Ils sont présents dans toutes les églises : de marbre, de pierre, de plâtre, de bois ou d’or, sur des socles, dans les chapelles, au fronton des portails, sur les autels, entourés de cierges, dans la gloire des vitraux, encadrés, fleuris ou perdus dans l’anonymat d’une niche oubliée. Nous savons bien que les statues et les tableaux sont de pauvres supports pour des hommes et des femmes qui ont vécu leur foi jusqu’au martyre, ou qui ont été des
modèles de charité ; qui ont fondé des ordres, inventé des règles monastiques, approché le Christ…
Mais, depuis toujours, le saint est notre frère, notre ami, notre secours ; il nous aide à parler à Dieu, il nous oriente vers Lui, il nous dit : « Ce que j’ai fait, tu peux le faire ; dans la communion des vivants et des morts, dans le partage des forces et des faiblesses, je te guide vers Celui qui t’attend… »
J’ai moi-même appris sur les genoux de ma mère à aimer pour toujours des figures de sainteté : la petite Thérèse et l’humble Bernadette, st Joseph, l’ami des enfants, François d’Assise et sa joie parfaite, et toi Marie, l’incomparable Dame ! Comme elle était belle, ma première Église, en cette piété familiale sans mièvrerie, sans trouble, avec la douce familiarité aussi des saints du terroir, Agricol, Bénézet, Véran … Jamais ils n’ont fait écran à Celui vers qui tout monte et de qui tout vient ! Tout au contraire, ils ont été « chemins de foi… chemins vers Dieu ».
L’Église a institué la Toussaint pour commémorer dans une grande fête joyeuse tous ceux qui ont été persécutés au nom du Christ, tous ceux dont on a reconnu les excellents mérites, et tous ceux dont nous admirons la foi
inaltérable ; mais au-delà des grands mystiques, des « canonisés » et des « bienheureux », qui nous sont chers, il y a le peuple immense des obscurs et des ignorés, dont le Père seul connaît les vertus ; ceux qui ont fait le bien
‘sans montrer la main qui donne’ comme il est dit dans l’Évangile. Toi qui as caché l’enfant juif, toi qui as recueilli l’étranger, toi qui as relevé le sans-travail, toi qui as instruit le prisonnier, toi qui as libéré l’esclave, toi qui as pardonné à ton bourreau, toi qui as mené une vie sans éclat mais qui étais partout où l’on avait besoin de toi , toi le prêtre qui gardes le cap à travers les épreuves, et toi le laïc qui te sens parfois « serviteur inutile », le
Royaume, c’est pour vous ! Car nous avons tous, même si c’est très difficile à entendre, vocation universelle à la sainteté, et la solennité de la Toussaint est aussi la célébration de la victoire du Christ dans la vie de tous les inconnus qui ont été ses « vivants et lumineux témoins ».
Si l’on est en quête de repères historiques, ou de racines, on apprendra vite de surcroît que le 1er novembre était originellement une fête celte, celle de l’automne et de l’entrée dans « la saison sombre » ; mais ce lien avec le passé ne doit être, pour nous chrétiens, ni embarrassant ni inaudible : il dit à sa façon que l’homme a toujours eu le respect du rite et le sens du sacré ; et que, dans le grand mystère de la Révélation, devait se préparer ainsi la venue parmi nous du Dieu qui sauve, avec la conscience pour chacun d’être personnellement aimé de lui.
Commencer un chemin de sainteté, ne serait-ce pas, alors, savoir que notre nom est bien inscrit quelque part dans le coeur du Père, et nous sentir enfant de Dieu ?
Simone Grava-Jouve
Extrait de la Lettre d’informations du diocèse d’Avignon, 28 octobre 2012