Le prêtre et la pastorale dans le monde numérique

9 mai 2010

Les nouveaux médias au service de la Parole

Le thème de la 44e Journée Mondiale de la Communication invite à la réflexion sur le rôle des nouvelles technologies d’information et de communication dans l’évangélisation.
Comme le souligne le pape Benoît XVI dans son message, internet permet
des occasions inédites de dialogue et ouvre la route à de nouvelles rencontres. En cette année sacerdotale, il appelle les prêtres à être des "animateurs de
communautés sur internet« , à être »des témoins dans le monde
d’aujourd’hui« avec une »attention particulière à qui se trouve dans une situation
de recherche".
Qu’ils soient impliqués dans le lancement ou l’animation du site internet
de leur paroisse, actifs sur les réseaux sociaux, ou bloggeurs, nombreux sont les
prêtres à avoir intégré internet à leur ministère.
Témoignages de plusieurs prêtres sur leur vision et leur usage d’internet.

 

Dans notre diocèse : Témoignage du Père Michel Berger

 

 

► Sur le même sujet, écouter la table ronde diffusée le 10 mai 2010 sur RCF Lumières, animée par Maryse Chauvaux avec : Père Charles-Bernard Savoldelli, Frère Baudouin, Aline (Communauté Shalom), Kolia Roze.

 


« On peut faire un très beau site tout seul, mais ça n’a pas de sens »
Témoignage du Père Gouze

Le Père Jean-Emmanuel Gouze est curé à Asnières (92). Il a contribué à la création du site paroissial en 2006. Un site dont la vocation reste de « mener à la rencontre physique ». Témoignage.

Le site de la paroisse a été lancé en 2006 avec un seul objectif : informer sur la vie
de notre communauté. Comme pour une feuille paroissiale, la question est avant tout de choisir ce que l’on veut dire. Nous avons été amenés à travailler sur l’interview, la rédaction, à apprendre à témoigner, à parler de nous, de ce projet qui nous tenait à coeur.
Si je dis « nous », c’est que l’animation d’un site paroissial ne peut reposer sur le seul curé tout simplement parce qu’il ne sait pas tout faire ! Je travaille constamment avec le webmaster de la paroisse, qui consacre 3h de travail par semaine à notre site paroissial.

Nous nous sommes vite rendu compte que l’information brute ne suffisait pas : il y a ce qui est de l’ordre de l’information, de la communication, et puis il y a ce qui relève de la rencontre, du lien. On peut faire un très beau site tout seul, mais ça n’a pas de sens. Il y a du lien à faire. L’Eglise est le sacrement de la rencontre du Christ. Elle appelle, rencontre, et envoie. Le rôle du curé est de rassembler tous ceux qui sont sur le territoire de la paroisse pour louer le Seigneur et les envoyer dans le monde. Chaque paroissien baptisé est prêtre, prophète et roi. Ces trois dimensions doivent être visibles. Nous prévoyons de modifier notre site de sorte que l’internaute se laisse saisir par une de ces entrées : la prière (prêtre), la découverte (prophète), l’amour (roi).

L’originalité d’un site est qu’il peut être visité par des gens au-delà du territoire
paroissial. Internet nous invite à dépasser le champ d’action des paroissiens puisqu’il n’y a pas de frontières géographiques sur internet !
L’espace d’internet permet d’interpeller les autres et se laisser interpeller par eux. S’il y a quelque chose de virtuel sur internet où l’anonymat peut permettre une
approche, un site reste un outil dont la vocation est de mener à la rencontre
physique, en proposant notamment des nombreux contacts.

 


« Un site paroissial pour aider au discernement et à la réflexion »
Témoignage du père Fernet

Le Père Antoine Fernet, 33 ans, est vicaire de la paroisse Saint Rieul, à Senlis (60). Il fait partie de l’équipe d’animation du site internet de la paroisse. Le défi : diffuser une information qui puisse aider les gens à discerner et à réfléchir.

Je suis arrivé en même temps que mon curé dans la paroisse. Il y avait beaucoup
d’activités proposées, mais certaines étaient très peu connues. Nous avons réfléchi à la création d’un site, en lien avec le conseil pastoral. Nous avions une webmaster
bénévole, ce qui a permis de démarrer le site au printemps 2008.
Cela n’a pas été sans heurts. Au moment du lancement du site, il y a eu quelques réactions de crainte ou d’agacement par rapport à internet. Certains trouvaient que
la démarche n’était pas juste : tout le monde n’a pas accès à internet. Les avis étaient très divers, ce qui a généré des petites tensions dans la paroisse ; il nous a fallu expliquer la pertinence de la démarche.

Je pense qu’il faut être mesuré, par rapport à internet, et ne pas diaboliser cet outil très complémentaire des journaux paroissiaux ou des panneaux d’information à la sortie de la messe. En créant ce site, notre idée était de développer une communication tournée vers l’extérieur et accessible facilement. Le site ne se suffit pas à lui-même. Son but est de susciter la rencontre avec une communauté. Quelle joie de voir de nouveaux visages qui s’étonnent : « On ne pensait pas qu’il y avait une telle vie dans la paroisse ! »
Citons cette remarque d’un internaute : « ça change l’image que j’avais de l’Eglise. »
Le défi pour nous reste de diffuser une information qui puisse aider les gens à discerner et à réfléchir. Je songe à l’emballement médiatique au sujet du drame
de la fillette à Recife puis des propos du pape sur le préservatif lors de sa visite en Afrique en mars 2009. Nos paroissiens avaient besoin d’éclairages et le site a été un formidable vecteur de vérité. Nous nous devons de mettre en ligne des informations sérieuses et claires. On n’est pas au café du commerce !

 


 

« Un lieu où l’on peut toucher des vérités essentielles »
Témoignage du père de Charentenay

Le Père Pierre de Charentenay, 66 ans, est blogueur. Il est en ligne plusieurs fois par semaine. « Je ne partage pas mes états d’âme, mais un regard sur l’actualité », explique-t-il. Il présente son blog « Un seul monde ».

En juin 2008, à la demande de la revue Etudes, et après quelques hésitations,
j’ai commencé mon propre blog : « un seul monde ». Voyages, lectures, réflexions… il s’agit d’un regard sur le monde, à partir de ce que je vois, ce que je lis. Ce blog n’est pas celui de la rédaction, mais mon blog personnel, en tant que rédacteur en
chef d’Etudes. Je n’y partage pas mes états d’âme, mais un regard sur l’actualité.

La clé de la réussite, c’est la régularité. Sur ce point, je ne prends pas de vacances. Je poste en moyenne 3 à 4 articles par semaine. En voyage, j’ai mes codes avec moi et je m’arrange pour trouver un cybercafé. Une des forces de ce blog, c’est notamment un visuel très enrichi de photos.
J’ai toujours mon appareil photo avec moi. Je dispose actuellement d’une banque de quelques 10 000 photos. Au début, mon blog était visité par une vingtaine de personnes chaque jour. Aujourd’hui, on tourne autour de 150. Si les commentaires sont le plus souvent faits sous pseudonyme, ils sont semble-t-il assez crédibles et honnêtes. Je ne peux pas et ne souhaite pas cacher mon identité. Je me dois
d’être honnête. C’est un excellent lieu de dialogue, même s’il est limité. C’est aussi un lieu où l’on peut toucher des vérités essentielles qui sont loin d’être anodines pour les lecteurs. Quant à Facebook, je n’y pense pas, ce n’est pas tout à fait ma
culture et ma disponibilité est limitée.

Pour la revue Etudes, nous avons bâti un site efficace et moderne. Actuellement, nous atteignons quelques 1 300 consultations par jour. Il existe aussi des liens
vers un nombre de ressources numériques impressionnant, avec des archives qui
remontent à 1856 sur Gallica.fr, puis sur Cairn.infos en accès gratuit, sauf les trois
dernières années.

 


« Lancer de filet sur la Toile »
Témoignage du père Pic


Le Père Emmanuel Pic, 51 ans, est blogueur. « Un curé qui tient un blog, c’est forcément un curé pas comme les autres ». Déterminé, il a décidé d’ouvrir le blog du curé. Témoignage.
.
J’ai 51 ans, je suis le curé d’une paroisse de province : normalement je ne devrais pas être là. Si Olivier, journaliste, mon cadet de vingt ans, ne m’avait pas un jour
sérieusement botté les fesses en me disant « vas-y !!! », je n’aurais pas participé à la colonisation (à l’évangélisation ?) de ce septième continent que l’on nomme poétiquement la Toile. Aujourd’hui, amusez-vous à taper « blog » et « curé » sur Google, vous verrez : c’est moi qui m’invite sur votre écran.

Un blog, c’est d’abord un truc supernarcissique. Bienvenue chez moi, regardez
mes photos, écoutez ce que j’ai envie de vous dire, pensez comme moi et si vous n’êtes pas d’accord, exprimez-vous, mais toujours à partir de ce que je pense (de toute façon c’est moi qui censure…). Le Blog du Curé ne fait pas exception à la règle : c’est le journal intime que tout le monde peut lire et sur lequel j’étale mes états d’âme.
Seulement, voilà : un curé, ça reste un curé. Quand il ouvre la bouche, il parle sous
l’abat-son de la chaire ; quand il prend la plume, c’est forcément pour le bulletin
paroissial. Comme dans la prière eucharistique, il est censé toujours dire
« nous ». C’est ainsi que mon petit diaire est devenu prise de parole publique, moyen
d’évangélisation, lieu de confrontation, carrefour sur lequel se retrouvent des
croyants et des incroyants, des benoitseizistes et des gens-qui-ont-mal-à-leur-Eglise. Car un curé qui tient un blog, c’est forcément un curé pas comme les autres, plus ouvert, plus jeune, mieux quoi. Quand je regarde d’où viennent mes lecteurs, je m’étonne : le monde entier, oui madame, oui monsieur, vient me lire (sauf la Chine qui s’obstine à me censurer). Et quand je découvre leurs horizons idéologiques, c’est encore plus intéressant. Car sur le Net, on peut être lu, compris,interpellé par n’importe qui. On cause avec des gens qui étaient à mille lieues de penser qu’un jour ils parleraient à un prêtre. On répond à des questions, on découvre qu’elles sont très très loin de celles à quoi on
s’attendait. On drague, au sens du dictionnaire ("traîner au fond de l’eau un filet
de pêche" : la drague, c’est évangélique). Ceux qui sont là attendent quelque chose, et ils sont nombreux. Des brebis sans berger.

On drague, oui. Mais surtout, on est là. Et c’est là l’essentiel. Commencez une
nouvelle recherche, tapez « Dieu », et vous verrez : les cathos, sur la Toile, sont
cruellement absents. Ce ne sont pas des théologiens qui rédigent les articles de
Wikipédia, dont s’inspirent pour leurs exposés tous les lycéens du monde. Ce ne sont pas des catholiques qui s’expriment le plus sur les débats qui agitent leur Eglise. Pourtant, c’est simple, gratuit, pas cher ; pas besoin d’avoir des relations pour être publié. Pourtant, il y en a des questions qui traînent, des âneries qui
sont proférées, des mensonges qui sont assénés. Mais qui parle pour dire le vrai ? Le pape a raison, il faut y aller. J’en connais, des confrères qui passent du temps à surfer. Allez les copains, encore un effort, écrivez, vous aurez moins l’impression de perdre votre temps.

 


« J’ai découvert que Facebook pouvait être un outil pastoral »
Témoignage du père Charcosset


Le Père Martin Charcosset, 31 ans, est vicaire de la paroisse Sainte-Anne des Calades à Villefranche-sur-Saône (69). Pour sa mission auprès des jeunes, il a adopté les réseaux sociaux. Aujourd’hui, il a 439 amis sur Facebook.

J’ai créé un profil sur Facebook il y a deux ans : c’était l’occasion pour moi de
garder contact avec mon frère en Espagne, ainsi qu’avec plusieurs amis rencontrés au séminaire de Washington. J’ai découvert dans un second temps seulement que Facebook pouvait aussi être un outil pastoral. Beaucoup de mes paroissiens ont pris contact avec moi par ce biais-là.
Je suis notamment en contact avec beaucoup de jeunes, ayant des responsabilités auprès de collégiens et lycéens, et également dans des mouvements de jeunesse (scoutisme, MEJ…). Facebook m’a aidé à saisir ce qu’ils ont dans le coeur. Je trouve que c’est un lieu où ils sont en vérité. Ils livrent leurs impressions du moment parfois plus facilement que dans un face à face.

Deux dangers, tout de même. Tout d’abord, Facebook est chronophage, si l’on
n’y prend garde. De plus, les jeunes ne sont pas toujours conscients de la portée de ce qu’ils disent. Ma mission, en tant que prêtre, est de les aider à se fixer des limites : dans leur gestion du temps, et dans ce qu’ils disent d’eux-mêmes. Facebook est un exercice de retenue, au final. Je suis crédible auprès d’eux
parce que j’ai moi-même un profil sur Facebook, et parce que je partage certains de mes centres d’intérêt.
Facebook ouvre beaucoup de portes ! J’utilise notamment le système de messagerie, qui permet de contacter des personnes dont on n’a pas les coordonnées. Un exemple tout bête d’entretien des relations : on n’oublie plus les dates d’anniversaire. Il y a aussi une bonne part d’inattendu d’imprévu, de dialogue engagé avec des jeunes en recherche. Si un jour j’en trouve le temps, je mettrai par écrit mes fioretti vécues sur Facebook.

 


« Avec Facebook, suis-je prêt à évangéliser ? »
Témoignage du père Le Bourgeois


Le Père Pierre Le Bourgeois, 45 ans, est curé de Nantua (01). Avec presque 180 contacts sur Facebook, il se connecte tous les jours. Cela fait partie de sa mission d’évangélisation. Il est aussi responsable du site paroissial.

J’ai ouvert un profil sur Facebook il y a environ un an et demi. Ca a été tout un
cheminement. Une série de rencontres, une session sur l’évangélisation… l’importance d’internet m’a paru soudain évidente. Les jeunes qui m’entourent m’ont aidé à faire le pas.
Aujourd’hui, j’ai 174 contacts sur Facebook. J’accepte dans ma liste de contacts
des personnes que je ne connais pas. Cela fait partie de ma mission d’évangélisation. Mon profil ne s’appelle pas « Père Le Bourgeois », mais "Pierre Le
Bourgeois". C’est un choix délibéré : attirer, sans bloquer. Ma photo en col romain dit qui je suis. Et il y a mon foulard d’aumônier scout.

Je me suis aussi lancé dans la création d’un site paroissial, que je continue à animer et à mettre à jour. Je suis aidé par des professionnels pour la partie
technique. La grande question, avec internet, c’est de savoir si nous sommes prêts à évangéliser.
L’important, c’est d’être disponible. Internet est une révolution sur ce point :
l’information circule en continu. C’est un nouvel aréopage qu’il faut investir sans crainte avec la Parole forte de l’Évangile. J’utilise beaucoup les transmissions de liens et les fils d’actualité sur Facebook. Un moyen d’éclairer la vérité, parfois au beau milieu de tourbillons médiatiques. Nous ne pouvons pas laisser le
plein air aux ténèbres, mais les catholiques doivent oser être des transmetteurs de la vérité. Oser, et savoir relayer.

Des dangers, des pièges, et des excès sur internet ? Bien sûr, il y en a !
Personnellement, il y a un gros danger dans le temps que l’on y consacre. L’autre danger c’est que n’importe qui peut créer une page, un site, un blog, tout en
restant complètement anonyme. Un des gros problèmes pour l’Église, c’est le manque de professionnalisme avec cette difficulté de rendre le message de l’Évangile audible et crédible pour des personnes qui viennent sur les pages des
différents sites.
Ma plus grande joie sur internet ? Nous préparons une consécration à Marie sur la paroisse. Chaque semaine, les paroissiens pouvaient trouver en ligne des textes de méditation. La 9e semaine, j’ai pris un peu de retard. Certains paroissiens m’ont appelé pour réclamer les textes. Quelle joie de voir que les gens, par ce biais-là, font un réel cheminement spirituel.

 


« Après Facebook je suis revenu au bon vieux site internet »
Témoignage du père de Raucourt


Le Père Gilles de Raucourt, 49 ans, est prêtre de la paroisse Saint-Christophe de Javel, à Paris. Les réseaux sociaux l’ont déçu : « Facebook, j’en reviens », confie-t-il. Il a pourtant plus de 640 amis sur Facebook. Retour au « bon vieux site internet ».

J’ai créé un profil sur Facebook il y a plus de deux ans. Au départ, je pensais en
faire une sorte de « place du village » de l’aumônerie. Ca n’a pas été possible.
Notamment parce que je ne pouvais pas toucher tout mon public par ce biais-là. Je suis revenu à l’ancienne formule : le bon vieux site internet. J’ai créé un site accessible à tous. Pas besoin d’appartenir à un réseau pour trouver les informations de la paroisse. Facebook a un côté élitiste qui exclue ceux qui n’y sont pas.
Au départ, je gérai mes contacts sur Facebook de manière assez restrictive. Et puis, il y a eu un effet de contagion. J’ai fait le choix de m’ouvrir et d’accepter également des contacts avec des jeunes que je ne connaissais pas directement, dans la mesure où je voyais d’où ils venaient. En général, des « amis » d’ « amis ». J’ai joué la carte de l’ouverture. Le terme d’ « amis », à ce propos, ne veut rien dire : ceux qui me demandent de les accepter dans mes contacts ne se présentent jamais.

Nous discutons souvent de Facebook dans les groupes d’aumônerie, ou bien avec
les jeunes dont j’ai la charge, au lycée. Je ne pensais pas que ça avait autant d’importance pour les jeunes aujourd’hui. Ce qui me gène, c’est ce mouvement général où l’on exhibe sa vie en permanence.
Facebook, j’en reviens. Outre la question d’une intimité souvent mal gérée, le réseau en ligne encourage une curiosité qui n’est pas saine. Personne ne maîtrise vraiment ce qu’il communique. De plus, je trouve Facebook complètement inadapté pour le fonctionnement pratique d’un groupe d’aumônerie. Nous avons d’autres ressources techniques bien plus performantes pour échanger des documents, créer des listes d’envois, etc.

 


 

Dossier extrait de eglise.catholique.fr