Pouvez-vous nous raconter comment vous avez découvert ce chemin ?
Cela a démarré il y a 24 ans avec le décès de mon mari ; nous avions été saisis par le Bon Dieu un mois avant qu’il décède.
Cela a été une conversion ?
Oui, totale et fulgurante ! Je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu, mais en revanche, un amour infini m’a saisie jusqu’au bout de mes cellules, avec une joie indescriptible ! C’est une impression très difficile à expliquer, mais en deux secondes, j’ai tout compris. Ce n’est pas quelque chose à comprendre avec l’intellect, mais avec son cœur. Tout de suite alors, j’ai voulu prier, revenir vers l’Église...avec mon mari, nous n’avions jamais prié ensemble, ni pratiqué ! Lui a été converti 4 heures avant moi le même jour, et quand on s’est retrouvés, on n’a rien dit mais on a pleuré car on a compris qu’on avait tout compris ! On s’est mis à prier et cela a été un mois avec le Bon Dieu !
Cela vous a donné une force incroyable pour supporter ?
C’est clair, car sans cela, je ne sais pas comment j’aurais fait pour y arriver ! Il y avait six enfants à élever, j’étais quand même assez jeune et cela a été un choc...un choc d’amour avec le Bon Dieu et cela fait 24 ans que cela dure. Au début, on se demande si ça va durer, mais en réalité, c’est vraiment indestructible comme la joie de l’Evangile « que rien ne pourra vous enlever ».
Avez-vous réussi à consoler vos enfants ?
Je ne sais pas, mais je dirais que les enfants vivaient, on vivait ensemble ; eux n’ont pas eu la conversion que j’ai eue – et c’est une grande souffrance pour moi-, mais ça viendra puisque je l’ai demandé ! « Croyez que vous l’avez déjà reçu ! » nous dit l’Evangile. Donc cela viendra un jour ! Peut-être que je ne le verrai pas, mais c’est sûr !
Gardez-vous avec vous la présence de votre mari ?
Oui toujours ! L’amour ne meurt pas. Ce n’est pas un amour souvenir, c’est un amour présent, un amour qui vit. Lui est un pilier au Ciel, moi, je rame sur terre avec mes deux petites pattes et mes deux petits bras ! Lui nous aide et moi je suis en communion avec lui sans arrêt...comme avec le Christ : on ne le voit pas mais Il est là !
Donc vous êtes bien entourée ?
Oui, j’ai avec moi mon mari, le Christ, la Vierge Marie...en plus de cela Dieu est 3 Personnes, donc il y a du monde à table ! Mais c’est bien : ils ne mangent pas trop et ça tombe bien : je ne suis pas douée en cuisine !
Juste après le décès de votre mari, on vous a proposé de suivre des cours de clown !
Oui, juste une semaine après son enterrement et j’ai dit oui parce que cela s’ouvrait juste à côté de chez moi à Dijon ; et cela m’a tout de suite plu ! Je trouvais que ce chemin était exactement celui du chrétien : un chemin de liberté, un chemin pour retrouver son cœur d’enfant, la joie de vivre ses émotions, ne pas avoir peur de dire ce qu’on ressent, pleurer, rire comme un enfant. C’est vivre l’instant présent intensément avec la joie ou les pleurs aux tripes. Quand je passais à l’hôpital, ce n’était pas tous les jours rose : devant un enfant en fin de vie, le clown du Bon Dieu n’est pas un guignol : il dit ce qu’il vit, ce qu’il ressent ; on n’est plus dans le paraître mais dans l’être. Cela change tout et le chrétien devrait être comme ça ! On s’accueille soi pour accueillir l’autre.
Il faut retrouver son cœur d’enfant, son naturel, sa liberté d’être.
Donc au début, vous êtes allée dans les hôpitaux ?
Oui, au début on a créé « le trèfle à 4 clowns » à Dijon et ça dure depuis 24 ans.
Mais vous avez évolué ?
Oui car dans les hôpitaux on ne peut pas parler de Dieu. Par contre, très rapidement, on m’a demandé de témoigner de ce qui se passait à l’hôpital et comme j’avais le chemin de Dieu et en parallèle celui du clown, de temps en temps, j’allais de l’un à l’autre. Petit à petit, au bout de 20 ans, s’est construit ce « spectacle »…mais je n’aime pas dire ce mot spectacle car il s’agit plutôt de passer une heure avec des personnes : des enfants, des adultes, des prêtres, des associations...
Vous êtes très demandée ?
Oui ; alors, tous les matins, je dis la prière de Charles de Foucauld : je m’abandonne au Bon Dieu et Il fait de moi ce qu’Il veut ! Il est mon impresario, et avec Lui, on n’est pas au chômage !
Comment préparez-vous vos interventions ?
Je prépare surtout à partir de la prière ; bien sûr il y a toujours un thème choisi, mais la prière m’est essentielle. Moi je ne cherche rien, il n’y a pas de but commercial ; ce n’est pas pour moi que je fais cela ; je voudrais donner la joie de Dieu à tous ceux qui sont là, parce que cela m’est un moteur et m’anime tellement que j’aimerais donner la foi à tout le monde, avec une baguette magique ! Ce serait chouette ! C’est vraiment la joie de l’Evangile !
Est-ce que les gens rient lors de vos spectacles ?
Ils rient ou ils pleurent, cela peut arriver ! Moi-même, il m’est arrivé de pleurer sur une scène. Comme le clown est vrai, il dit ce qu’il vit, il vit ce qu’il dit...et oui, il m’est arrivé de pleurer en clown sur scène, puis de rire ! Mais c’est ça la vie : on n’ôte pas la souffrance, il y a les deux !
Comment est conçu votre spectacle ? Est-ce votre vie que vous relatez ?
Oui et non : J’arrive avec ma vie, et ma vie c’est tout un bazar, avec tout un matériel : une grande croix, mes paquets sont sur un diable (donc il y a autant la croix que le diable !) ; et puis il y a aussi le Saint Esprit, le cœur de Dieu etc. Je m’appuie sur ce matériel très ludique,visuel et coloré et suivant le thème cela va se décliner selon ce que je ressens, ce que j’entends dans la salle. Et dès qu’il y a des réactions dans le public, je rebondis immédiatement sur ce qui est dit : le clown vit l’instant présent tout le temps.
Je ne sors pas mon matériel tout le temps. J’explique comment on fonctionne : avec un cœur, un corps et un cerveau et, suivant le thème indiqué, je vais décliner tel ou tel pilier. De temps en temps je mets une petite touche de ma vie qui est la vie de tout le monde.
Vous allez dans les écoles, un petit peu partout ?
Oui, dans les écoles, les associations de toutes sortes, comme lors de la fête des 40 ans de Foi et Lumière ou encore à Lourdes devant des jeunes.
Et même devant des étudiants de grandes écoles ?
Oui, c’était à Angers, il y a 2 ans au Palais des Congrès et le titre était : « De la tristitude à la béatitude ». Cela m’a beaucoup plu ! Les thèmes tournent toujours autour de la joie, la joie de l’Evangile, d’être branché au Ciel, au Seigneur ! Et je crois que ça passe car je le vis vraiment. Ce n’est pas comme au théâtre où je jouerais quelque chose. Je ne joue pas, je suis, je vis vraiment ce que je dis !
Pourquoi vous habillez-vous en clown ?
A l’hôpital, par exemple, cela casse tout de suite la vitre du paraître, pour être dans le cœur à cœur. C’est très coloré car j’aime beaucoup la couleur ; c’est aussi ludique. Quand on est en clown, le cœur s’ouvre...y compris quand je mets mon nez au volant de ma voiture !
Vous avez aussi deux petites antennes sur votre chapeau ?
Oui, ce sont les cœurs de Marie et de Jésus !
Et vous vous appelez « clown du Bon Dieu » !
Oui, j’ai cherché d’autres titres mais finalement c’est cela : reconnaître sa petitesse, comme le chrétien se reconnaît pécheur, mais c’est reconnaître en même temps notre grandeur car quand on tombe on se relève et rien n’est jamais perdu, et on repart et on retombe...c’est notre vie !
Vous faites tout cela dans quel but ?
Moi, je n’ai qu’un désir : que les gens trouvent la joie que j’ai eue. Je ne peux pas convertir tout le monde d’un coup de baguette magique, mais je voudrais éveiller, susciter la joie en tous ceux que je rencontre. Dans tous ces gens qui m’ont vue, sans doute y en aura-t-il qui deviendront d’affreux jojos, mais si le dernier jour de leur vie, ils se souviennent qu’il y avait un cœur rouge et que le Bon Dieu habite dans ce cœur rouge, j’en aurai gagné au moins un ...ou plus !