, fussent-ils choisis, demeurent dérisoires, surtout s’ils se commettaient avec des félicitations ! Tu es désormais dans un monde d’un autre ordre, celui que tu nous as donné à voir dans ton existence humaine si brève. Combien la grâce faite aux hommes par le Seigneur, Dieu de l’Alliance, peut mener leur nature à un point insoupçonné d’incandescence !
Au vu de ce que tu as vécu, en passant trop vite parmi nous, la communauté Église n’est pas là pour te décerner un bâton de maréchal, même pas le plus petit accessit. Cette Église nous dit que malgré toute la faiblesse humaine, inhérente à chacun de nous, la grâce divine avait fait éclater en toi ce que tout visage d’homme ou de femme est depuis l’origine : « image de Dieu ».
Tu fais partie, aujourd’hui, de ce corps du Christ glorifié, il attend d’être dans sa plénitude et tu intercèdes pour nous, pour l’Église tout entière. Nous t’avons toujours compté parmi nous, comme intercesseur, je pense en cet instant au frère prêtre qui t’a accompagné dans ce séminaire d’Avignon, Jean-Marie Forrett, il a quitté ce monde le 31 mars dernier. Avec quelle délicatesse fraternelle il évoquait ta mémoire, tu avais une grande place dans sa prière. Puisque tu es désormais bienheureux, alors je pense à la parole de sainte Bernadette de Lourdes, elle vient souvent à mon esprit : « Nous serons bien étonnés en arrivant au ciel d’apprendre que nous devons notre entrée au paradis à la prière d’un petit berger ». Que de visages te remercient, maintenant et dans l’éternité. Au fond, si tu intercèdes pour nous, grâce aux mérites de Celui qui a offert sa vie sur la croix, c’est que toi-même te savais objet de la sollicitude divine jusque dans tes faiblesses. Alors la parole de Bernanos, dans Le journal d’un curé de campagne, me permet d’achever ma lettre sans nullement clore l’entretien. « La grâce est de s’oublier, mais la grâce des grâces, si tout orgueil en nous était mort, de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrant du corps de Jésus, Christ. »
Philippe Mercier
Avignon – Maison Diocésaine
22 octobre 2022