Pourquoi le célibat ?

28 mai 2023

Ici et là, des hommes et des femmes, y compris au sein de l’Église, remettent en cause le célibat des prêtres ; pourquoi y êtes-vous attaché ?

Je vais commencer par vous raconter une histoire qui m’est arrivée, lors d’une discussion avec une femme d’une vingtaine d’années. Elle m’explique qu’enfant elle avait la foi, mais qu’en cette période d’études universitaires c’est devenu compliqué pour elle. Elle me dit qu’elle a des doutes, qu’elle ne sait plus très bien si elle est toujours catholique. Puis elle ajoute : » Ce qui me porte à croire, c’est le célibat des prêtres, parce que je vois que vous êtes célibataire et que vous êtes heureux ! » Ceci permet de comprendre la raison d’être profonde du célibat des prêtres : un signe qui renvoie à l’existence de Dieu. Un prêtre choisit d’être célibataire, parce qu’il donne toute sa vie à Jésus. Et il est vrai que dans un monde qui veut se construire sans aucune référence à Dieu, le célibat des prêtres dérange, parce qu’il ne s’explique que si Dieu existe et qui mérite qu’on lui donne toute sa vie avec un amour exclusif et définitif. Ce n’est pas une mauvaise chose à mes yeux, que de constater que le célibat des prêtres puisse susciter autant de questionnements.

Pourquoi l’Église latine a-t-elle institué le célibat des prêtres ?

Au XIIe siècle, l’Église latine a décidé de ne plus ordonner des hommes mariés, mais uniquement des hommes célibataires. Cependant, dès l’Antiquité, les hommes mariés ordonnés prêtres se devaient à partir de leur ordination, vivre dans le célibat, c’est-à-dire, soit vivre en frère et sœur avec leur femme, soit quitter leur femme. Ceci signifie que dès la plus Haute Antiquité, s’instaure un lien intime entre le fait d’être apôtre du Christ et de s’y consacrer exclusivement en vivant dans le célibat. On imagine que cette situation pouvait être difficile pour les hommes mariés ordonnés, de quitter leur femme. C’est ainsi qu’à partir du VIIe siècle, les Églises d’Orient ont accepté que les prêtres continuent à vivre dans le mariage, ce qui est toujours la règle aujourd’hui.

Pour vous prêtre, ordonné en faisant vœu de célibat, que représente cet engagement ?

Le célibat est un cadeau, un don précieux de Dieu. D’abord parce que cela nous rapproche de la vie de Jésus, complètement consacré à sa mission. Dans l’Évangile, Jésus parle du célibat pour le Royaume, c’est-à-dire que le bonheur qu’apporte le célibat est tellement grand, que cela justifie que l’on sacrifie tout le reste pour le vivre. Certes, il soulignait que cela allait être difficile. À travers le célibat, nous donnons toute notre vie à l’Église et à nos frères et sœurs. Pour moi, l’Église c’est ma famille. J’ai renoncé à avoir une femme et des enfants. Certes, cela peut représenter un manque dans mon cœur. Mais je suis Père d’une autre façon et je reçois beaucoup d’amour comme j’espère en transmettre de mon côté ! Le célibat est un signe, parce qu’au Ciel nous serons tous comblés par Dieu et déjà nous essayons de vivre de cela à notre humble mesure.

Un signe qui renvoie à l’existence de Dieu : Suite aux divers scandales qui ont secoué l’Église, autoriser le mariage des prêtres est parfois présenté comme une solution, qu’en est-il selon vous ?

À mes yeux ce raisonnement traduit une piètre idée du mariage. Je ne veux pas croire que le mariage soit une rustine pour des gens qui ont des problèmes affectifs. Toutes les études portant sur des prêtres qui ont commis des abus sexuels montrent qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre l’état de célibat des prêtres et les abus sexuels. Les abuseurs, les prédateurs sont des gens qui ont une sexualité perverse ou immature. Ce peut être le cas dans le mariage également, comme dans le célibat… Ce qui importe c’est que tous ceux qui s’engagent dans le célibat, depuis le séminaire et tout au long de leur vie de prêtre, vivent une affectivité équilibrée et que l’on puisse être aidé en cas de difficulté. C’est une question qui peut se poser pour tout le monde, quel que soit l’état de vie ! Je tiens à souligner au passage que je considère comme indécent que l’on instrumentalise la souffrance des victimes d’abus sexuels dans l’Église pour tirer sur le célibat des prêtres.

Le mariage des prêtres pourrait-il susciter davantage de vocations ?

Les premiers apôtres étaient douze ! Ce n’est pas forcément une question de nombre. Cependant, moins il y a de catholiques et moins il y a de vocations. Pour ma part, je considère que la racine profonde de la crise des vocations, c’est la crise de la foi en réalité. En tant qu’ancien formateur auprès de séminaristes, je n’ai jamais senti que la question du célibat faisait obstacle au point de renoncer. S’il s’agit vraiment de répondre à un appel de Dieu, le célibat ne pose pas problème. Certes, il convient de se préparer avant de s’engager, mais encore une fois, le célibat est un don pour vivre sa vie de prêtre et être heureux.

Interview de l’abbé JM de Beaufort dans actu. Fr Occitanie du 21 mai 2023