Homélie de la messe d’installation de Mgr Fonlupt

11 juillet 2021

Le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau !

La liturgie au long des jours derniers et des dimanches a fait résonner de manière toute particulière l’invitation que le Seigneur nous adresse à ne pas demeurer sur place, à nous mettre en route, à quitter les assurances et les sécurités qui peuvent être les nôtres, pour nous risquer dans la confiance en sa parole et au chemin qu’il nous indique.

Nous avons médité la geste d’Abraham, le retour de Jacob vers ses frères, et son combat mystérieux avec l’ange, et, dans l’Evangile selon St Matthieu l’envoi des douze en mission que nous retrouvons ce jour dans la version selon St Marc. Peut-être avais-je une oreille particulièrement attentive, mais il est clair pour tous que c’est bien une parole d’envoi, et d’envoi en mission qui résonne pour nous en ce temps. Parole qui concerne chacun…et nous concerne ensemble…

Dans l’Evangile de Marc déjà, Jésus a rassemblé ses disciples et parmi eux en a appelé ‘pour être avec lui et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons. Et il en établit douze…’

Depuis cet appel, ces hommes l’ont suivi, ont été témoins de ses actes et de ses paroles, de son annonce du Règne de Dieu, cette proximité étonnante d’une bonté radicale, nouvelle, et toujours proposée à quiconque. Ils ont perçu, avec lui, la puissance en actes de cette parole.

Quelques chapitres plus loin donc, Jésus aujourd’hui les envoie en mission, les invitant eux aussi à chasser les démons.

Cet envoi est assorti de repères et de consignes qui viennent nous rendre attentifs moins à ce qui serait à annoncer, au contenu de la prédication, qu’à la manière de vivre cette mission, à son style.

Il commença à les envoyer en mission deux par deux…
Souvent Jésus enverra ses disciples deux par deux.
Peut-être parce qu’un témoignage n’est recevable que quand il est porté par deux personnes au moins.
Mais également parce que l‘annonce de cette bonté s’inscrit d’abord dans une manière de la vivre et d’en témoigner à plusieurs. Et cela passe par un chemin partagé avec d’autres, là où se tissent les premiers liens d’une fraternité nouvelle.
On ne peut être témoin tout seul… C’est ensemble, et tout autant par nos manières de vivre et de chercher des chemins de fraternité que, par nos paroles… c’est ensemble que nous pouvons être témoins de Celui qui nous envoie.

Voilà donc une invitation réelle à ce que notre manière de vivre ensemble et d’être Eglise soit signe de Celui qui nous anime.

Nous venons de le demander au Seigneur dans la prière d’ouverture :

Que ton Eglise demeure toujours ce peuple saint,
Tenant son unité de toi qui es Père, Fils et Esprit,

Qu’elle soit au milieu des hommes le signe de ta sainteté, le sacrement de l’unité
Et le ferment d’un plus grand amour entre tous.

Il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route…. Si ce n’est le strict nécessaire, ce qui va permettre la marche pour la mission. Un bâton, des sandales… tout le reste est superflu et risque d’entraver.
Il s’agit d’être mobile, disponible, libre…Cet envoi invite donc à se situer dans une grande liberté, ancré en Celui qui anime nos vies et en est la source. 

Liberté matérielle : pour pouvoir être réellement itinérant.
Liberté pour ne pas s’appuyer sur de fausses sécurités, qu’elles soient matérielles, financières, affectives…
Liberté qui s’ancre dans la confiance : ce dont nous avons besoin pour chaque jour sera donné. Pourquoi prendre du pain alors que le pain de chaque jour, ce qui est nécessaire pour le quotidien nous est donné par notre Père ?

Cette mise en marche est pour aller à la rencontre… rejoindre les personnes… en attente de revoir d’elles l’hospitalité et, avec elles d’accueillir le mystère ce cet amour qui les habite, de cet amour qui les rejoint.
Il s’agit de ne compter que sur l’hospitalité, que sur les autres. Et la précarité des moyens nous contraint de demander l’accueil.

Cela nous invite à situer la mission dans la rencontre et la relation. Il ne s’agit pas de courir et de vouloir rejoindre tout le monde. Il s’agit de vivre de la relation, de la rencontre avec d’autres et pour cela, d’abord, de se laisser accueillir par eux. Voilà qui peut venir interroger nos idées un peu spontanées de la mission. Aller vers demande d’abord d’entrer dans la maison de l’autre… se laisser accueillir par lui, être son hôte. C’est lui qui nous reçoit. Et si auprès de lui il nous est donné de trouver l’hospitalité, alors rester, demeurer.

C’est ainsi, dans la profondeur de la relation que semble se jouer l’accueil réciproque de la Bonne Nouvelle. Comme si, accueillir l’amour qui nous vient du Père ne pouvait s’éprouver que dans la vérité et la qualité des relations nouées avec les uns et les autres, celles et ceux dont la vie nous rends proches.
Et nous savons bien que, dans ce mouvement, nous sommes précédés.Par Jésus, lui qui sort du Père pour venir nous visiter. Il se fait le prochain de tout homme.
Marie également nous en indique l’attitude et nous ouvre le chemin avec empressement, en allant rejoindre sa cousine Elisabeth…

Nous voilà donc appelés, envoyés à la mission dans cette logique de visitation : l’amour de Dieu et l’action de son Esprit nous précèdent dans le cœur de ceux qui nous accueillent. C’est avec elles et eux que nous avons à en découvrir la constante nouveauté.

Peut-être que cette invitation vient résonner fortement pour nous en cette ville d’Avignon et en ces jours de Festival où il y a beaucoup à entendre des recherches et des attentes de vie de nos contemporains.

 

Mais attachons nous à faire un pas : Quelle est cette nouvelle que Jésus annonce ? Cette nouvelle qui change les personnes qu’il rencontre ?

L’auteur de la lettre aux Ephésiens nous invite à contempler l’horizon qui se dévoile.
Il semble récapituler dans une vision grandiose le rêve de Dieu pour les hommes : lui qui nous a choisis, nous a désirés, avant même la création du monde pour que nous soyons des saints, des êtres ajustés à son amour, pour que nous soyons des fils dans son fils JC, pour que nous devenions un peuple, espérant dans le Christ et marqués de l’Esprit Saint.

C’est la méditation de Paul et des premières communautés chrétiennes qui, s’arrêtant sur la vie, la mort, la résurrection du Christ, contemplent ce que l’amour de Dieu vient réaliser pour l’humanité. Elle nous dit le mystère de l’amour dans lequel nous pouvons comprendre cette parole.

Béni soit Dieu, il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit dans le Christ.
Il nous a choisis, Il nous a prédestinés.
Il fait déborder jusqu’à nous la richesse de sa grâce.
Il nous dévoile le mystère de sa volonté : récapituler toutes choses dans le Christ.
En lui nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu,
Il a voulu que nous chantions sa présence à nos vies.
Il nous invite à être les témoins de cette présence qui vient de Dieu et nous appelle à rejoindre toute personne pour, avec elle, l’accueillir.
En lui nous sommes marqués de l’Esprit, première avance sur notre héritage.

Voilà l’horizon que la parole de notre Dieu nous dévoile aujourd’hui.
En son fils, il est le ‘compagnon et l’ami de notre vie’, il nous tourne vers les hommes, il nous invite à reconnaitre en chacun d’eux un frère.

Voilà donc l’horizon offert…
Vivre de la relation avec le Christ et de cette amitié qu’il nous offre.
Vivre entre nous des liens de fraternité.
Demeurer en marche… aller au pays de l’autre… et accueillir avec lui le don de Dieu.
 

Voilà la belle mission qui nous est confiée, qui m’est confiée, au milieu de vous, comme pasteur, pour que nous soyons cette Eglise qui soit visage de la tendresse de Dieu pour quiconque, en ce temps et en ce lieu.

Que le Seigneur me rendre digne de ce service pour l’Eglise qu’il rassemble, pour les hommes et les femmes à qui il offre sa tendresse,… pour vous et pour la multitude.

Amen

 

Mgr François Fonlupt
Dimanche 11 juillet 2021
En la métropole Notre-Dame-des-Doms, Avignon