Soyez mes témoins !

8 juillet 2023

Chaque année, tout au long de la neuvaine qui nous prépare à la fête des Bienheureuses Martyres d’Orange, nous avons le temps de méditer sur le ‘décalage’ qu’il y a à être chrétien dans notre monde. Cette méditation n’est pas nouvelle ! Déjà, à la fin du IIe siècle de notre ère, marqué par des persécutions violentes, l’auteur de la lettre à Diognète (texte en italiques) soulignait que :

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Leur doctrine n’a pas été découverte par l’imagination ou par les rêveries d’esprits inquiets ; (…) Ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre.
(…) Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens (…). Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire. Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies. (…) Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les tue et c’est ainsi qu’ils trouvent la vie. (…)

Quand on lit ou relit la vie des 32 religieuses qui ont été, avec 300 autres personnes, guillotinées lors de la Terreur de 1794, il ressort clairement une asymétrie, un déséquilibre dans la relation qu’elles ont eue avec ceux qui les ont arrêtées, jugées et condamnées. Face au parti pris de la Commission populaire, face au discours univoque nourri par une idéologie ayant exclu Dieu du périmètre de la vie des hommes, pendant un procès qui n’était qu’à charge et où elles n’avaient pas de défense, les victimes de cette injustice sont restées silencieuses ou n’ont parlé que lorsque cela était indispensable et nécessaire. Elles se sont appliqué à dire la vérité en leur âme et conscience et elles ont toujours gardé la douceur et même la bienveillance face à leurs juges et bourreaux.

On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur justification.
On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Alors qu’ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis qu’on les châtie, ils se réjouissent comme s’ils naissaient à la vie.

La pureté de l’âme des bienheureuses et la force qui les animait s’appuyaient sur la certitude de leur foi. Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable. Chacun de nous a tant de prix aux yeux de Dieu que, pour chacun de nous seulement, Dieu aurait envoyé son Fils unique pour nous sauver et nous racheter de la mort. La mort est entrée dans le monde par la jalousie du diable.

Chers paroissiens, nous avons l’assurance que nos vies sont rachetées et que nos noms sont inscrits dans le Cœur de Dieu. Soyons conscients de notre responsabilité et de la mission que nous avons reçue : être les témoins (c’est-à-dire martyrs) de Jésus jusqu’aux extrémités de la Terre… et chacun sait que les périphéries de notre petit monde personnel (nos voisins de quartier) sont aujourd’hui les extrémités de la Terre ! Ainsi,

ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans les membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais n’appartiennent pas au monde. L’âme invisible est retenue prisonnière dans le corps visible ; ainsi les chrétiens : on les voit vivre dans le monde, mais le culte qu’ils rendent à Dieu demeure invisible.

Le poste que Dieu nous a fixé est si beau qu’il ne nous est pas permis de le déserter. Soyons fidèles ! même en vacances !

P. Michel Berger, curé