Lettre des évêques de France : « Bouleversés et résolus »

13 novembre 2022

Réunis en Assemblée plénière à Lourdes, nous avons entendu la

stupéfaction, la colère, la tristesse, le découragement suscités par ce

que nous apprenons au sujet de Mgr Michel Santier, ancien évêque

de Luçon puis de Créteil, et maintenant au sujet de Mgr Jean-Pierre

Ricard, ancien archevêque de Montpellier puis de Bordeaux.

Nous sommes conscients que ces révélations affectent

douloureusement les personnes victimes, en particulier celles qui

avaient choisi de nous faire confiance. Nous constatons

l’ébranlement de nombreux fidèles, de prêtres, de diacres, de

personnes consacrées. Ces sentiments sont également les nôtres.

Membres d’un même corps ecclésial, nous sommes nous aussi

blessés, atteints en profondeur.

Dans le cas de Michel Santier, nous avons vivement conscience

des responsabilités qui nous reviennent et nous avons travaillé

pendant notre Assemblée à identifier les dysfonctionnements et les

erreurs qui ont mené à une situation choquante pour tous.

Certains ont pu se demander si le droit de l’Église n’organisait

pas une forme d’impunité ou de traitement particulier des évêques.

Ils pensent, à juste titre, que la responsabilité épiscopale renforce

chez ceux qui l’exercent le devoir de droiture et la légitime exigence

des fidèles comme de l’institution ecclésiale. Nous le redisons avec

force : il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, d’impunité des évêques.

En raison même de la nature de leur charge apostolique, les

évêques dépendent directement du Saint-Siège. Les procédures qui

les concernent sont plus complexes et prennent davantage de temps.

Nous nous engageons à travailler avec le Saint-Siège aux

clarifications et aux simplifications qui s’imposent. Nous avons

décidé de mettre en place un Conseil de suivi qui nous permettra de

ne pas affronter seuls et entre nous ces situations.

Certains s’interrogent : dans les circonstances présentes, quel

crédit donner aux engagements pris il y a un an pour tirer les

conséquences du rapport de la CIASE ? Nous pouvons en donner

l’assurance : une transformation des pratiques est bel et bien en

cours, avec l’aide de nombreux fidèles laïcs particulièrement

qualifiés, dont des personnes victimes. Des décisions sont déjà

prises et mises en œuvre. Diocèses et mouvements d’Église

s’impliquent de manière plus construite dans la protection des

mineurs. Les groupes de travail décidés il y a un an rendront leurs

conclusions en mars 2023. Nous venons de faire un point d’étape

avec eux au cours de cette Assemblée. Ce travail de fond commence

à porter du fruit. Nous continuerons sur cette lancée.

Une autre question habitait nos cœurs au début de l’Assemblée

plénière : y a-t-il, y aura-t-il d’autres affaires de ce genre ? La

condition humaine étant ce qu’elle est, nul n’est à l’abri de fautes

graves et dramatiques. Mais nous pouvons et nous voulons renforcer

dans l’Église les processus qui les limitent au maximum et les

traitent adéquatement quand elles surviennent.

Dans ce contexte, le communiqué du Cardinal Jean-Pierre Ricard

nous a tous bouleversés. Son initiative de révéler lui-même un fait

grave de son passé est importante. Nous avons mentionné

l’ensemble des situations que nous connaissons. Elles concernent

des évêques qui ne sont plus en fonction. Elles ont toutes fait l’objet

d’un traitement judiciaire.

Frères et sœurs, humblement mais de tout coeur, nous continuons

le travail entrepris pour que l’Église soit une maison plus sûre. Les

personnes victimes demeurent plus que jamais au coeur de notre

attention. Vos attentes et vos exigences sont légitimes et vraiment

entendues. Nous les accueillons comme venant du Seigneur lui-même.

C’est tous ensemble, nous en avons conscience, que nous

pouvons contribuer à une fidélité renouvelée à l’Évangile. Telle est

notre détermination résolue. Telle est notre humble prière.

Lourdes, 8 novembre 2022