Stupeur devant l’appel de Dieu !

17 juin 2023

« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ».

Cette phrase rapportée par Saint Matthieu peut se décliner sous bien des formes.
Aussi, je n’en retiendrai que deux : l’atmosphère religieuse et un Dieu qu’on ne veut plus entendre.

Une première raison : l’atmosphère religieuse.

La pratique religieuse diminue quelles que soient les versions du christianisme en cause. Ainsi la notion de « fidèle » se trouve contrariée. Le fidèle était en même temps celui qui a la foi et celui qui est fidèle à la pratique religieuse. Dans des temps encore récents, ces deux aspects étaient étroitement liés. Ce temps n’est plus, l’appellation même de fidèle semble désuète. Le décalage s’approfondit entre ceux qui confessent une foi religieuse et ceux qui éprouvent un sentiment d’appartenance à l’Eglise. La pratique s’organise sur la base de décisions individuelles. Par exemple, les chrétiens encore nombreux qui souhaitent se marier à l’église, faire baptiser un enfant ou être enterré religieusement conçoivent mal qu’un prêtre de paroisse conteste leur démarche. Ils comprennent difficilement qu’une autorité ecclésiastique fasse ingérence dans le domaine d’une décision personnelle.

Les progrès de l’individualisme semblent déterminants dans cette infidélité croissante qui caractérise la pratique religieuse. Les commandements, les dogmes, les interdits n’ont plus les effets d’antan. La vie religieuse qu’on recherche est celle qui fait du bien, qui apporte un plus à la réalisation des potentialités personnelles de chacun, la réconciliation avec soi-même, le calme, l’équilibre. Ni la foi, ni la religion n’ont disparu mais la fidélité qui demeure est d’une autre nature.

 

Une deuxième raison de l’absence d’ouvriers pour la moisson : la stupeur.

Selon les Ecritures, c’est la réaction la plus commune de ceux qui ressentent l’appel de Dieu ou du Christ, sur eux. Pensons à l’étonnement craintif de Moïse, se trouvant chargé d’une mission très lourde par la voix qui lui vient du buisson ardent ; au désarroi de Joseph, époux de Marie, dont les projets sont bousculés par la survenue de Jésus ; au bouleversement de Paul qui, sur le chemin de Damas, se voit converti par l’appel du Ressuscité. De fait, à un moment ou à un autre de toute fidélité à une vocation surgit – doit surgir – ce cri : Comment moi ? Ce n’est pas possible ! C’est le signe que l’on perçoit enfin la disproportion entre les capacités qu’il faut pour vivre en pleine cohésion à l’appel de Dieu et celles dont on dispose réellement. Mais, finalement, saisi par l’aspect gratifiant de l’élection divine, on ne s’attarde pas vraiment à analyser la réalité proprement inouïe qui sous-tend cette simple phrase : « Dieu t’appelle à le servir ».

« Ce trésor de la foi, nous le portons dans des vases fragiles, pour qu’on voit bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous. »

C’est stupéfiant de se rendre compte qu’à travers nos fragilités, le Verbe de Dieu a gratuitement fait passer quelque chose de sa puissance de libération.

Ainsi la stupeur nous aide à percevoir un peu mieux cette vérité que nous avons tant de mal à réellement pendre en compte : le don de Dieu est grâce, c’est-à-dire gratuité.

 Père Emmanuel Deluëgue