Eloge de la fragilité

26 décembre 2021

Peut-être l’avez-vous reçu en cadeau pour cette fête de Noël ? Paru il y a 3 ans, un petit livre a été réédité cet automne. Il a pour titre : « éloge de la fragilité ».

Il regroupe les réflexions partagées par des personnes aux profils fort différents : la philosophe Cynthia Fleury, le biologiste Gilles Bœuf, le généticien Axel Kahn, le prêtre et chef d’entreprise Bernard Devert, connu pour être le fondateur d’Habitat et Humanisme ou encore l’administrateur de multinationales Bertrand Collomb.

Que disent-ils ? Loin d’être une faiblesse à éradiquer coûte que coûte, la fragilité représente un merveilleux trésor à reconnaître, à protéger et à valoriser d’urgence.

Pourquoi ? Parce la fragilité fait partie intégrante de notre condition humaine et ce que nous vivons – dans la durée depuis 2 ans - nous le rappelle. Se reconnaître fragile, c’est affirmer que nous avons besoin des autres et que seuls des relations véritables et des rapports réciproques, respectueux de l’autre et de nous-mêmes, peuvent nous conduire à la concorde dans nos vies conjugales, familiales, associatives, communautaires, nationales et internationales.

Un enfant nous est né, un fils nous est donné ! cf. Isaïe chapitre 9
Qu’y a-t-il de plus fragile qu’un enfant ? Tous les jours des enfants naissent, tous les jours des parents sont bouleversés, des grands parents sont attendris ! Voyez Jésus nouveau-né, regardez-le dans la crèche ! et constatez qu’il est cet enfant sur la paille endormi comme nous le chantons dans le cantique Douce nuit.
Depuis plusieurs jours, je me questionne sur cette étable où Jésus, le Fils de Dieu fait homme, naît de la Vierge Marie pour être déposé dans une mangeoire, elle-même pleine de paille pour la nourriture des animaux. Y-a-t-il plus fragile qu’un enfant nouveau-né ? Oui ! Mais qui donc ? Le plus fragile, c’est Jésus, l’enfant-Dieu, nouveau-né sur la paille !

Accueillons donc ce soir la toute première leçon que Dieu, Celui qui est Parfait et Tout-Puissant, nous donne en cadeau. C’est la leçon et le cadeau de la faiblesse. Le grand Dieu s’est fait petit ; le Dieu fort s’est fait fragile ; le Dieu immortel s’est fait l’un de nous, mortel… dans le but d’assumer et d’embrasser – à bras le corps – notre faiblesse.

Pendant toute son enfance, comme chacun de nous, Jésus, le Fils de Dieu devenu homme, a eu besoin – pour sa fragilité – des soins de ses parents. Il a reçu d’eux nourriture, vêtement, maison, éducation, amour et affection, … en retour, Jésus a permis à Marie et à Joseph d’avancer sur leur chemin de vie, sa venue leur a permis de devenir père et mère, les difficultés de sa naissance et de son enfance les ont poussé à la confiance, sa mission de Messie les a conduits à s’interroger quand ils ne comprenaient pas… mais toujours Jésus a respecté ses parents et il a pris soin d’eux.

Et lorsque Jésus inaugurera sa mission, il sera attentif aux personnes qu’il rencontrera, il prendra soin de leurs fragilités, leur apportera réconfort ou guérison, leur donnera le pardon de leurs péchés… Il se laissera même toucher et émouvoir par ceux dont il complimentera la foi, la confiance ou l’audace. Et pour que sa mission continue à travers les siècles, Jésus a institué son Eglise et Il nous a donné l’Esprit Saint pour que, au sein de la maison-Eglise et au-delà, nous sachions nous aimer les uns les autres, c’est-à-dire nous aider mutuellement, parce que nous avons reconnu – sous le regard de Dieu – que tous nous sommes fragiles et que tous, nous avons besoin d’être aidés et sauvés un jour ou l’autre.

Frères et sœurs, la fête de Noël célèbre le mystère du Dieu tout puissant qui vient à nous, dans notre fragilité, pour que nous n’ayons pas peur de Lui. Au contraire, nous sommes invités ce soir à prendre Jésus dans nos bras pour le bercer et nous émerveiller sur cette proximité de Dieu avec nous. N’ayons pas peur ! Aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur nous est né… et l’ange nous indique que c’est au signe de sa faiblesse – emmailloté et couché dans une crèche – que nous reconnaissons Dieu parmi nous. Oui, Dieu vient jusqu’à nous comme Sauveur !
Quel pas ferons-nous ce soir, quelle avancée intérieure ferons-nous pour lui présenter nos faiblesses, notre fragilité, ce qui nous pèse et même nos péchés, le mal que nous avons fait… afin qu’Il nous pardonne, qu’Il nous aide et nous fortifie dans l’espérance que nos vies ont du prix aux yeux de Dieu et que nous pouvons avancer dans la confiance, même quand les circonstances sont difficiles ou confuses.

A l’Apôtre Saint Paul qui avait tenté le chemin de la force et de la dureté, à l’Apôtre Saint Paul qui constatait – et s’en décourageait – sa fragilité et sa faiblesse, Jésus a dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure è dans la faiblesse. » Avec Saint Paul, nous pouvons donc répondre et dire : « c’est très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » 2 Cor 12, 9 – 10

Père Michel BERGER, curé