Le chemin du serviteur - Homélie de la célébration des ordinations 2021

29 septembre 2021

C’est aujourd’hui une belle étape pour chacun d’entre vous, pour le diocèse, pour l‘évêque que je suis dans les premiers temps de mon ministère en Avignon ; belle étape pour notre Eglise, pour vos familles que je salue et que je remercie.

Notre Eglise d’Avignon est dans la joie. Elle reçoit de la part du Seigneur de nouveaux ministres pour le service des hommes et du Peuple de Dieu.

Pierre-Louis, Clément, frère Leandro, frère Félix pour le ministère de diacre,
Vincent pour le ministère de prêtre.

Vous venez de lieux différents… d’Avignon ou d’Albi, de côte d’Ivoire, du Brésil ou du Viêtnam. Vous avez grandi dans une vie humaine au sein de vos familles…. Et vous avez avancé avec bien des personnes.

Vous avez progressé également dans une vie ecclésiale, paroissiale, comme dans des lieux variés qui pour vous ont été source et vous ont soutenus dans votre réflexion, la maturation de l’appel, votre discernement.

Etre ordonné prêtre, ordonné diacre, c’est un horizon qui habite votre esprit et votre cœur depuis longtemps ; vous vous y êtes préparé.

Mais nous le savons, être prêtre n’est pas d’abord un désir personnel, mais un appel exprimé et accompagné par l’Eglise. Vous avez choisi la Parole que nous accueillons au cœur de cette célébration comme Parole de Dieu. Elle est puissante. Le prophète Isaïe nous redit cela avec force :

Je t’ai choisi à la suite d’Abraham mon ami
Je t’ai saisi
Je t’ai appelé
Ne crains pas, je suis avec toi, je suis ton Dieu
Je t’affermis, je t’aide, je te soutiens
C’est moi le Seigneur ton Dieu qui te dis : Ne crains pas, je viens à ton aide.

Cet appel nous inscrit au cœur d’une relation, d’une amitié profonde à recevoir et à nourrir sans cesse. Si le Seigneur appelle, nous dit Marc, c’est pour être avec lui. Ainsi, nous sommes les premiers bénéficiaires de cet appel et de ce don.
Cela est déjà vrai dans notre être de baptisés, encore plus vrai au cœur de notre ministère.

Il est ce « ministère reçu par la miséricorde de Dieu ». N’oublions jamais cela, prenons le temps de l’accueillir, de l’enraciner, de le nourrir.

Et ce don devient une mission, à déployer et à servir dans la clarté. Nous ne perdons pas courage, nous avons rejeté toute dissimulation.

Cet Evangile, nous dit Saint Paul, cette « nouvelle de bonté » qui vient rejoindre nos vies, reste voilé. Il n’est pas facilement perceptible au cœur de toutes les sollicitations qui rejoignent et appellent nos existences. Mais il est là, présent, il travaille en profondeur, déjà il porte fruit.
Il nous appartient pour nous de l’accueillir et d’en vivre, d’en servir l’accueil pour d’autres, pour beaucoup, en reconnaissant avec eux ce qu’ils cherchent profondément, comme ce trésor enfoui à découvrir et à accueillir.

Chrétiens, baptisés, nous sommes les bénéficiaires de ce trésor, nous sommes nourris de cette bonté, nous la percevons et l’accueillons ; nous en servons la reconnaissance pour d’autres. Et c’est bien notre tâche commune à tous les baptisés, de témoigner de cette tendresse et de manifester ce qu’elle change dans nos vies et dans notre manière d’être ensemble.

Cela ne vient pas de nous. Nous le recevons, nourris par la Parole, par les sacrements ; et les ministères, tout particulièrement celui des prêtres, nous signifient ce don qui nous vient d’un autre.

Cela ne vient pas de nous. Nous le recevons, nourris dans la vie fraternelle et le service du frère. Et le ministère des diacres nous redit que ce don ne se déploie pleinement que dans le service du frère, quel qu’il soit.

Prêtre ou diacre, ces ministères sont un déploiement de celui de l’évêque chargé, au nom du Christ, de rassembler les hommes pour qu’ils vivent du Don de Dieu de sa Parole et de sa vie.

De cela vous êtes bénéficiaires dans votre vie croyante.
De cela nous sommes bénéficiaires dans la vie de notre Eglise.
De cela vous devenez désormais serviteurs.

Voilà que nourris de ces dons, il vous appartient maintenant de les déployer et de les servir pour vos frères. Comment ? Nous ne le savons pas pleinement.

Si dès le début, les ministères ont eu une place importante au sein des communautés chrétiennes, ils ont varié dans leur manière d’exister et de servir. Dans notre pays, notre Eglise s’est beaucoup appuyée sur eux grâce à la réponse généreuse de beaucoup. Aujourd’hui en bien des diocèses, cette présence est moindre et amène à chercher une manière de déployer le service du ministère avec le soutien de laïcs qui collaborent à la mission pastorale ou reçoivent des responsabilités particulières.

Dans le diocèse d’Avignon, le renfort de nombreux prêtres fait que votre présence demeure importante. C’est heureux et nous avons à profiter et à chercher à nous enrichir de la diversité des visages qui sont parmi nous et de la variété des charismes pour enrichir notre vie d’Eglise. Mais n’oublions pas que nous avons à vivre cela dans une période où nous prenons une conscience plus claire de la dignité et de la responsabilité de tout baptisé dans l’Eglise. Le synode qui va s’ouvrir bientôt dans sa phase diocésaine, puis plus largement, va nous aider à l’approfondir.

Le visage de nos communautés et en train de changer. Moins nombreuses en personnes, moins assurées par bien des aspects, mais communautés fraternelles où chacun est attendu pour prendre sa place, où le déploiement de la mission dépend de la réponse de chacun.

Nous avons entendu l’Evangile selon Saint Marc. Cette demande surprenante de Jacques et de Jean, tous deux apôtres, mais qui semblent espérer une bonne place auprès du Seigneur.
A cela Jésus répond : vous boirez la coupe que je vais boire. Vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. Quant à la place à avoir, cela ne dépend pas de moi.
Le seul chemin à emprunter est celui du serviteur. Car, le premier, le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude.

Si le Christ vous appelle, si l’Eglise aujourd’hui fait écho et confirme cet appel, ce n’est pas pour vous donner une bonne place. C’est pour vous appeler à servir vos frères, à servir les hommes.

Et ce service, nous ne savons pas jusqu’où nous avons à l’engager. Nous ne savons pas jusqu’où il va nous entraîner. Nous savons par contre, que sans cesse il va nous déplacer, pour sortir de notre propre point de vue ou de nos perspectives et entrer dans celles du maître.

En effet, ce que nous proclamons n’est pas nous-mêmes. C’est ceci : Jésus-Christ est le Seigneur et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus.

Voilà une belle devise que vous pourriez garder et méditer, pour que peu à peu votre réponse s’inscrive dans ce mouvement. Ce qui parle, ce ne sont pas nos qualités nos compétences, nos œuvres, mais notre capacité à servir pour nos frères une vie belle, une vie bonne, une vie qui puise à la source d’une bonté qui la précède, une vie qui se tourne vers les frères. Nous ne savons pas de quelle manière nos vies parlent, mais il dépend de nous qu’elles s’attachent à devenir paroles.

C’est un cadeau magnifique qui vous est fait d’être appelés sur ce chemin. Ce chemin qui n’est pas aisé. Il est question de détresse, d’angoisse, et tous vos frères dans le ministère pourront vous dire la rudesse de ce qui parfois est à traverser. Mais ils pourront vous dire également combien ce chemin est riche et stimulant. En le parcourant, en servant nos frères, il nous est donné de percevoir peu à peu ce que peut accomplir autour de nous et en nous cette puissance extraordinaire qui est de Dieu.

Merci à chacun de vous d’être là et de vous rendre disponibles à ce don. Que le Seigneur vous comble, et qu’il nous soit donné aujourd’hui de rendre grâce avec vous pour ce don et cet appel.

+ François Fonlupt
Archevêque du diocèse d’Avignon,
le 19 septembre 2021,
en l’église Saint-Symphorien-Les Carmes d’Avignon